Maridan-Gyres

Maridan-Gyres

atelier du 10/02/2015

-          Voyez ce joli ménestrel !

 

Le roi qui vient de parler semble se moquer du jeune garçon planté droit sur ses jambes avec son épée de bois à la main.

 

Mélusine, sa fille cadette, n’apprécie pas le trait d’humour de son père. Le jeune homme semble bien marri d’avoir été surpris dans cet accoutrement par son monarque. Comment aurait-il pu prévoir que son roi et sa cour choisiraient justement ce jour pour se promener dans les bois ?

 

****

Mélusine et lui s’étaient éloignés du château après le cours de chant de la princesse. Le jeune Peisah souhaitait lui faire découvrir cette jolie clairière au bord du lac. C’était un lieu isolé, difficile d’accès, car cerné de ronces infranchissables. Il pensait être le seul à connaître le passage.

Autour de lui, chênes, châtaigniers, ormes et trembles formaient comme un écrin pour cette magnifique clairière parsemée ici et là de fleurs des champs, boutons d’or, coquelicots, chardons pâquerettes aux pétales si fins avec lesquels il comptait bien déclarer sa flamme à sa dulcinée.

 

Il avait tout prévu, depuis des mois, pour la séduire. Il avait choisi ses habits du dimanche devant sa mère médusée par ce non-respect des conventions. Elle avait laissé faire lorsqu’il lui avait parlé de son amour pour une belle jeune fille. Bien sûr, la pauvre femme ignorait qu’il s’agissait de sa jeune maîtresse. Le ciel avait semblé adouber ce manque aux usages.

 

-          Regarde maman, la pluie tombe en fines gouttes d’or, elles sont comme les cheveux de ma bien-aimée !

 

En voyant les gouttelettes éclater sur la terre déshydratée depuis des mois, la mère y avait vu, elle aussi, un heureux présage.

Depuis deux semaines, Peisah s’entraînait, en secret, à manier son épée de bois. Pour conquérir le cœur d’une princesse, il ne suffit pas d’être beau ; il faut avant tout être vaillant et brave ! Il savait qu’il existait entre lui et la princesse un lien invisible et les sourires qu’elle lui offrait, si généreusement, le lui confirmait.

 

Ce matin, sa mère s’était blessée avec un couteau de cuisine, et il avait bien cru qu’il allait être retenu pour la remplacer. Heureusement, n voyant sa mine dépitée, sa mère avait assuré au chef de cuisine qu’elle pourrait assurer normalement son service et le jeune homme avait pu partir. Ce qu’il ignorait en revanche c’est que sa mère avait fait un rêve étrange deux nuits plus tôt. Elle avait vu Peisah au sommet d’une montagne couverte de neige. Les jambes ouvertes au-dessus d’une crevasse où l’eau claire s’écoulait à travers la glace. Elle s’était éveillée folle d’inquiétude, que voulez dire ce rêve étrange ? Son fils était-il en danger ? Elle avait sollicité une entrevue avec le mage du roi. À présent, elle se demandait si elle avait bien fait, car depuis, une étrange agitation régnait au château. Ainsi les princes des royaumes voisins avaient été invités au grand bal des fauconniers. La rumeur disait que Mélusine y choisirait son futur époux. Depuis ce matin, le château résonnait de musiques diverses. Un troubadour lui avait dir que ce soir, un musicien présenterait au monarque une nouvelle musique, une rhapsodie, avait-il dit. Drôle de nom pour une musique autour d’un seul instrument, les serviteurs et elle n’y comprenaient pas grand-chose de toute façon à la musique.

 

-          Merci maman !

 

Son fils lui avait sauté au cou et l’avait embrassé avant de filer en vitesse ce matin. Il était illuminé d’un feu intérieur qui faisait plaisir à voir. Elle cessa de songer à tout cela, car au château l’ouvrage ne manquait pas.

 

Ce qu’ignorait la mère de Peisah, c’est que le mage avait vu ce que son fils préparait et il en avait aussitôt informé le roi.

 

Pendant ce temps, Peisah s’était dirigé seul vers la clairière. Il voulait que tout soit parfait. En chemin, il avait cueilli des fleurs des champs et composé de jolis petits bouquets qu’il avait soigneusement attachés aux branches basses des arbres. Il regarda lentement autour de lui… c’était parfait… L’herbe verte et bien grasse, les arbres centenaires tout autour en couronne, le lac en ligne d’horizon. Si seulement l’hiver était là ! Il imagina la même chose alors qu’il neige à gros flocons… Leurs pas se conjuguant en une belle promesse d’éternité.

 

Allons, pas de rêves inutiles, il est temps d’agir. Il tire sa révérence au lac.

 

-          Souhaite-moi bonne chance, mon ami ! Ou tu sers d’écrin à notre amour, ou bien tu seras mon tombeau !

 

Arrivé au château, il croise Mélusine qui comme chaque matin, après son cours de chant, revient du jardin où elle a cueilli un magnifique bouquet de roses fraîches. Hier, il a plu à verse toute la journée et du coup, beaucoup de fleurs ont été abimées. Comme chaque jour, Peisah reçoit son joli sourire et prenant son courage à deux mains, il s’approche.

 

-          Majesté, j’ai découvert une jolie clairière près du lac, aimeriez-vous la voir, il y a plein de jolies fleurs ?

-          Je ne sais pas… La princesse hésite et soudain,

-          Partons tout de suite, car après nous avons des invités.

 

Fou de joie, Peisah devance la princesse et la conduit à travers bois jusqu’au passage secret. Son cœur bat au rythme d’une symphonie d’allégresse. Aujourd’hui, il lui dira, il osera…

 

Avec de grands gestes, à l’aide de son épée de bois, il dégage le chemin. C’est que la robe de sa princesse est bien plus large que son habit de page. Enfin, ils arrivent sur place. Mélusine ouvre grand ses yeux émerveillés.

 

-          Qu’en pensez-vous majesté ?

-          C’est magnifique Peisah, tu avais raison. Est-ce toi qui as pendu tous ces bouquets aux arbres ?

-          Oui, votre majesté, les trouvez-vous jolis ?

 

Avant que la princesse ait pu répondre, les cavaliers et la garde du roi les avaient rejoints, massacrant au passage le joli tapis de fleurs des champs.

 

-          Que fais-tu là, vaurien ?

-          Je montrais la clairière à Sa Majesté.

-          As-tu demandé l’autorisation d’éloigner la princesse du château ?

-          Non, votre majesté, j’ignorais que cela fut nécessaire.

-          Emparez-vous de ce mécréant, attachez-le avec de soldes chaînes, je veux que les manants comprennent bien que la fille du roi n’est pas une gueuse. Tu pourriras en prison, pour avoir osé lui manquer de respect, je te le promets !

 

Maridan 10/02/2015



11/02/2015
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