Maridan-Gyres

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Comment j’ai retrouvé le calumet de la paix 15/04/2013

Le grand sorcier a dit à « Petit soleil » que l’astre s’était levé et couché

7 fois,  depuis qu’il était né au pied  du grand chêne. Il a ajouté  que le grand esprit l’avait fait naître sous les bons auspices,  qu’il serait sage,  grand et fort comme l’arbre et qu’il répandrait la lumière et la paix autour de lui comme le soleil.

Il faut dire qu’en ce temps là, les hommes et les animaux vivaient en harmonie parmi le grand équilibre de la nature.  Parfois ils se chipotaient un peu (surtout les hommes pour des histoires de chasse), mais point de méchanceté gratuite. Les hivers étaient froids et longs, parfois l’eau et l’herbe  venaient à manquer pendant l’été,  mais les prairies étaient vastes et suffisaient à tous  car personne n’avait l’idée d’accumuler de manière égoïste de la richesse.

 

L’arrivée des premiers  visages pâles, fut l’occasion d’une gigantesque  fête pour les hommes comme pour les animaux.  Chacun y participa à sa manière. Même les écureuils et les oiseaux des arbres avaient amené des brindilles pour alimenter le foyer. Il fut fait un feu énorme, visible depuis des lieues et des lieues et tous les chefs de  tribus de  l’Amérique du Nord  s’étaient réunis pour les accueillir.

Un calumet de la paix avait été spécialement fabriqué par les sorciers dans de l’argile sacrée. En fumant, les chefs de tribus et le chef des visages pâles s’étaient fait plein de promesses pour vivre dans l’harmonie.

 

Mais les promesses ne furent pas tenues et  dans les années qui suivirent il y eut des batailles et beaucoup de souffrances. Le calumet semblait perdu.

« Petit soleil »  dut vivre sur une terre qui n’était pas celle de ses ancêtres. Beaucoup des frères et de sœurs, d’amis  avaient disparu.  Le pire était la misère et la faim au ventre, car il n’y avait  plus de bisons à chasser. Un liquide qui ressemblait à de l’eau de feu abrutissait les hommes et les plus valeureux guerriers avaient perdu leur fierté.

Malgré toutes ces vicissitudes, son nom et sa légende ont été transmis au fil années et des années. 

 

J’ai appris que son dernier descendant  vivait aujourd’hui dans sa tribu du Dakota à Pine Ridge.  Il a 7 ans, comme moi.

Est-il heureux ? J’ai décidé d’aller à sa rencontre pour l’aider peut-être.

Voilà : j’en parle à Malik mon  meilleur ami. Il  a un oncle installé là-bas et il y tient une boulangerie française.

Malik est emballé par mon projet. Nous partons dés   le lendemain. Simplement un petit mot à papa et maman pour leur dire que nous allons rejoindre « Petit soleil » et que nous allons l’aider à se venger du mauvais sort qui a été fait à sa tribu.

 

C’est l’oie de Nils Holgerson qui nous a fait traverser l’océan.  Point de frontières à franchir pour les oiseaux migrateurs,  mais un orage énorme qui a failli nous faire rebrousser chemin. Il m’a semblé voir le grand esprit tout emplumé en colère  dans les nuages noirs. Il  montrait de grandes dents et nous reprochait notre décision. Heureusement que nous étions bien abrités derrière le chef de file, juste au fond du V que formaient les oiseaux en route vers  l’ouest.

J’avais lu que là bas les chasseurs étaient nombreux et que tous les hommes ou presque portaient de armes à feu. En arrivant sur la côte, nous avons dû essuyer des coups de fusil. Il faut croire qu’ils ont bien faim dans ce pays pour chasser tout le temps !  Puis les oies ont suivi le tracé d’une très longue route : la route 66.

En guise d’au revoir, l’oie de Nils m’a donné un petit miroir dont je n’ai pas jugé de l’utilité dans l’immédiat.

 

L’oncle de Malik tenait une boulangerie prospère et possédait même une chaîne de magasins dans tout l’Etat. Il  nous a accueillis plutôt fraîchement. Ce ne fut que réprimande et gronderie. Il ne comprenait pas le sens  du voyage et pour lui, le souci fait  aux parents l’emportait  sur notre mission.

Il devait pourtant savoir ce que cela voulait dire, lui qui avait été chassé par  2 fois des pays où il habitait : d’abord des pentes fauves de l’Aurés où il tissait le tapis de laine et ensuite,  de  la banlieue de St Denis vers Paris. Il m’a dit que maintenant il vivait dans le meilleur pays du monde,  qu’ici les hommes et les femmes de toutes les couleurs et de toutes les croyances pouvaient vivre tranquilles et élever leurs enfants dans la dignité. Il a  ajouté  que l’on pouvait ici gagner beaucoup d’argent sans être jalousé par ses voisins.

 

Nous devions poursuivre la recherche, c’est pourquoi, la nuit suivante,  nous avons fui par la fenêtre  en confectionnant une corde avec le drap du lit.

Un inconnu à cheval nous fit signe de le suivre. Nous avons d’abord  traversé des paysages sculptés au cours des  millions d’années,  par l’eau, le vent et le soleil. Puis ce fut le désert de la soif. Ce dernier  portait bien son nom, car ça et là, des squelettes de buffles et de chevaux jonchaient le sol. La trouille de trouver quelque crâne humain troué par des balles  ou desséché par la soif nous tenaillait  le ventre.

Au beau milieu du désert notre accompagnateur inconnu  qui ressemblait à  s’y méprendre à  Bernardo le muet, homme de confiance de Zorro avait disparu.  La nuit fut glacée et pleine de hurlements de coyotes et de sifflements de  serpents. Je savais pour l’avoir lu dans les BD, que la morsure des crotales  était mortelle.  Nous n’avons pas dormi de  peur, de faim et de soif.

Le plus désespérant, c’est que nous ne savions pas où nous étions.  Ah, si le petit prince venait à notre aide !  C’est quand même du ciel qu’est venu notre salut, un ciel bleu immaculé où je distinguais nettement la  petite troupe des oies qui continuait son voyage vers l’ouest, là où le soleil se couche.

Les signaux que j’ai faits  avec le miroir et le soleil ont attiré l’attention de Nils.

Nous avons repris place dans la petite troupe d’oies sauvages.  Elles nous ont  déposé sur la place d’un vieux village indien au pied d’un immense totem dont les inscriptions retraçaient l’histoire de la nation indienne.  Depuis les faux  tipis on entendait des coups de feu qui paraissaient provenir du grand nombre de TV allumées.

Pour connaître notre route, il fallut tirer de sa torpeur un vieil indien qui avait l’air d’être un peu dans les nuages. Connaissait-il « petit soleil » le descendant de mon héros ?

Pas si endormi que cela, ouvrant grande sa bouche édentée, il nous conduisit  vers le chef de la tribu qui s’appelait  Siting bull twenty, descendant du valeureux guerrier  qui avait combattu lors de la bataille de Little big horn et qui avait terminé sa vie en faisant le tour du monde dans le grand cirque de Buffalo Bill « Buffalo circus ». Son ancêtre tirait à l’arc debout sur son cheval. En France, il avait même été convié à un banquet avec le président de la république française.

 Surtout, le chef connaissait le dernier descendant de « Petit soleil»,  dont le  père dirigeait maintenant un grand casino où les hommes s’adonnaient à des jeux de hasard et d’autres jeux, bien incompréhensibles. On disait même qu’on y fumait de l’herbe (peut-être pour essayer de communiquer avec les esprits de la forêt,  de l’eau et du feu).   .

Le chef était resté un sage, il pratiquait à l’occasion la médecine,  mais il n’était plus écouté dans sa tribu. Il passait même pour un vieux grincheux.

Nous avons compris que le grand esprit n’avait plus droit de cité dans la vie des hommes et que les verts pâturages où  paissaient jadis les bisons n’étaient plus qu’un lointain souvenir effacé des rêves. Ensuite, le chef nous a fourni un cheval et  donné une coiffe de 3 plumes qui devait nous porter bonheur.

Surtout, il nous a confié un minuscule rouleau de peau de chèvre tannée et blanchie,  à remettre au dernier descendant de « petit soleil ».

A la sortie du désert, se trouvait la réserve de « Old Valley » . Après toute cette nature hostile, d’autres difficultés nous attendaient,  car ici on ne distinguait pas les shérifs des hors la loi.  Nous fumes vite détroussés et là : plus de cheval, plus de selle. Pas de dollar, pas de portable à voler….La veille peau, les 3 plumes et le miroir n’ont pas été jugées intéressantes..

Au poste de police, nos portraits étaient  affichés avec écrit en gros : « wanted  Pierre (c’est mon nom) et Malik » forte récompense.  C’est cet argent promis  par l’oncle de Malik  qui a  alléché nos aigrefins. Et nous voilà en cellule au milieu de bandits patibulaires.

Pas moyen de s’échapper ?  Si.  Grâce à  L’oie qui passait par là et au  miroir encore. L’appel au secours que  nous avons adressé à « Petit soleil » par son intermédiaire a été vite suivi d’effet grâce au  message porté par l’oiseau.  Il nous a suffi  d’évoquer le nom du  chef  Siting bull twenty et de dessiner les 3 plumes. 

La-bas, l’argent permet beaucoup de choses et en moins de 24 heures,  une fois la somme payée,  nous voilà libres  et logés  dans un tipi grand luxe,  avec piscine, climatisation et coca cola à siroter.

 

Le père de « petit soleil » ne ressemblait pas au personnage que je m’imaginais,  loin s’en faut : prospère au milieu de la pauvreté,  bedonnant,  arrogant, avec un brin de fierté,  car il se savait dépositaire  de la grande tradition de ses ancêtres indiens. Il aimait son fils et comme lui,  il a été touché par notre aventure - surtout par les inscriptions que contenait la peau de chèvre. 

On lui avait enseigné le langage ancien et il l’avait transmis à son fils. Mais malgré leurs efforts,  ils n’arrivaient  pas à  établir la signification des inscriptions qui figuraient sur la peau de chèvre.

J’ai pensé –je ne sais pas pourquoi- à   lire dans le miroir,  le reflet des signes retracés. 

Ces signes transmettaient-ils un ordre précis ou un  secret de la part du grand esprit ? Peut-être mentionnaient t-ils une vieille légende magique.  Le père pourtant revenu de tout et toujours sur la défensive,  fut transfiguré. En  quelques secondes,  sa vie, celle de son peuple, tout ce qui constitue le monde,  défila devant ses yeux.

Maintenant la richesse matérielle dont il profitait lui seul, lui paraissait dérisoire. Il voyait  clairement sur les verts pâturages,  tout le bonheur que lui et surtout les siens avaient perdu.

Et il se rappela qu’un calumet de la paix dont le ventre chaud avait  tant de fois été pétri par les mains de ses ancêtres,  dormait dans le coffre fort. Il n’avait pas servi depuis de si nombreuses lunes que tout le monde en avait  oublié l’usage et surtout la signification.

La suite de l’histoire, je l’ai apprise bien plus tard par les journaux.

Le fils de 7 ans,  est devenu une sorte de grand sachem. Après avoir été sénateur de l’Etat et redonné la liberté et la dignité à son peuple, il a été le Président de son pays mais je n’ai pas retenu son nouveau nom, pour moi il est toujours « petit soleil ».

Le calumet de la paix a repris du service. On le fume souvent lors des réunions des grands chefs du monde entier, surtout en Afrique et même en Asie mineure.  Il paraît que des nations qui se faisaient la guerre depuis des décennies sont maintenant en paix et que les hommes ne portent plus des armes.

Mais nos parents n’ont pas voulu écouter cette histoire.  Ils n’ont pas bien compris non plus.  



04/08/2013
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