Maridan-Gyres

Maridan-Gyres

l'atelier du 15/09/2015

1 - Logorallye

Ce matin-là, j’avais le cœur chagrin.

Je venais de perdre ma petite chèvre.

J’ai posé mes pantoufles de satin,

Et mis du rouge à mes lèvres.

 

Puis, lissant mes longs cheveux,

Je suis partie à sa recherche, pleine de niaque.

Après des heures sous un ciel nuageux,

J’ai retrouvé ma belle hypocondriaque.

 

À force de flatteries et de mots doux,

J’ai quand même fini par la rattraper.

Elle a posé sur moi, ses beaux yeux roux

Tentant par son charme de m’amadouer.

 

En toute honnêteté, je l’avoue,

La coquine a réussi son coup.

 

2 – Portrait posthume

 

-          Ça fait combien de temps que ta femme est morte ?

-          18 mois.

-          Déjà ! C’est fou comme le temps passe vite. J’avais l’impression que c’était moins vieux que ça.

-          Oui ! Pour moi aussi, c’était hier.

-          Tu sors un peu ?

-          Non, pas envie. Excuse-moi, d’autres amis arrivent.

-          Quel couillon celui-là ! Beau mec comme il est, on se demande vraiment ce qu’il attend pour refaire sa vie.

-          Tu es gonflée, toi ! Sa femme c’était quand même un sacré numéro. Et puis, quarante ans de vie commune cela ne s’efface pas si facilement.

-          Oh, arrête ! Vous la mettez tous sur un piédestal, alors que c’était surtout une grande gueule !

-          Oui ! Peut-être, mais super sympa !

-          Sympa ! C’est vite dit. Quand quelqu’un ne lui plaisait pas, elle pouvait être cinglante.

-          Moi, je ne l’ai jamais vue comme ça. D’ailleurs, sa fille disait d’elle qu’elle était un bisounours.

-          Bisounours ! Et puis quoi encore ! Pourquoi pas Mère Thérésa ! Je me souviens d’une fois, à l’époque où nous travaillions ensemble, ou elle avait jeté un type hors de l’agence et ensuite elle l’avait collé contre un mur. J’ai bien cru qu’elle allait le tuer.

-          Tais-toi, sorcière ! Tu dis n’importe quoi. Personne ne croira cette histoire.

-          Mais j’te jure que c’est vrai ! Crois-moi, elle n’était pas toujours facile à vivre au bureau.

-          Avec moi, elle a toujours été formidable. Le lendemain de mon mariage, j’ai quitté mon mari. Elle m’a hébergée sans poser la moindre question. Et pourtant, elle m’avait prévenue, mais je ne l’avais pas écoutée. J’aurais pu gagner dix ans de ma vie, si j’avais suivi ses conseils. Elle a toujours été là pour moi, et qu’est-ce que nous avons pu rire toutes les deux. C’était vraiment une amie formidable, elle me manque terriblement. Tiens ! Voilà Daniel qui revient.

-          Ça va les filles ? Vous voulez boire quelque chose ?

-          Un thé me ferait plaisir, Daniel, merci. Répond Évelyne en minaudant.

-          Ne bouge pas, je te le ramène.

-          Qu’est-ce qu’il est craquant !

-          Laisse tomber ! Il n’est pas encore prêt à refaire sa vie.

-          T’as raison, dix-huit mois déjà. Il ne va pas rester moine toute sa life !

-          Bonjour, Mumu, tu vas bien ?

-          Oui, et vous ?

-          Ça va ! On parlait de Daniel.

-          Figure-toi qu’Évelyne aimerait bien remplacer Marie.

-          Ah ! Ah ! Ah ! Arrête, j’vais mourir de rire.

-          Cesse de rigoler comme une dinde, tu vas perdre tes dents.

-          Excuse-moi Évelyne, mais toi et Daniel, cela m’étonnerait beaucoup !

-          Et pourquoi, je te prie ?

-          Tu ne travailles pas, tu ne sais pas cuisiner, tu es désagréable avec tout le monde et pour couronner tout cela, tu te plains sans cesse. Bref l’antithèse de Marie. Tu n’as aucune chance !

-          Vous êtes toutes des hypocrites. Je suis certaine d’arriver à le séduire. Sa femme n’était qu’une grosse vache !

-          Vas-y, rends-toi ridicule !

-          Vous verrez bien ! commente Évelyne en s’éloignant.

-          Comment peut-elle croire une seconde qu’il va la regarder ? Il était fou amoureux de sa femme. Elle lui inventait sans cesse de bons petits plats, et il lui donnait des notes. Elle recherchait sans cesse le cadeau qui lui ferait le plus plaisir. Et elle se plantait régulièrement, mais cela les amusait. Tout l’univers de Marie tournait autour de lui. Quand elle est tombée malade, elle a réussi à passer le cap en écrivant. Et cette dinde, molle du genou, croit faire le poids juste en remuant son petit cul. Pauvre fille ! Allez viens Mumu, allons rejoindre les autres. Tiens ! On dirait son dernier patron. C’est bizarre, elle ne l’aimait pas du tout. Comment a-t-il su ?

-          Surement par la presse !

-          Oh, le salaud ! Tu entends ce qu’il raconte ?

-          Oui, j’vous l’assure. Elle était malhonnête. À cause d’elle, j’ai dû fermer mon entreprise. Oui, elle a piqué de l’argent dans la caisse et quand la CPAM nous est tombée dessus, nous avons dû fermer boutique. Ces gens ne la connaissaient pas si bien que ça !

-          Alors pourquoi êtes-vous là ? demande Mumu ulcérée. Visiblement, vous ne l’aimiez guère !

-          C’est vrai. Mais en bons chrétiens, nous avons trouvé normal de venir soutenir son mari lors de cette célébration. Lui c’est un brave homme.

-          Vous ne manquez pas de toupet ! Vous devriez avoir honte !

-          Pardon !

-          Fichez le camp, espèce de saligaud. C’était vous le voleur et l’escroc ! Daniel viens voir, ce pourri bave sur ta femme.

-          Dehors ! Barrez-vous ou je ne réponds plus de moi !

 

La journée s’est terminée sur des échanges d’anecdotes. Chacun des amis y allant de ses jolis souvenirs et riant avec les autres à leurs évocations. Ils ont eu de quoi occuper la fin de journée et la soirée.

 

Quant à Évelyne et Christian me direz-vous, que sont-ils devenus ? Et bien, ils sont rentrés chez eux. Il faut savoir qu’on ne peut pas plaire à tout le monde.

 

Moi, tranquillement assise sur mon petit nuage, je me suis fait plaisir en versant des trompes d’eau sur les deux affreux qui avaient osé dire du mal de moi. Que voulez-vous on peut être au ciel et conserver son mauvais caractère.

 

 

 

 

 

3 – Résonnance du mot amour :

 

  • À 6 ans - Lucie

 

C’est quoi l’amour ? Lucie vient de terminer la belle histoire de la belle au bois dormant. Elle, elle a deux amours. Vasco, son beau dalmatien et Ludovic son amoureux.

 

Même que hier, il lui a volé un bisou et que il lui a dit que quand y serait grand et bien y se ferait le mariage tous les deux.

 

Mais, moi, quand je vois papa et maman qui sont mariés et bien je veux pas de ça! Car les maris, ils crient tout le temps et ça casse les oreilles. Heureusement qu’y a mon tout doux Vasco. Que lui, je l’aime grand comme l’univers et même plus. Parce que lui, il fait tout ce que je lui dis. Il aime que moi. Il obéit qu’à moi et aussi à papa, mais c’est parce que lui il crie trop fort.

 

Ah, zut, j’ai oublié y’a Marion, aussi. Que c’est ma copine à la vie à la mort ! C’est beau l’amour, moi j’en ai trois. J’suis trop forte !

 

  • À 20 ans - Anaïs

 

Elle vient de fêter ses vingt ans. Tous ses amis sont là. Il y a aussi le bel Anthony. C’est fou comme elle l’aime, celui-là ! Quand elle le voit, elle s’embrouille, tremble comme une feuille. Elle ne peut plus aligner deux mots et se met à bafouiller comme une idiote. Elle en a les mains moites.

 

Habituellement, Anthony l’embrasse sur les deux joues, mais voilà qu’aujourd’hui, il a glissé un léger baiser sur ses lèvres. Elle a viré à l’écarlate en cessant de respirer.

 

Lui, il s’est éloigné avec un petit sourire ironique accroché à ses lèvres. Elle ne sait que penser. L’a-t-il fait exprès ? L’aime-t-il, lui aussi ? Sa copine Marie-Lou, qui a vu la scène de loin, l’encourage à être audacieuse.

 

« Regarde-toi, tu es belle comme un soleil dans cette petite robe ! Tu l’as fait craquer, c’est tout !»

 

Si seulement c’était vrai ! songe-t-elle. C’est tellement douloureux d’aimer à ce point-là. Elle tire des plans sur la comète. Invente mille et un scénarios et tout cela pour rien, si cela se trouve.

 

Bon sang ! Il faut absolument qu’elle se ressaisisse.

 

Si seulement, avant ce soir, il pouvait recommencer à l’embrasser, ce serait sa plus jolie fête d’anniversaire !

 

  • À 40 ans - Andréa

 

L’amour, se dit Lucie, tu parles d’une connerie ! On a le sang qui bout, la raison fout le camp et on se retrouve à la merci du premier couillon à belle gueule qui passe.

 

Ras le bol, d’être la bécasse de service. À chaque fois, elle y croit. Et à chaque fois, c’est la même chose. Une fois leur affaire faite, les mecs s’excusent, ils sont fatigués et ils rentrent se coucher. Elle, elle finit sa nuit seule et frustrée, et souvent en larmes.

 

À quarante berges, c’est l’amour passoire. J’te remplis, j’me vide, et je passe à la suivante. Il faut qu’elle arrête de rêver, elle n’a plus vingt piges.

 

  • À 60 ans – Marcel

 

Il la regarde avec tendresse. Quarante-deux ans qu’ils marchent ensemble. Quarante-deux ans que leurs chemins de vie se sont croisés pour fusionner sur la même route. Bien sûr, il y a eu la passion dévorante à dix-huit ans. Les hormones travaillent. Et puis, les enfants sont venus, l’un après l’autre. Ils étaient très occupés à les élever correctement. Aujourd’hui, ils sont tirés d’affaire, bien casés tous les deux, avec de bons boulots.

À quarante ans, ils étaient dans le mouvement, l’amour en recherche, en possibilités, en expériences. On en veut toujours plus, les corps se cherchent, comme si on allait mourir demain.

Aujourd’hui, ils se retrouvent seuls comme au début. Tout ce qui les opposait a été adouci, aplani au fil du temps. Il n’y a plus d’ombres entre eux. Juste une jolie lumière tamisée, douce et apaisante. De celles qui laissent le cœur au repos, tranquille. L’amour aujourd’hui, c’est l’Avé Maria de Caccini chanté par Sumi Jo. Ça roule et enroule, ça tient chaud dans le froid de l’hiver et ça transporte les jours ensoleillés. Ce sont leurs deux mains ridées qui se joignent et leurs cœurs apaisés qui battent au même rythme.

 

Maridan 15/09/2015

 

 



16/09/2015
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