Maridan-Gyres

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l'Historie d'Eirik

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"Ah, c'est sûr, pour un premier rendez vous, je l'avoue, la situation n'était pas banale. J'aurais pu choisir un endroit plus confortable et moins risqué, mais combien plus ordinaire comme un vulgaire restaurant. Mais peut être voulais je me singulariser, ou encore frapper un grand coup qui puisse rimer avec grand amour. En mettant dans la même marmite les ingrédients les plus essentiels de ma vie, j'avais l'impression de lui offrir le meilleur de moi même. Ce symbole d'un arbre tendu au dessus d'un précipice avec un homme et une femme à chaque bout tentant de progresser l'un vers l'autre me plaisait. De toute façon me disais je, le rapprochement n'est jamais chose facile. Et puis j'avais inventé tout ce stratagème pour voir si elle avait vraiment envie de me retrouver, elle que j'avais aimé si jeune, et perdu de vue trop vite. Pour pimenter la situation, il ne fallait pas y mettre que du risque et de l'aventure, il fallait aussi que le cadre soit beau et grandiose. Moi qui aimais tant me baigner dans les torrents et offrir mon corps aux cascades, voilà que pour une fois je me trouvais au dessus de l'une d'entre elles, sans même pouvoir la toucher. Heureusement d'ailleurs car celle ci était particulièrement impressionnante par sa hauteur et sa puissance. Ses eaux bouillonnantes grondaient si fort que je ne pouvais me faire entendre de celle qui était en face de moi de l'autre côté du précipice, et à qui je ne pouvais parler que par signes. Trente ans sans se parler, et voilà que nous nous retrouvions muets.

Dans ce rendez vous de folie, chacun de nous était malgré tout resté très sage en optant pour la position la moins risquée, assis à califourchon sur un tronc d'arbre qui pouvait rouler sur lui même à tout moment. Le mieux ou le pire eut été de se mettre debout avec le risque énorme de perdre l'équilibre et de tomber dans ces eaux monstrueuses dont on ne ressortirait peut être pas vivant. En progressant prudemment avec les mains, nous pouvions ainsi nous retrouver enfin réunis, mais au beau milieu du précipice. Pourtant, il nous faudrait bien lâcher ce tronc, ne serait ce qu'un instant pour nous embrasser et nous étreindre, le cœur terrassant la peur. Ensuite nous n'aurions plus envie de nous quitter. Non....pas de droit à l'extase avant de revenir sur la terre ferme. Il nous faudrait revenir ensemble, elle continuant droit devant, moi progressant à reculons, car pas question de me retourner sur un tronc. Mais j'y pense, l'arbre qui n'était pas si épais serait il assez solide pour supporter en son milieu nos deux poids? Subitement le spectre de la mort vint se superposer à l'image de l'amour le plus fou. Ralentissant le temps, une voix intérieure me dit alors : "tu ne vois pas que tout çà n'est rien, et que tu peux en rire. Si tu avais le sida, là oui je te comprendrais.....".Alors mon corps mécaniquement se retourna sur son arbre. Et je pris la main de celle que j'aimais pour l'emmener avec moi, comme si je me trouvais sur la route asphaltée la plus banale.

Eirik



15/09/2013
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