Maridan-Gyres

Maridan-Gyres

Le très beau texte sur le conflit externe d'Orane

DIFFERENCE

 

Au pays où je suis née, le soleil est si fort qu’il brûle la peau et la colore d’un beau brun chaud. Je me souviens de ce camaïeu de têtes brunes qui, en classe, récitait en chœur « Nos ancêtres les Gaulois »… On y croyait, nous, à ces ancêtres blonds, forcément. Nous, c’était le soleil ardent qui nous avait foncé la peau, les cheveux et même les yeux, tiens, pardi !!!

 

Et puis, un jour, j’ai dû quitter mon pays de soleil. J’étais encore une toute petite fille, j’avais du mal à comprendre, j’avais mal à mon cœur d’enfant. On m’a dit « Il faut partir, car ce n’est plus ton pays ; eh non, ton pays, il est de l’autre côté de la mer, tu verras, tu y seras bien ! » Mais alors, si mon pays n’est plus mon pays, mes ancêtres ne sont plus mes ancêtres, qui suis-je, moi, au fond ? Allais-je le savoir un jour ?  

En arrivant dans mon nouveau pays, la France, j’y trouvai, ô surprise, des têtes brunes comme moi, comme mes anciens petits camarades ! Ouf, j’étais rassurée. Mais un peu plus tard, un des enfants s’approche et me dit : « Mais…tu parles français ? » Eh bien oui, pourquoi ? Je ne compris pas cette question idiote. Je me dis alors qu’il devait savoir que j’étais d’origine espagnole, voilà c’était sûrement ça.

 

J’ai grandi avec, dans le cœur, une éternelle nostalgie, un sentiment de n’être jamais vraiment à ma place, du moins de ne jamais réussir à la trouver, ma place. Je sentais se développer un rejet de tout ce qu’on qualifiait de « différent », comme si un seul et unique moule parfait existait et que tout le monde devait se couler dedans. Etant arrivée jeune sur ce territoire, j’ai vite perdu mon accent. Et, très tôt, j’ai eu recours aux teintures capillaires : moi, la brunette typée, je suis devenue blonde. Retour aux sources, à mes fausses racines, à mes ancêtres les Gaulois. J’évitais également au maximum les expositions au soleil. Ainsi, j’allais gommer ma « différence » à coup sûr.

 

Pour autant, je n’osais pas prendre part aux discussions qui tournaient autour des pseudo-problèmes de droit à la différence, de racisme, c’est si facile d’en parler, pour les autres ! Pour moi, c’était des coups de griffes sur les cicatrices de mon âme d’enfant meurtrie. Mes plaies ne se refermeraient jamais.

Un matin, je me suis réveillée le corps couvert de plaques rouges, l’horreur ! Je faisais une réaction allergique aux produits colorants pour cheveux. J’allais donc être obligée de « redevenir » brune, j’en ai pleuré une journée entière. Il allait me falloir assumer dorénavant ! Mes proches se moquaient gentiment de moi.

 

Le samedi suivant avait lieu une soirée dansante à laquelle j’étais invitée. Cela se passait dans la cour d’un castelet appartenant à une famille alsacienne très appréciée dans le coin. Je m’y rendis avec des amis, mais sans conviction. Je m’étais arrangée avec soin, mais avec le souhait de me fondre dans la masse. Or, à peine arrivée, je vois littéralement foncer sur moi un charmant jeune homme blond et beau comme un dieu grec. « Je ne vois plus que vous et vos yeux si noirs, si profonds, magnifiques ! Et ce teint doré ! Quel honneur de vous recevoir ! » C’était le fils des propriétaires, je le sus après.   

Nous avons rapidement fait connaissance, et nous ne nous sommes plus quittés de la soirée. Il m’avait mise en confiance avec sa voix chaleureuse et douce comme une caresse. Nous nous sommes revus, peu à peu il m’a appris à m’accepter, à reconnaître que des différences naît la richesse et qu’on n’a pas le droit d’en priver les autres. Il m’a appris à aimer ma vie, à aimer la vie.

 

Et voilà, aujourd’hui, nous avons deux merveilleux enfants, un très blond comme son papa, et un très brun comme sa maman. Nous leur donnons notre immense amour en espérant qu’ils trouvent toujours un équilibre au cours de leur existence. Dès qu’ils auront un peu grandi, je leur expliquerai qu’être différent au fond, c’est avant tout être soi-même, unique et s’accepter tel quel. C’est ainsi qu’on est en mesure de faire rayonner autour de soi la compréhension et l’acceptation de l’autre.

 

ORANE

 



04/11/2013
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