Maridan-Gyres

Je  me souviens : ma mère  disait,  ma mère  ralait.

Je  me souviens des odeurs de gâteaux dans la cuisine

elle faisait chaque année  des sablés pour Noël

Je me souviens  de ma mère qui chantonnait

de ma mère qui pleurait,

de ma mère qui nous appelait,

de ma  mère qui nous criait après.

Elle  était petite  et  bien  portante

Sa  famille  venait  de la Brie  et  s'était installée à Paris.

Elle  aimait aller chez le coiffeur.

Elle  portait  des robes ajustées , longues  jusqu'aux genoux

car mon père disait : " cela ne se fait pas " :

de montrer ses dessous,

de  fixer les yeux  d'un homme qu'on ne connait pas,

de montrer  ses bras nus, ou ses cheveux à l'église.

Cela  ne  se fait pas  de parler ou de  rire trop fort !

Ne  vous faites pas remarquer !

Alors ma mère ne s' est jamais fait  remarquer.

Elle n'a jamais osé.

Oser faire du piano  en dehors de sa chambre,

oser écrire sa vie, oser continuer à travailler comme vendeuse

ce qu'elle avait fait avant de se marier,

oser  prendre la barre du navire,

oser commander dans son foyer !

Pourtant !

Un jour mon père est parti,  je me souviens :

elle est allée le chercher pour le ramener à la  maison.

Un jour c'est toi,  Maman qui es partie

doucement sans faire de bruit, silencieuse

comme  était ta vie !

Claudine L