Maridan-Gyres

Maridan-Gyres

Atelier 12 - 2020 - sujet 4

 

L’homme du café

 

Je me rends dans un café après une balade dans la forêt. Je suis nouvelle, personne ne me connaît et inversement.

 

Un homme d’un certain âge vient vers moi, me sourit. On commence à discuter de tout et de rien, on se rend compte qu’on a beaucoup de points en commun, il aime la musique, l’écriture, ce sont les deux piliers de ma vie. Je ne peux pas vivre sans.

 

Puis il veut me raconter une histoire qui lui tient particulièrement à cœur, accordant beaucoup d’importance à la psychologie, et à l’expression de l’autre, j’accepte volontiers. Il faut dire, aussi, que j’adore écouter les histoires des autres.

 

« J’avais environ la cinquantaine, j’étais en voyage avec ma femme au pôle nord, nous adorions aller là où il fait froid.

Nous arrivions à notre igloo, déposions et rangions les affaires puis on visitait un peu les environs et nous croisions des personnes que nous voyions chaque année.

 

  • Alors Fred, comment tu vas depuis tout ce temps ? Ça fait plaisir de vous voir ici ! Et vous, Véronica ?
  • Oh, salut Martin, ça va super et toi ? C’est sûr, nous ne venons qu’annuellement, mais c’est toujours un vrai plaisir de venir ici, vous êtes tous si chaleureux ! Faut dire qu’avec l’entreprise que je gère et Véronica qui est très demandée dans son métier d’avocate, on ne prend pas beaucoup de vacances à l’étranger.
  • Et toi Martin, comment tu vas ? Tu t’en sors avec ton bateau ? Toujours célibataire ?
  • Moi ça va, merci, heureusement que les restaurants veulent encore de mes poissons parce-que les personnes d’ici, n’ont plus trop l’habitude d’aller chez nous directement. Depuis l’histoire de l’année dernière avec les pêcheurs qui importaient le poisson plutôt que de le pêcher eux même, les habitants sont devenus méfiants.
  • Ah oui, et je tiens à rester célibataire ! Je fais ce que je veux et quand je veux, pas d’engueulade pour des broutilles, le bonheur quoi !
  • Allez, je vais aller en mer maintenant, à bientôt !

 

Fred et Véronica, n’avaient même pas eu le temps de lui dire au revoir qu’il était déjà reparti sur son bateau. 

 

Il m’expliqua qu’ils avaient l’habitude pendant leurs vacances d’aller à droite, à gauche, chacun de leur côté de façon à avoir des aventures à se raconter lors des repas et de la soirée.

 

Fred avait une passion pour la photo. Il aimait faire des photos de personnes, mais le plus souvent elles étaient tournées vers la nature (animaux, cascades, lacs).

Il était plutôt réservé et avait du mal à s’exprimer, il avait trouvé cette solution d’expression (entre autres), raison pour laquelle ses clichés pouvaient être sombres.

 

Quant à Véronica, elle aimait beaucoup faire de nouvelles connaissances, parler avec les personnes et les aider si elle le pouvait, car elle détestait voir des personnes souffrir et avait le don pour inspirer confiance et réussir à dire les choses franchement tout en y mettant les formes.

Elle avait ce pouvoir d’être capable d’écouter les gens, de les aider, mais sans absorber leur douleur. Elle savait trouver des solutions sans prendre les soucis des autres trop à cœur et sans laisser son cerveau y penser de façon trop présente.

 

Fred avait une autre passion qui était l’écriture, ou plutôt une sorte de thérapie. Cela lui faisait beaucoup de bien d’écrire, de mettre des mots sur ses maux.

Il le faisait très souvent avec des musiques dont le type variait en fonction de son humeur.

Dans ces moments-là, Véronica, savait qu’il ne fallait pas qu’elle le dérange, car c’était pour lui une façon de se retrouver avec lui-même et une interruption pouvait lui faire perdre le fil.

 

Ce n’était pas un couple qui parlait beaucoup, il n’était d’ailleurs pas rare que chacun soit dans la même pièce mais qu’on entende le « tic-tac » de la pendule. Véronica appréciait ces moments de calme même si parfois elle trouvait l’ambiance « trop calme. » Néanmoins, elle savait que c’était important pour Fred donc quand elle en avait assez, elle allait chez un voisin ou chez une copine.

 

Un jour, Martin se promenait sur un fleuve gelé et voulait casser la glace pour trouver des poissons rares qui vivaient en dessous, mais tout à coup, l’eau coula à nouveau et la glace fit des petits blocs. Fred le prit en photo voulant montrer la fonte et la renaissance de l’eau sous sa forme liquide. Il se dépêcha d’essayer de le secourir en voulant le rejoindre en se mettant sur un bloc de glace. En vain, il remarqua vite que son ami avançait de plus en plus vite, il comprit que le courant était plus fort là où il était. Il eut juste le temps de retrouver le sol (avant d’arriver au même point que son ami) qui malheureusement fut emporté par l’eau et noyé. On retrouva son corps 500 mètres plus loin.

 

Le soir, Véronica remarqua que Fred n’était pas bien et lui demanda ce qui n’allait pas, mais il n’arrivait pas à parler car il était choqué. Il ne parla pas pendant plusieurs jours.

 

Véronica avait organisé leur retour chez eux, Fred développa la photo de son ami quelques minutes avant sa disparition, la montra à sa femme et lui dit :

c12e.jpg
 

‘’Tu vois, cette photo, je l’ai prise quelques minutes à peine avant que Martin disparaisse’’ et il lui expliqua qu’il avait essayé de le secourir en vain. Ses larmes se déversèrent sur ses joues. Sa femme essaya de le consoler, mais c’était très dur, il en souffrait beaucoup et aujourd’hui encore.

 

Je pleurais aussi en écoutant cette histoire, car elle me touchait beaucoup. Il me demanda si je voulais voir la photo, j’acceptai en hochant la tête, c’était celle-ci :

 

 

 

 

Il me dit qu’il gardait toujours cette photo sur lui, mais que malheureusement, sa femme l’avait quitté car il n’arrivait pas à s’en remettre et ça la peinait de trop.

 

Je le remerciais de sa confiance envers moi, le pris dans mes bras. Je remarquais vite, que cela nous faisait du bien à tous les deux, on se sentait en sécurité et la tendresse physique nous manquait suite à notre vécu.

 

Je le vois très souvent, souvent on ne parle pas beaucoup, mais on se comprend et jamais (j’espère) on ne se perdra de vue, on ne se fâche jamais (quand on a mal pris quelque chose, on se l’écrit et on s’explique, cela évite beaucoup de « colère inutile »), et on communique aussi beaucoup par lettres, il est plus à l’aise de cette façon et moi aussi, on n’est pas confronté au stress que l’on peut avoir quand on est face à quelqu’un et cela évite de créer des quiproquos puisque l’on a le temps de formuler nos phrases sans nous dire qu’il faut qu’on réponde dans la minute.

 

 

Cocoon



01/10/2020
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