Maridan-Gyres

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Atelier 17 - 2019 - 5ème sujet

 

Rêve d'Automne

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Sous mes pas crépitent les feuilles dont les rouges et les ors viennent mourir dans le lit douillet du sentier qui me conduit vers le lac. Flotte dans l'air, un parfum d'humus, chatouillant subtilement mes narines réjouies. Deux chevreuils, aux aguets derrière les écorces rugueuses, m'observent dans le silence mordoré du soleil couchant tandis que mes lèvres traduisent ma joie devant cette rencontre fortuite. Ils n'attendent qu'un mouvement suspect pour déguerpir et disparaître avec grâce, dans une cachette.

 

Depuis presque une heure, je promène mon bonheur sous les branches frileuses qui n'en finissent plus de pleurer leur feuillage. Après cette lente agonie, elles porteront le deuil durant tout l'hiver, sous un vêtement de froide pureté. Mon esprit vagabonde à travers mes pensées colorées par l'automne. La mélancolie s'installe dans la nature. Mon âme est émue et je goûte avidement au dernier spectacle du jour. Le rouge du couchant tourne au violet : signal ultime pour rentrer au chalet.

 

Dans l'âtre, le feu s'étiole, espérant une bûche à se mettre sous la dent. Tandis que le jour s'éteint, la flambée renaît. La nuit étend son règne sur le raccourci des jours. Depuis la cuisine se faufile l'odeur du rôti qui réveille mon appétit. Le temps de déguster le rouge velouté de ma coupe et le repas sera prêt. Sur la nappe blanche, je parsème quelques feuilles orphelines recueillies durant ma promenade. Un décor romantique pour dîner en tête-à-tête. 

 

Mon amoureux allume les chandelles qui se dressent au centre de la table, puis il entreprend de noyer l'ambiance de la salle à manger dans une pénombre feutrée. La soirée n'appartiendra qu'à l'intimité de nos sentiments. Nous échangerons des mots doux, des souvenirs, des gestes d'amour que nos cheveux blancs se complaisent à convertir en mode tendresse. Comme les saisons se sont succédé, la fougue des premières années a fait place à la profondeur de l'attachement. Les touchers sont devenus caresses, les baisers se font rassurants, les regards se devinent et les mots ne peuvent plus mentir devant les cinquante-trois années qui peu à peu ont fané notre jeunesse. Mais, comme l'automne, notre vie s'est avivée de couleurs insoupçonnées. Moins intenses, mais plus riches, nos jours s'écoulent désormais dans un moment présent hanté par un sentiment d'accomplissement, de détachement. Les feuilles abandonneront toujours leurs branches, mais l'arbre, déjà, dissimule en secret ses nouveaux bourgeons.

 

Ghislaine Genest

 

Chanson d'automne



23/09/2019
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