Maridan-Gyres

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Atelier 8 - 2021 - sujet 2

 

                                          Et après…

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Il était une fois, une planète bleue où l’égoïsme était roi.

Un petit nombre des *bleuséens n’était préoccupé que par son petit confort, sa petite vie facile sans se soucier des nombreuses peuplades alentours qui mouraient de faim, d’insalubrité et souvent d’ignorance.

Les savants bleuséens à la tête de découvertes et de progrès faramineux auraient pu résoudre la plupart des problèmes et autres malédictions qui anéantissaient les plus démunis.

Que nenni ! Trop d’enjeux ô combien lucratifs pour les « déjà nantis » étaient au centre de ce système au profit assuré pour ces derniers.

Quelques idéalistes tentèrent bien de s’insurger contre l’injustice du procédé mais une chasse aux sorcières vindicative découragea jusqu’aux plus téméraires.

Il existait ceux qui évoluaient à travers une aisance insolente et n’octroyaient qu’un regard condescendant vers les petits, les pauvres, enfin ceux que la chance avait boudés. Pourtant c’étaient ces petites mains de toutes couleurs et de tous pays qui faisaient tourner la planète mais ne récoltaient hélas que des miettes de leur dur labeur.

Tentés quotidiennement par une société de consommation attractive et alléchante à travers le biais de produits et créations chimériques, beaucoup se laissaient griser et engloutir par un endettement abyssal ne faisant qu’aggraver une situation déjà catastrophique.

L’économie souterraine était certes florissante, mais la minorité sans honte ni honneur à la tête de ces activités ne faisait que précipiter encore plus rapidement au fond du gouffre les naïfs ayant osé acheter du rêve. Les paradis artificiels engendraient des réveils bien douloureux, quand l’issue n’était pas carrément fatale.

C’est alors qu’une espèce de justice immanente sembla s’étendre, d’abord insidieusement, puis avec beaucoup plus de détermination sur cette belle planète dont le déclin était déjà amorcé depuis quelques décennies. Comme pour rétablir une égalité pourfendue depuis des lustres, un Mal étrange venu d’ailleurs se répandit à travers toutes les contrées. IL frappait jeunes et vieux, riches et pauvres, les plus beaux, les plus laids, les plus sots, les plus instruits, quelques soit leurs croyances ou leurs religions.

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*Bleuséens : mot inventé pour les habitants de la planète terre.

 

Les premiers jours, nombre de fanfarons ne croyaient pas à la réalité de ce qui pour eux ressemblait à une cabale. Cependant, ils commencèrent à « baisser pavillon » quand proches ou amis se trouvèrent atteints et que la grande faucheuse commença à les décimer aveuglément.

Ce n’était ni la peste ni le choléra, mais il fallut se rendre à l’évidence, une épidémie à l’origine totalement inconnue tentait d’anéantir le monde des humains. Ils essayèrent de s’organiser pensant que cet évènement fâcheux ne serait plus bientôt qu’un lointain et mauvais souvenir.

Chaque dirigeant de la planète s’ingénia à trouver la solution ou plutôt le remède miracle afin se débarrasser de cet Envahisseur.

L’un d’entre eux, peut-être un peu plus clairvoyant que ses congénères, osa évoquer une guerre à mener contre un Ennemi invisible, mais néanmoins redoutable devant une mortalité chaque jour croissante. Evidemment, ses détracteurs ne firent pas défaut et les plus sceptiques ne manquèrent pas de le vilipender en criant à la manœuvre politicienne. Néanmoins de nombreux mois plus tard, le dit Ennemi ne semblait battre en retraite que de manière sporadique quand, en partie privé de victimes potentielles déjà recluses, il s’essoufflait sans pour autant capituler. En effet à maintes reprises, les diverses populations durent rester confinées dans leurs habitations afin de freiner la progression de l’Assaillant. Les hôpitaux complètement débordés par les arrivées incessantes de victimes ne pouvaient plus faire face. Pour permettre aux soignants de récupérer et de reprendre un peu de souffle, seuls les confinements ralentissaient les assauts du Mal.

 

Uniquement les commerces nécessaires à la survie des bleuséens demeuraient accessibles. Malgré cela, ces rares mouvements étaient soumis au port de masques, à une désinfection draconienne des mains ainsi qu’a une distanciation réglementée. Les établissements voués à l’enseignement durent également fermer leurs portes et bien évidemment toutes les formes de réjouissances, spectacles en tout genre ou voyages, devinrent impossibles. Divers couvre-feux furent également imposés ainsi que des laissez-passer pour chaque déplacement. Les personnes âgées privées des visites et des câlins de leurs enfants et petits-enfants périclitèrent. Autant moururent de solitude et de chagrin que des suites de cette étrange épidémie.

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Les interdictions de sorties non respectées étant durement sanctionnées. Il s’en suivit moultes tentatives de rebellions et actes de désobéissance chez les bleuséens, dérives qui favorisèrent à nouveau la diffusion du redoutable Mal.

 

Malgré ces mesures, beaucoup mouraient de formes graves de cette Maladie jusqu’alors inconnue. D’autres échappaient à la contamination mais succombaient à des pathologies mortifères n’ayant pu être pris en charge par les établissements médicaux complétement saturés.

Ce terrible bilan était sans compter les malheurs et les souffre-douleurs que l’enfermement et la promiscuité en espaces souvent exigus engendra. Femmes et enfants maltraités ne se comptaient plus, l’alcoolisme redoublant avec la vie cloîtrée du quotidien.

Ne sachant toujours pas ni d’où venait ce Mal ni comment Il pouvait évoluer, les meilleurs infectiologues de la planète tentèrent néanmoins de créer « l’arme fatale » qui ne pouvait être qu’un vaccin, ignorant comment traiter efficacement les contaminés devenus légions.

Afin de maintenir, autant que la situation pouvait le permettre un semblant d’optimisme, dès que l’Envahisseur semblait faiblir, les autorités relâchaient les contraintes en renouvelant évidemment les recommandations de prudence. Et le Mal reprenait ses assauts avec encore plus de virulence.

Cette nouvelle propagation était d’autant plus mortifère que les citoyens privés d’une certaine liberté ainsi que de distractions depuis de longues semaines, s’adonnaient à des rencontres et autres libations en public ou en privé. Ces débordements se répandaient pour le plus grand bonheur de l’Envahisseur qui vagabondait impunément des uns aux autres, de régions en régions et de pays en pays. Il circulait de nouveau avec allégresse et détermination profitant des périodes pendant lesquelles Il était censé reculer pour réapparaître sous une forme encore plus virulente, suivant qu’Il s’était ressourcé en Angleterre, en Inde, au Brésil ou ailleurs.

Toutes ces interruptions d’activité par le monde plongèrent l’économie dans un état catastrophique tel qu’aucun bleuséen n’en n’avait le souvenir. Il fallait reprendre les archives historiques pour retrouver un tel anéantissement de civilisation.

Et cela perdura, se dissipa partiellement, recommença, s’éternisa…Même la vaccination massive ne parvint pas en endiguer les variants sans cesse renouvelés.  Toujours les mêmes contraintes, les mêmes relâchements avec les mêmes exubérances et les mêmes contaminations…

 Les tensions se développèrent de telle sorte que des conflits sous-jacents ou exprimés depuis des décennies éclatèrent en guerres fratricides au nom de politiques et religions antagonistes. De plus, la détérioration climatique fit de la belle planète bleue un monde irrespirable enveloppé d’un cocon ouaté délétère qui finit par asphyxier et décimer la population. Seules quelques milliers d’individus des ethnies existantes survécurent. Réchauffement planétaire et pollution avaient déjà largement contribué à la disparition de nombreuses espèces animales et végétales. De la biodiversité ne subsistait qu’un vague souvenir. Les hommes, dans leur incommensurable égoïsme, leur avidité de progrès et de richesse, avaient largement contribué à l’accélération sans limite du processus naturel de déclin de la terre.

Les scientifiques survivants finirent par accepter l’idée que la dernière et sixième extinction de masse qui s’était accélérée de façon alarmante ces vingt dernières années, connaissait son point d’orgue avec l’arrivée de la dernière pandémie et sa diffusion exponentielle.

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Quelques générations plus tard…

 

Au milieu d’un jardin extraordinaire ou une végétation luxuriante aux fragrances délicates s’étalait à profusion, un vieillard chenu achevait la narration de l’histoire de cette civilisation ancienne qui s’était éteinte faute d’amour de son prochain et de respect de la terre nourricière qu’elle occupait.

Déployés autour de l’aïeul, les enfants attentifs et ébahis, avaient les yeux pleins de larmes. L’émotion suscitée par le récit était palpable et tellement légitime. Ils avaient beaucoup de difficulté à imaginer une telle planète ou tant de haine, de corruption, d’injustice pouvait être le quotidien de tous ces êtres humains. Dans le silence religieux de leur écoute attentive, le claquement d’ailes d’une colombe peu farouche les ramena à la réalité de l’instant. Le bourdonnement d’un essaim d’abeilles les fit lever les yeux vers un ciel limpide et sans nuage.  Pinsons, moineaux et autres chardonnerets picoraient les pâquerettes abondement fleuries dans la douceur d’un printemps prometteur.

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A nouveau le calme suivit cet étrange récit. Le vieillard le respecta, puis soucieux des suites à donner à une telle initiation reprit la parole :

 

  • Mes chers enfants, si je vous ai raconté cette bien triste histoire c’est pour que vous gardiez présent à l’esprit que le bonheur est fragile et que la folie humaine n’existe pas que dans les livres. Vous êtes les descendants de ces Bleuséens qui ont saboté leur planète et tyrannisé tous leurs frères au nom du pouvoir, de l’argent, de l’orgueil et de l’égoïsme.                                   L’amour du prochain semble avoir pris le pouvoir, mais la puissance de ce merveilleux précepte n’est pas infaillible et il vous appartient de l’enrichir et de le renforcer chaque jour.

 

Une ronde de têtes blondes, brunes, crépues s’anima autour du vieux sage. Des yeux sombres, des prunelles claires, des mirettes aux formes d’amandes lancèrent des milliers d’éclats pétillants. Pour eux le message était clair et ils ne pouvaient imaginer un monde autre que celui dans lequel ils évoluaient, la planète Félicité.

Puis sur un signe de leur conteur, les enfants s’égayèrent joyeusement allant chacun vers un avenir respectueux et respecté de tous.

 

David couru vers la synagogue, Amir étendit son tapis de prières, et Jean-Baptiste son missel sous le bras se rendit vers la petite église voisine, c’était l’heure de la catéchèse.

A la nuit tombée ils se retrouveraient tous autour de la table accueillante et conviviale du pasteur du village.

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Il en était ainsi depuis des lustres, à chaque nouvelle lune une famille invitait des enfants de toutes origines à un goûter initiatique des traditions et coutumes de chacun et ce, dans le plus grand respect des croyances d’autrui.

L’ère de l’Amour Universel avait-elle enfin vu le jour ?

  

 

                                                                                                       KIKA mai 2021.



31/05/2021
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