Maridan-Gyres

Maridan-Gyres

l'atelier du 16/04/2014

1)

 

Ecoutez bien cette histoire, et croyez moi plus jamais, vous ne verrez l’Opéra de Paris de la même manière. Qui je suis ? Cela n’a pas d’importance dans le récit que je vais vous conter. Fermez les yeux et ouvrez grandes vos oreilles.

 

Nous sommes au début du 20ème siècle. L’étoile montante, de cette époque, est la belle Katérina Manzoni. Dans tout Paris résonnent les échos de ses prouesses. Cet après midi va lui être remis le trophée de la plus grande étoile de tous les temps. Caché dans l’ombre, le bossu l’observe. Il est fou amoureux d’elle, mais il n’a jamais osé le lui dire. Cependant, hier, il a tenté une approche en lui offrant un bouquet de roses rouges. Hélas ! Devant tant de beauté, il n’a pu que bafouiller des paroles incompréhensibles. La belle Katérina, comme bien des stars avant elle, a montré quelques signes d’agacements. Puis, le bossu ne réussisant pas à lui parler normalement, elle a donné le bouquet de roses à son asistante en lui disant :

 

« Restez là ! Quand il aura retrouvé l’usage de la parole, vous me transmettrez son message. »

 

Moqueuse, elle s’est éloigné. Le cœur du bossu en a été brisé, mais le chagrin d’amour, quelquefois, se transforme en haine et c’est ce qui arriva. Tandis que la belle courait chez le coiffeur pour être le plus jolie possible pour son sacre, le pauvre bossu arpentait les couloirs de l’Opéra. Il repéra un énorme rat gris qui le dévorait des yeux. Il sortit de sa poche un quignon de pain et le lui tendit. Cela faisait pas mal de temps qu’il apprivoisait ainsi ces droles de bêtes honnis des hommes et pourtant si intelligentes. A les nourrir ainsi, il s’en était fait de fidèles compagnons. Tandis que le rat grignotait avec plaisir le crouton, il eut une brillante idée. Ce rat allait lui servir à se venger. Ah la belle en ferait une drole de tête devant son copain le rat ! Il se saisit de l’animal et le posa sur son épaule.

Tandis qu’il mettait au point le moyen de nuire à la danseuse, le rat assis sur son épaule s’étonnait.

« Tiens c’est curieux ! C’est la première fois qu’il me prend avec lui ! Que peux bien me vouloir cet homme ? Pas du mal, car il y a longtemps qu’il aurait pu se débarrasser de moi. Toutefois, le rat se doutait bien qu’il y avait anguille sous roche, mais de quelle sorte ? Accroupi sur l’épaule du bossu, il resta tranquille attendant la suite des évènements.

 

Le bossu avait rejoint par les coulisses le côté de la scène. Ce qu’il vit augmenta sa fureur. La danseuse dédaigneuse embrassait le répétiteur. Ce sale pianiste avec sa belle gueule les avait toutes dans sa poche. Celle qu’il aimait tant n’était pas différente de toutes ces sottes qui fleurissaient son lit chaque soir d’une peau différente. Savoir qu’elle serait la prochaine a être butinée rendait fou notre bossu. Lui, il aurait si bien su l’aimer. Ah la maudite bosse !

 

Il repartit vers les fondements de l’opéra. Tapis dans l’obscurité, il prépara sa vengeance. Cette fille allait voir de quoi était capable un bossu blessé ! Non mais, de quel droit avait-elle osé se moquer de lui ? Pourquoi son si joli bouquet, qui lui avait coûté presqu’une semaine de labeur dans cet opéra maudit, n’avait-il pas su la réjouir. Oh, il ne lui demandait pas de l’aimer, il savaiit bien qu’un bossu ne pouvait espérer conquérir une étoile. Mais si simplement, elle lui avait offert un sourire, c’est toute son âme qui en aurait été éclairée. C’est à tout cela qu’il pense tandis que là-haut, au-dessus de sa tête, les deux tourtereaux roucoulent sans se douter de ce qui se trame dans l’ombre.

 

Lentement, le bossu va passer tout l’après-midi a regrouper une dizaine de rats. Tous plus gros les uns que les autres. Puis, il les mets dans une cage. Notre premier rat recommence à s’interroger.

 

« A-t-il l’intention de nous occire ? Ecoutez moi les amis, dès que ce larron ouvrira la cage, ne réfléchissez pas ! Courrez à en perdre haleine et le plus vite que vous pourrez. Cette historie ne me dit rien qui vaille. »

 

Les compères du rat sont d’accord. Jamais ils n’auraient suivi le bossu, s’ils avaient pu prévoir qu’ils les enfermeraient dans une cage. Loin de se douter des intentions des rats, le bossu se rend dans la loge de la belle Le bouquet est là. La camériste l’a placé dans un vase. Furieux, il sort les fleurs de l’eau et les piétine. Elle ne les mérite pas !

 

« Maudite sois-tu ! Je me vengerai, tu ne seras plus l’idôle de personne. Comment as-tu pu oser te moquer de moi ? Rira bien qui rira le dernier. »

 

La cage à la main, il se rapproche de l’endroit où la belle sera acclamée plus tard dans la soirée. Ici tout le monde le connait. Personne n’aurait pu penser qu’il ferait du mal à celle qu’il aimait tant. Car pour tous, sauf peut-être pour la belle Katérina, la passion du bossu n’avait rien de secret.

 

Serrés dans leur cage, les rats attendent avec angoisse ce qui va suivre. Leur chef une fois de plus, leur donne quelques consignes.

 

-          Notre ennemi aujourd’hui c’est le bossu. Pour la première fois, il nous a trahi. Peut-être visait-il ce but depuis le début. J’ai faim ! et il ne nous a rien apporté.

-          J’ai faim ! reprirent en cœur tous les rats.

 

Pendant ce temps, le public avait envahi la salle d’apparat. Tous les sièges étaient occupés. Le pianiste lança quelques notes sur son piano et l’étoile montante de l’Opéra de Paris fit son apparition. Elle s’élança, suivant avec une grâce éblouissante les notes de musique. Toute la salle retenait son souffle devant de telles prouesses, elle sautait haut, rebondissait avec souplesse. C’était un enchantement de voir sa magnifique robe de voile dessiner des arabesques dans l’air.

 

C’est à ce moment précis que le bossu lacha les rats. Katérina en les voyant apparaître sur scène loupa son atterissage et se tordit affreusement la cheville. Elle hurla à perdre haleine tandis que les rats passaient de par et d’autre d’elle pour échapper à ce brouhaha.

 

Bientôt dans tout l’opéra, ne résonnèrent plus que les cris des animaux qui réclamaient leur pitance, et ceux bien plus nombreux des femmes qui quittaient la salle en hurlant.

 

Dans l’ombre, le bossu était ravi. C’en était fini de sa carrière de danseuse ! On ne se moquait pas impunément de sa laideur. Il repartit heureux vers les caves de l’opéra. Mais on ne gagne jamais à faire le mal. Le pianiste avait vu le sourire ravi du bossu et la colère s’empara de lui. Mais avant, il aida la pauvre Katérina à se rendre dans sa loge. Un médecin praticien fort habile fut appelé à son chevet. Après de nombreux examens, il les rassura. Il faudrait un mois de repos total, mais la belle pourrait reprendre sa carrière. Rassuré, le pianiste décida alors, de s’occuper du bossu. Il en parla à sa douce amie.

 

-          Demain, je me chargerai de faire expulser le bossu de l’opéra, il disparaîtra de votre vue et plus jamais vous n’aurez à souffrir de sa bêtise.

-          N’en faites rien mon ami ! J’ai du le blesser lorsqu’il m’a offert ses roses, j’étais pressée, peut-être aurais-je du lui prêter un peu plus d’attention ? Il a toujours été si gentil avec moi. Je ne comprend pas.

-          N’ayez aucune inquiétiude, je me charge de lui. 

-          De grâce mon ami, laissez faire. C’est un malheureux !

 

Le rat qui avait entendu cette discussion ne tenait pas à voir partir le bossu, lui aussi avait un compte à régler. Il appela tous ses compagnons et leur tient à peu près ce propos :

 

-          Pour se venger cet homme nous a utilisés, sans nous demander notre avis. Pire même, il nous a affamé une journée durant. J’en appelle à vous mes frères qui n’avaient pas été enfermés, viendrez-vous avec nous punir ce larron ?

-          Oui ! De partout les voix unies des rats répondirent de concert un « oui » tonitruant.

 

Le lendemain les journaux titraient :

 

« Mort mystérieuse à l’opéra de Paris. Une bien étrange affaire s’est produite dans la journée d’hier à l’Opéra de Paris. L’étoile montante de cette grande maison a fait une chute, heureusement sans gravité, parce que des rats étaient apparus soudain sur la piste. Mais le plus étrange, c’est que ces mêmes rats ont dévoré dans la nuit, le corps de l’homme de ménage qui travaillait là depuis plus de dix ans. La famille du bossu est prié de se faire connaître auprès du régisseur de cette grande maison. A défaut le corps sera déposé dans la fosse commune. »

 

Voilà mes amis, vous connaissez tout de cette sinistre histoire. Non, ne me posez pas cette question, vous pourriez ne pas aimer la réponse. Qui je suis ? Ne l’avez-vous pas encore déviné ? Allons, allons, méfiez vous des rats, il n’est pas bon de les trahir. Le bossu avait raison, nous sommes tous très intelligents. Il n’est pas bon de nous mépriser ! Permettez moi de me retirer, une autre vengeance m’attend….

 

Maridan 16/04/2014

 

2)

 

L’émotion qui la gagne la laisse pantelante. Comment expliquer ce choc qui soudain a envahi sa vie. Rien ne l’avait préparée à tant de bouleversements. Tout avait commencé par une simple agitation de ses mains dès qu’elle le voyait apparaître. Le trouble qui s’emparait d’elle à chaque fois quelle croisait son regard et la faisait virer au rouge écarlate. Comme si soudain tout son corps s’embrasait. Le pire sans aucun doute c’était produit la première fois qu’il lui avait souri. Ce fut une secousse qui la laissa chancelante. Tout son corps réclamait cet homme. Lorsqu’elle osa endin en parler à sa mère celle-ci s’offusqua.

 

-          Ma pauvre fille, tu es tombée sur la tête. On n’a pas idée de s’amouracher du premier galopin qui passe.

 

Comment sa mère aurait-elle pu comprendre la commotion qu’un seul de ses regards faisait naître en elle ? Son désarroi était tel, qu’elle trouva le courage d’en parler à sa meilleure amie.

 

-          Cet homme a ébranlé tout ce en quoi je croyais. L’émoi que je ressens, juste en l’apercevant, me laisse à penser que je vais devenir folle, s’il me repousse ! C’est une secousse qui me pousse à me jeter dans le vide, à ne pas réfléchir, à oublier tout ce que mes parents m’ont transmis. Je ne sais plus que faire ! Aide-moi !

-          Ta trop grande sensibilité te fait confondre sentiment et attirance physique. Tu peux désirer un homme sans en être amoureuse, ne te trompe pas, tu le regretterais amèrement !

-          Hier, il m’a souri, le saisissement qui s’est alors emparé de moi m’a fait bafouiller lamentablement, je me serais caché dans un trou de souris si j’avais pu.

-          Reste calme, imagine un gros bloc de glace. Fais preuve de froideur quand tu t’adresses à lui.

-          Mais, je n’ai aucune envie de le repousser.

-          Tu ne le repousses pas, tu fais monter les enchères. Les hommes, crois-moi, sont des prédateurs. Ils consomment les proies faciles et les jettent. Ils s’accrochent aux garces qui les font marcher. Essaie d’être indifférente, insensible à ses propos, tu verras, il va insister, se rapprocher encore plus de toi. Peut-être même viendra t-il s’asseoir près de toi en classe.

-          Je vais essayer, mais je ne te promets rien !

-          C’est à toi de décider si tu veux être la chasseresse ou la proie !

 

Maridan 16/04/2014



16/04/2014
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