Le logo rallye des vacances.
LOGO RALLYE : bleu – peuple –mort – trou – voler – avancer – partir – marcher – chien – oiseau – chat – migration – espérance.
Les falaises cisaillées dans la roche d’un rouge ardent surplombent la mer avec arrogance. Au milieu de ce décor unique au monde, une route sinueuse, étroite et poussiéreuse, serpente et déroule son ruban jusqu’à l’inaccessible.
Surgi de nulle part, un vieux cabriolet bleu file au gré de l’humeur joyeuse de ses occupants. Ils rient et chantent à tue-tête et leurs voix se mêlent au bruit sec des vagues qui s’écrasent en contrebas sur les rochers, mais qu’on ne voit pas. Ils ne dérangent personne, non, personne.
Jadis tout un peuple a vécu en ces lieux à la fois hostiles et attirants. Aujourd’hui, seules subsistent quelques grottes à moitié éboulées, témoins supposés d’une vie oubliée, d’une mort sans mémoire, sans trace dans l’Histoire.
Mais les jeunes gens se soucient fort peu du passé de ce merveilleux endroit. Ils roulent, ivres de jeunesse, heureux et pressés de vivre.
Soudain le conducteur donne un coup de frein tel que la vieille voiture secoue violemment ses passagers avant de s’immobiliser en plein milieu de la route.
Les chants se taisent. Un cri poussé à l’unisson, une exclamation de surprise, d’incrédulité mais aussi de respect résonne dans le silence, la joyeuse bande est pétrifiée.
Un trou géant, percé dans la montagne comme une immense fenêtre dans un corps monstrueux, laisse apparaître le plus beau des chefs-d’œuvre naturels qu’il leur ait jamais été donné à voir, un tableau à couper le souffle, que l’on voudrait voler pour ne l’avoir rien qu’à soi !
Les jeunes amis, médusés, finissent par avancer lentement, très lentement, comme s’ils craignaient que l’image ne s’efface devant trop d’impatience. Ils n’ont plus envie de rire ni de chanter, juste d’admirer, muets, en silence. Chacun se laisse aller à ses pensées. L’un se dit : « Comment aurais-je pu continuer ma vie sans connaître ça ! ».Un second compose déjà dans sa tête un poème en hommage à la beauté, un autre encore a du mal à retenir ses larmes. L’intensité de l’émotion est telle que les parois rocailleuses semble l’exsuder, dispersant sur le petit groupe un charme magique, proche de l’envoûtement. On est bien loin de l’excitation qui les avait agités avant de partir pour cette balade. Et dire qu’ils avaient failli rater ça !
Il faut dire que, férus de randonnées, ils s’étaient fréquemment aventurés sur des chemins destinés à assouvir leur soif de découverte. C’est pourquoi, lorsque l’oncle Jim leur avait proposé un tour en voiture, histoire de « rôder » le nouveau moteur de son vieux tacot « Ça vous changera, c’est moins fatiguant que de marcher, non ? Allez, vous me rendrez service ! »,ils avaient d’abord hésité.Et puis ils avaient accepté pour faire plaisir au vieux monsieur, sans toutefois être rassurés, le véhicule en question datant tout de même du siècle dernier !!!
Pour l’heure, ils étaient bien loin de regretter la « promenade d’essai ».
Même César, le chien, qui s’était faufilé en douce sous le siège au dernier moment, sentait qu’il se passait quelque chose d’inhabituel, mais quoi ? Les oreilles baissées, il restait derrière, tâchant de se faire oublier, mais lui, il regrettait d’être venu. Il s’ennuyait, il aurait dû rester chez oncle Jim, il s’amusait bien dans la cour. Surtout lorsque Piaf, le petit oiseau recueilli cet hiver par tante Jeanne, se cachait désespérément pour échapper à Tim, le chat des voisins. Quel trio ! Et quel vacarme parfois ! La vie en somme !
Alors que le temps semble s’être arrêté, le petit groupe reste suspendu au silence, dans cet irréel qui envahit tout. Et voilà qu’au-delà de l’énorme ouverture, une autre vie se met en scène. Le ciel turquoise s’arrondit à l’horizon pour mieux posséder sa maîtresse, la mer émeraude parée de fines perles et de dentelles. C’est l’heure solennelle de l’union des deux immensités d’azur. La grande migration des invités commence. Les goélands argentés arrivent les premiers à la noce, sans un cri ils tournoient en un lent ballet nuptial, si lent qu’on pourrait croire qu’ils ne se déplacent pas. Les hareldes boréales sont là aussi, sans qu’on les ait vu arriver ; leurs mouvements, d’habitude si vifs, sont si mesurés qu’elles paraissent immobiles. Les sternes souples et élégantes ferment le bal.
Les jeunes gens n’arrivent pas à se détacher de ce spectacle, c’est comme une toile de Matisse revisitée, une ode à la plénitude, une parenthèse intemporelle inattendue.
Furtivement le jour décline, laissant le crépuscule étendre son voile de brume. César, engourdi, s’ébroue pour donner le signal de départ. L’oncle Jim va s’inquiéter !Le charme est brisé,chacun sort progressivement de l’hypnose indescriptible où il avait été plongé et, à regret, se dirige vers le cabriolet, sans se retourner, avec au fond de l’âme comme une promesse de salut : l’espérance éternelle.
ORANE
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