Maridan-Gyres

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Atelier 18 les mots, atelier 19 l'image - La ronde de mots

L'image qui suit à fait naître ce conte. Bonne lecture à tous

 

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Illustration de Pascal Moguérou - Son blog :  http://pascal.moguerou.free.fr/pascal_moguerou_illustrations.php

 

Le vieux chêne du bois Joli est bien triste aujourd’hui. La fée Mélissandre, en volant au-dessus de lui, l’entend soupirer.

 

  • Et bien, mon vieil ami, tu me sembles en peine, aujourd’hui !
  • C’est vrai, ma bonne fée, trop de mes amis ont disparu, et je m’ennuie beaucoup, tout seul ici. Quant aux jeunes, ils n’écoutent plus guère les conseils avisés des vieux chênes. Alors je me demande à quoi je sers !
  • Tu es notre grand sage, mon ami. À tous nos soucis, tu trouves toujours une solution.
  • C’était peut-être vrai avant, mais à présent qui vient encore me consulter ?
  • C’est peut-être une accalmie avant la tempête. Dis-moi ce que je peux faire pour toi, et promis, je le ferai avec plaisir !
  • J’aimerais voir le monde, lire des livres, comme le font parfois les hommes quand ils se reposent à l’ombre de mes branches. J’aimerais découvrir les fleurs dont me parlent mes amies les fées. Rencontrer les animaux qui ne vivent pas parmi nous. Marcher pour toujours sur les chemins du monde. Découvrir, moi aussi, le plaisir d’avoir une bien-aimée à chérir. Poser mes pieds nus dans le sable chaud d’une plage au bord de la mer. Déambuler dans des allées, bordées de cerisier en fleurs, autour d’un lac aux eaux limpides. Au lieu de cela, je rumine ici mon ennui.
  • Écoute-moi attentivement, mon ami, je vais t’accorder un mois dans le corps d’un homme avec suffisamment d’argent pour faire tout ce dont tu viens de me parler, mais fais bien attention à ce qui va suivre. Dans un mois, jour pour jour, tu devras être de retour ici, sinon tu reprendras ta forme initiale et tes racines te liront à l’endroit où tu seras.

 

L’enthousiasme que manifeste le vieux sage à cette promesse résonne dans tout le Bois Joli. Tandis qu’il clame sa joie, il voit ses branches se tordre en tous sens et prendre la forme de bras, puis de mains. Et voici son tronc qui se met à tourner à toute vitesse et il se détache de la terre et découvre ses nouvelles jambes. Il saute de joie. Un coup de baguette magique et des habits verts et bruns aux couleurs de sa vraie nature le recouvrent. Mélissandre a réalisé son vœu. Après un doux sourire à son ami, elle disparaît.

 

  • Merci ma bonne fée ! Je vais devoir te rapporter un très joli cadeau de ma visite.

 

C’est ainsi que commence l’aventure du vieux chêne. Il décide de se rebaptiser Daniel, car dans le monde des hommes, le vieux chêne n’est pas un nom. Il prend le chemin qui mène au village. Mélissandre lui a expliqué qu’il devait manger au moins deux fois par jour et boire au moins six verres d’eau. Il demande donc en chemin, à un homme qu’il croise, où il peut se nourrir. Celui-ci lui indique une auberge où lui se régale à chaque fois qu’il sort.

 

Arrivé au village, il se rend à l’auberge et décide de faire confiance à la femme qui lui conseille le menu du jour avec ¼ de vin compris, le repas n’est pas bien cher, puisqu’il suffit de lui donner un billet de la bourse que lui a remise son amie la fée. Toutefois quand la serveuse lui annonce du poulet, du lapin, ou du poisson, il refuse.

 

  • Désolé ! Je refuse de manger de la viande ou du poisson. Que pouvez-vous me proposer d’autre ?
  • Une omelette aux herbes, peut-être !
  • Très bien ! Merci.

 

Et c’est ainsi qu’il commence son premier repas. Il apprécie les sensations qu’il a en bouche. Arrive ensuite une part de camembert que la serveuse a écrasée sur une tartine de pain. Par contre, il n’aime pas le goût du vin. Cela lui tourne la tête. Il réclame de l’eau à la serveuse.

 

Lorsqu’il quitte l’établissement, il a une folle envie de dormir. Il part rejoindre la campagne un peu plus loin. Il s’allonge sous un chêne après s’être présenté.

 

  • Je vais profiter de ton ombre, mon ami, car j’ai très chaud. Comment les hommes se font-ils à ce corps si inconfortable ?

 

Daniel se réveille, alors que le soleil se couche. Il a très mal au ventre et ce dernier ne cesse de gronder. Et puis, il a mal partout. Dormir sur le sol ne semble pas être une bonne idée. De retour au village, il loue une chambre avec le dîner et petit déjeuner. Ses racines lui manquent. Elles le nourrissent si bien, qu’il n’a jamais faim.

 

Après un bon dîner, il découvre sa chambre. Elle est coquette et le radiateur diffuse une chaleur agréable. L’hôtelière lui a expliqué le fonctionnement de la télévision. Allongé sur le lit, il découvre les joies du petit écran. Il y est question d’éleveurs de vaches en mode industriel. Ensuite, ce sont les conflits du monde et ces deux fous qui s’insultent par écrans interposés, et pour finir le cri d’alarme des scientifiques qui annoncent des désordres mondiaux au niveau du climat.

 

  • Les hommes sont-ils fous ?

 

Est-ce pour cela qu’il a quitté le nid douillet du Bois Joli ? Complètement désenchanté, il quitte sa chambre et part marcher dans la nuit noire. Un joli petit chat noir vient se frotter contre ses nouvelles jambes. Il se baisse et le prend dans ses bras. Il le caresse et la pauvre bête se met à ronronner.

 

  • Viens avec moi petit chat. Je te blottirai sous la couverture de mon lit, cette nuit tu auras bien chaud.

 

Il lui verse un peu de lait que l’hôtelière lui a donné et pour passer le temps, il rallume le téléviseur, mais à force de supprimer les chaînes les unes après les autres, il tombe sur les débats de l’Assemblée Nationale où, d’après le présentateur, de nouveaux visages soulèvent de nombreuses critiques.  Il observe ses hommes si fats, si obséquieux, si gonflés de leurs petites prérogatives qui s’invectivent à qui mieux, mieux, pendant que le peuple souffre. Écœuré, il éteint le poste de télévision.

 

  • Pauvre minet, si tu le souhaites, tu viens avec moi au Bois Joli. Cet univers manque trop de quiétude, pour moi. Et puis là-bas, tu verras. J’ai de nombreux amis avec qui tu pourras jouer. Il y aura toujours quelqu’un pour te proposer de passer une nuit au chaud.

 

Au petit matin, le petit chat le suit. Lorsqu’ils arrivent à l’orée du Bois Joli, Mélissandre est là qui les attend avec son magnifique sourire.

 

  • Je savais, mon cher ami, qu’une seule journée te ramènerait à moi. Alors qu’as-tu pensé de ton escapade ?
  • Que je préfère mille fois profiter de mes amis, même s’ils viennent rarement. Que la nature qui m’entoure est magnifique, pleine de charme et que les oiseaux sont mes meilleurs amis. J’aime écouter leurs chants mélodieux, sentir la caresse du vent dans mes feuilles et apporter de l’ombre aux amoureux. Quand je me sens bien, j’entends au loin l’eau des rivières qui caracole, le cri des crapauds et des grenouilles qui se charment. Tout ici est reposant et aimable. Le monde des hommes est un cauchemar et pour rien au monde, je ne redemanderai à en faire partie. S’il te plaît, rends-moi mes branches et mon tronc. Fais disparaître cet homme que je ne suis pas, rends-moi ma forme sylvestre que mes racines renouent avec leurs vieilles amitiés et que mes branches se peuplent à nouveau de la vie du Bois Joli.

 

Et ainsi fut fait le vieux chêne retrouva sa vraie nature, et le chat devint le meilleur ami des oiseaux. Grâce à cela, si vous passez par le Bois Joli, vous ne serez pas surpris de voir un gros matou noir, dormir dans les branches d’un vieux chêne, entouré de ses amis à plumes. C’est encore un miracle du Bois Joli.

 

Maridan 27/11/2018



27/11/2017
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