Maridan-Gyres

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Atelier 10 - 2025 - Sujet 4

 

 

ATELIER 10 - 2025 SUJET 4

 

Et si demain notre Président décidait d’entrer en guerre… Que feriez-vous ?

 

Non à la guerre, oui à la PAIX

 

Bien calée dans mon fauteuil, j’écoute de la musique, laissant mon imagination voguer au son des mélodies, savourant les textes qui s’offrent à moi. 

 

Le téléphone sonne, je n’ai pas envie de répondre. Je laisse sonner, mais Vincent insiste.

 

  • Allo, Ah, c’est toi, bonjour Vincent… Que se passe-t-il ? Tu as une voix bizarre.
  • Enfin, tu n'as pas écouté les informations. Il se passe quelque chose de grave. Le Président vient d’annoncer qu’il a décidé d’entrer en guerre.
  • Je ne comprends pas !  De quelle guerre parles-tu ? Il est tombé sur la tête ! Tu te trompes, c’est une fake news, ce n’est pas possible !  Allons Vincent ! Arrête d’aller glaner des âneries sur les réseaux sociaux qui pullulent de mensonges, de théories complotistes. Tu t’es encore laissé prendre par une info de l’IA.
  • Écoute moi, je te le dis, c’est très sérieux. Je ne sais pas quoi faire et toi, que vas-tu faire ? 

 

Persuadée qu’il s’agit d’une blague de mauvais goût, je tente de tourner la situation en dérision. Mais Vincent, mon ami de toujours, n’en démord pas. 

 

  • Enfin, Vincent, soit sérieux, ce n’est plus drôle. 

 

Le doute m’envahit. Je connais bien Vincent. Il ne pourrait pas ironiser sur un sujet aussi sérieux. J’allume la télé, et là, en boucle, l’information vient me frapper au visage. Je suis sidérée, je comprends le désarroi de Vincent.

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Il m’a demandé ce que j’allais faire. Je ne sais pas, je suis abasourdie, je n’arrive pas à réfléchir, à aligner une idée à la suite de l’autre. Tout ce que j’arrive à dire à voix haute :

 

  • C’est fou ! On marche sur la tête ! Pourquoi ?

 

Vincent entend mes divagations, il me demande à nouveau ce que je vais faire.

 

Je lui crie, je ne sais pas, c’est tellement ubuesque que je n'arrive toujours pas à le croire !

Si, je sais ce que je vais faire et je lui lance sans réfléchir, sur un ton frôlant l’hystérie :

 

  • Je ne ferai pas la guerre, je ferai l’amour ! Tu connais ce slogan “Faites l’amour pas la guerre”, c’est beau, non ?

 

Vincent, au bout du fil, reste silencieux. Une atmosphère pesante enveloppe la pièce, puis je reprends :

 

  • Et le Président, comment a-t-il pris sa décision? Le parlement a-t-il approuvé ? Je ne crois pas avoir été consultée à ce sujet. Je n’ai pas mon mot à dire ? Après chaque guerre, on nous a dit plus jamais ça et, à chaque fois, on recommence avant même que les cicatrices de la précédente guerre soient atténuées. Il suffit de voir ce qui se passe dans le monde. Et toi Vincent, qu'en penses-tu ?
  • Oui, je sais, je suis d’accord, mais il faut faire quelque chose, mais quoi ?
  • S’opposer, refuser, argumenter, justifier, convaincre, hurler, manifester ! Enfin, tout ce qui est en notre pouvoir pour qu’il revienne sur sa décision. Il ne faut surtout pas déclarer la guerre, lancer les hostilités ; il y a d’autres alternatives à la violence, la brutalité, la force. La responsabilité incombe à celui qui commence. La violence, quelle qu’elle soit, ne résout pas les conflits, au contraire, c’est une escalade dont on connaît toujours la fin : des morts, des souffrances, des blessures irrémédiables. Retrouvons la raison !

 

Vincent essaie de me parler, je ne l’entends plus, tous mes repères explosent. Je voudrais agir, mais je ne suis rien à côté de ces puissants qui décident à ma place. Oui, il a été élu, mais je n’ai pas voté pour un va-t’en guerre !

 

Je regarde mon poste de télévision et j’entends que des manifestations s’organisent pour contrer cette décision. 

 

  • Vincent, tu es toujours là ? Je vais à la manifestation qui se tient dans une heure à République. Viens me chercher.

 

En attendant Vincent, j’essaie de retrouver mon calme, de réfléchir rationnellement, de structurer ma pensée. Je n’y arrive pas. Je pense à la question de Vincent. Que vas-tu faire ? Je n’en sais rien. Tout ce que je sais, c’est que cela ne doit pas arriver.

 

Instinctivement, je prends une feuille de papier et j’écris des slogans pour les banderoles. Je pense aux textes de Brassens, ce poète éternel, humaniste, qui dénonçait avec justesse les dérives d’un système qui annihile les peuples. J’écris machinalement un extrait de son texte Mourir pour des idées, oui mais de mort lente. Je me dis que je devrais envoyer ce texte au Président, ou encore le merveilleux texte de Vian, le déserteur où il écrit “ Je ne suis pas sur terre pour tuer des pauvres gens”. 

 

Je n’arrive pas y croire, je me dis encore que c’est un canular. La guerre détruit notre planète. Pourquoi déclarer la guerre ? Au nom de quoi ? Se défendre, oui, mais quand on voit le résultat en Ukraine… Ce peuple se défend contre un monstre assoiffé de pouvoir. Les valeureux combattants résistent à l’assaut, la population a fui pour échapper à l’envahisseur. Finalement, après 3 ans, on nous explique qu’ils devront capituler, abandonner. Ils ont déjà pris la Crimée. Que s’est-il passé ? Rien…. En revanche, les puissants de ce monde réfléchissent à se partager les richesses de notre planète. Pour négocier des accords commerciaux contre les ukrainiens, ils savent s’accorder, au nom d’une soi-disant paix, de la liberté, de la démocratie, sans se préoccuper du sort des populations. A quoi sert le droit international ? Aujourd’hui, il est bafoué, piétiné sans que personne ne réagisse. Je suis en colère, je hurle, je pleure… 

 

Je ne sais pas ce que je ferai, mais je refuse de capituler. Notre Président ne doit pas prendre de telles décisions, je suis convaincue que je dois me battre pour arrêter cette spirale infernale. Je ne me suis jamais révoltée, j’ai tout accepté, j’ai bien travaillé, j’ai élevé mes enfants, j’étais obéissante. Pourquoi ? Pour qu’une décision insensée, absurde, périlleuse, soit prise alors que je ne l’aurai jamais imaginée, même dans mes plus mauvais rêves. Non, non et non ! C’est trop !

 

Puis une image dévastatrice m’envahit et me bouleverse. Mes enfants, que vont-ils penser ? Ils ne sont pas préparés, je les ai élevés dans l'insouciance, la joie de vivre, l’amour, le partage, l'humanisme. Pour eux, la guerre, c’est loin, même s’ils assistent, comme moi, impuissants, aux horreurs de la guerre qui sévit dans le monde. Je leur ai toujours dit que cela ne pouvait pas arriver chez nous, même quand la Russie a envahi l’Ukraine. Je suis effrayée à l’idée qu’ils soient pris dans cette spirale. Je ne veux pas les voir souffrir, je ne veux pas qu’ils meurent, je ne veux pas qu’ils subissent la guerre et ses monstruosités. 

 

Je me rends compte que je leur ai menti par déni, par ignorance, par peur. Je ne sais pas. Ils n’auront plus confiance en moi, ils vont me reprocher d’avoir fait abstraction des risques, des conséquences d’une telle situation, de ne pas savoir comment agir dans la mesure où je les ai enfermés dans un monde idyllique, où la violence, la guerre, ne faisait pas partie de leur monde. Certes, ils savent ce qui se passe dans le reste du monde, mais c’est loin de leur périmètre. Comment leur dire que je suis désolée de ce qui arrive, que je ne voulais pas cela pour eux, que j'ai tout fait pour qu’ils ne subissent pas ce qui se passe ailleurs ? 

 

Vincent arrive, il est dans tous ses états. Je le vois à ses yeux assombris, il est livide, Il reste planté sur le seuil de la porte, puis Il me suit dans le salon... Encore une fois, il me demande ce que je vais faire et encore une fois, je lui réponds que je n’en sais rien. Ce n’est pas si simple. Jusque-là nous vivions dans notre pré carré à regarder de loin les massacres, les souffrances, la mort. Je nous croyais protégés contre les agressions, les guerres, les pillages et je réalise que personne n’est à l'abri, que nous sommes à la merci de décideurs qui ne sont plus capables de négocier. Oui, il faut combattre pour ses idées, mais par le débat, le dialogue, la conviction. Je ressasse encore et encore. Vincent est silencieux, il me fixe, attend une réponse de ma part.

 

Je veux agir, je veux que ma voix pèse, je veux que l’on m’écoute, je refuse cette décision, même si je sais que je ne pourrai pas y faire grand-chose.

 

Vincent est enfoncé dans le fauteuil, il est anxieux, fatigué, hagard.

 

A nouveau, comme un refrain, il me demande ce que je vais faire. Je répète sur un ton amer que je ne sais pas. Ah si, je sais ! Sans lui laisser le temps de réagir, de froncer un sourcil, je dis : 

 

  • Je vais faire des réserves.
  • Comment ça des réserves ?
  • Tu sais, je te l’ai déjà raconté, mon père a fait la guerre. Il a été tellement traumatisé par le manque, la faim, la souffrance, qu’il remplissait le cagibi de victuailles. Il stockait encore et encore, le cagibi ne devait pas se vider. Quand je lui demandais pour quelles raisons il accumulait autant de riz, d’huile, de sucre, de farine, de sel ; il me répondait avec un sourire malicieux, au cas où…Il ne faut pas manquer. Je n’ai jamais eu de réponse précise, mais il avait un regard, une expression sur son visage qui en disait long sur ce qu’il a vécu.

 

Je regarde Vincent, il est stupéfait, la bouche ouverte, mais rien ne sort. Il ne sait pas quoi dire. Il ne comprend pas. Puis, il me rétorque avec une pointe de sarcasme :

 

  • Ton frigo est toujours vide. On a toujours l’impression que tu es sur le départ et là, tout près du danger, tu vas faire des réserves ! A ne rien y comprendre, tu as raison, on marche sur la tête !
  • Rassure-toi, je suis comme toi, perdue, estomaquée, désemparée, je ne sais pas ce que je ferai, mais je sais, comme je te l’ai dit et redit, je ne ferai pas la guerre. C’est une certitude !

 

Je prends le bras de Vincent pour l’aider à se relever et nous allons à la manifestation. En fermant la porte, je lui dis, sans conviction, la gorge nouée :

 

  • Nous allons trouver une solution, la guerre n’aura pas lieu, la vie nous attend, le bonheur est à notre porte, ne l’oublions pas !

 

Dyna



02/08/2025
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