Atelier 15 - 2022 - Sujet 1
Je suis là, mon stylo inerte dans ma main… mon cerveau figé sur un vide abyssal. Et ce maudit portable qui ne cesse de sonner depuis 24 heures. 18 messages en absence, sur mon portable, de mon éditrice qui menace de me réclamer l’avance versée pour mon troisième ouvrage que je devais lui livrer il y a quinze jours. 3 jours que les clopes s’enchainent à un rythme effréné, si ça pouvait au moins m’emmener au cimetière, histoire qu’on me foute définitivement la paix, c’est même pas garanti, je ne serais pas étonné d’être poursuivi par mon éditrice jusqu’en enfer. Je pourrais même pas me faire torturer en paix. Allez, c’est dit je sors, de toutes façons on y voit aussi bien qu’en Écosse avec toute cette fumée de cigarette. Équipé de mon vieil imper, je dévale les escaliers et je sors en poussant la porte comme un forcené. Me voila à arpenter le trottoir en espérant que l’asphalte en souffre, je ne veux pas voir un seul bout de papier devant moi, je vois un type penché sur son journal, je le déchire de haut en bas d’un coup sec, il reste là incrédule et j’ai le temps de le dépasser de plusieurs mètres avant que les insultes fusent à mon égard. Une fois ce puéril défoulement passé, j’explore mentalement mes options et je repense à cette histoire d’avance, de ce côté-là, les jeux sont faits, tout a brûlé dans les bars et chez les copines a Pigalle. Ça me rappelle que je n’ai pas vu ma douce Assia depuis un moment, si tendre, mais si exigeante pour le scribouillard désargenté que je suis.
Je décide de m’accouder au premier zinc que je trouve pour me calmer et m’hydrater, siroter lentement une bière me fait du bien, pas besoin de me coller des quintes comme ces ersatz d’écrivains maudits qui se prennent tous pour Rimbaud, j’aime l’alcool, j’aime le sentir émousser mes sens, mais la perte de contrôle totale et les trous noirs, merci mais non merci. Je pense à tout et a rien, a cette foutue carrière d’écrivain, les gens disent que je suis doué, mais comment dire ça alors que chaque page est sortie aux forceps comme une souris accouchant d’un hippopotame. Mais chacune d’elle est un doigt d’honneur a l’autre vie, celle qui m’attendait pour me briser avec ces labeurs et sa grisaille. Mauvais a l’école, j’étais bon pour l’usine ou je n’ai tenu que le temps de me rendre compte qu’elle me volait ma vie, qu’elle me cachait au monde comme une marâtre honteuse du bâtard de son mari.
J’ai abandonné cette vie et j’ai appris à vivoter en racontant des histoires sur des lieux hallucinés et des personnes hors du commun, comme ces 2 jeunes personnes qui se tiennent face a face, quelques tables plus loin. Je capte leurs conversations, un frère et une sœur qui échangent sur leurs joies et leurs peines, ils sont beaux d’une beauté lisse d’éphèbe. Je n’ai jamais écrit sur ces liens, et pourquoi pas griffonner la dessus, histoire que l’autre cerbère me fiche la paix.
Arthur
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