Maridan-Gyres

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Atelier 3 -2021 - sujet 1 + atelier 11 - 2020 - sujet 1 + Evy 299 + Ghislaine 140

Les 4 Rondes

Atelier 3
- sujet 1 - ronde 2021 : Absence - regard - illusion - démence - étourderie - véhément - misère - brume - forêt - espérance

Evy 299 : Souffler - frisson - onde - principe - bienveillance -flamme - douce - parfum - enivré - gré.
Atelier 11 - sujet 1- ronde
2020 : pile - bracelet - bouteille - téléphone - embrouillée - évoquer - symbole - intéresser - constituer - mauvaise.
 Ghislaine -  atelier 140 - ronde : ressentir - éprouver - dire - parler - confidence - aveu - secret - joie.

Un frisson, dû sans doute à l’heure avancée de la soirée, parcourut le dos d’Isabelle  alors qu’elle avait encore bien du chemin à faire pour rentrer chez elle.

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La nuit était tombée.
On commençait à
ressentir l’arrivée de l’automne.
Elle accéléra le pas, n’aimant pas trop la réputation de ces ruelles sombres et peu animées de la ville.
Elle redoutait ce moment angoissant qui lui faisait éprouver
une grande vulnérabilité.
Il va sans
dire que les mauvaises rencontres ont souvent pour cadre l’obscurité et le manque de passage de ces petites rues mal éclairées.
N’avait-elle pas  entendu parler
d’une sombre histoire qui s’était déroulée quelques années auparavant non loin de ce quartier ?
Avec bravoure et détermination elle franchit une à une ces venelles.
Arrivée sur le grand boulevard, bien  éclairé et grouillant de monde, elle se sentit rassurée.
Elle se rappelait de la
confidence faite par son amie, victime d’une agression par un personnage totalement masqué, qui l’avait dépouillée de son sac.
L’
aveu de sa camarade l’avait traumatisée.
Décidée à chasser cette image,  elle entra dans le premier bistrot ouvert
et commanda  un alcool fort.
La chaleur remonta à ses joues blafardes et un sourire démoniaque illumina son visage.

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Son esprit à nouveau replongea dans le passé.
La sueur perla sur son  front.
Ses mains étaient moites.
Son cœur battait à fendre la cage thoracique.
Sans cesse il revenait dans sa tête : Le secret
.  
Comme tous les secrets bien gardés, elle ne l’avouerait jamais.
Mais pourtant il était plutôt rabat-joie
, et si lourd à porter ! 
Elle luttait désormais de toutes ses forces pour ne pas retomber dans ce travers si violent  et sans avenir qui l’avait fait basculer.
Surtout ne pas se laisser rattraper par ses anciens démons !
Elle entra chez elle à deux pas du boulevard, pour s’endormir paisiblement.
Ou du moins le crut-elle…
Une sonnerie la réveilla en sursaut.
Elle bondit du lit aussi bien qu’elle le put et partit à la recherche de son appareil.
Il s’était tu.
Où était-il ?
Mystère !
Plus rien ne parvenait à l’
intéresser.
Elle jeta un coup d’œil à son
bracelet- montre.
Midi n’était plus très loin.
Elle se sentait perdue.
Elle arriva dans son salon où régnait un désordre inhabituel.

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Symbole de débauche, explication de la gueule de bois, au sol une bouteille vide côtoyait une pile de disques à-demi extraits de leurs pochettes, des vêtements éparpillés, un reste de pizza sur un carton tâché de graisse.
Il fallait d’abord remettre la main sur le
téléphone.
Elle avait passé une très
mauvaise nuit.
Dans son esprit tout était
embrouillé.
L’appel manqué
constituait peut être la clé de l’énigme.
Ses neurones recommençaient  à se reconnecter, quoi que…
Elle  déplaça un à un les coussins de son canapé, replia les plaids.
Enfouit tous les restes dans un  sac poubelle…
Le fait même d
évoquer  la soirée passée, lui donnait la nausée.
Rien n’éclairait sa mémoire.
Une nouvelle sonnerie se mit à retentir conduisant ses pas vers la cuisine, et plus précisément c’est au bas du frigo que le téléphone s’agitait. 
Sortant l’appareil de sa fraiche cachette, elle put écouter avec soulagement.


« Bonjour, Votre facture est en ligne ».
Mais frigo vide : d’alcool plus une goute.
Un seul verre vide lui aussi, posé sur le bras du fauteuil, bravait les lois de l’équilibre de façon arrogante, et attestait qu’elle avait passé sa soirée toute seule.
Elle eut beau chercher dans sa mémoire  encore vaseuse, mais aucun souvenir n’éclairait son esprit.
Elle se laissa tomber sur son fauteuil.
Son regard
éteint, sa mine défaite, ses jambes se balançant au gré de son souffle court, elle
prit enfin conscience qu’elle s’était encore une fois
enivrée pour chasser ses démons.
Dehors le soleil automnal aux rayons assez bas éclairait d’une douce
lueur les platanes de la place.
Les enfants jouaient en cette matinée sans école et leurs cris parvenaient aux oreilles d’Isabelle qui d’habitude les écoutait avec bienveillance
.
Elle aimait les enfants.
Mais ce matin, le cœur n’y était pas.
Elle qui en principe
était gaie et joyeuse ne parvenait pas à retrouver l’entrain qui l’habitait en temps normal.
D’un coup de pied rageur, elle envoya promener son sac à main qui trainait au sol.
Son paquet de cigarettes moitié vide émargea du sac comme une invitation à la consommation.
Machinalement elle s’accroupit, prit une clope qu’elle glissa entre ses lèvres desséchées et amères avant d’approcher la flamme
de son briquet qui lança à son visage une lueur surnaturelle.
Le goût acre du tabac ne lui apporta aucun plaisir.
Le parfum
même de cette substance lui provoqua un haut le cœur.
Elle écrasa sa cigarette dans le cendrier qui en avait vu d’autres !
Prit sa tête dans ses mains.
Frictionna ses tempes avec énergie.
Remit de l’ordre dans ses cheveux ébouriffés.
Un instant elle se demanda si elle ne frôlait pas la
démence.
Une onde
de dégoût la précipita dans la salle de bains.
Elle vida le contenu de son estomac encombré.
Une douche brûlante, suivie d’une douche froide, lui donnèrent enfin l’illusion
de revivre.
Dans la rue les enfants continuaient leurs jeux bruyants.
N’y tenant plus, elle ouvrit sa fenêtre et proféra quelques reproches véhéments
aux gamins médusés.
Elle se fit un café.
Ne put l’avaler.
Une brume
épaisse habitait sa boîte crânienne.
Par quelle étourderie
avait-elle placé son téléphone dans le bac du frigo ?
Elle avait besoin de
souffler un peu.
Elle enfila un jogging et quitta précipitamment son appartement pour aller prendre l’air et dégourdir ses jambes dans le parc voisin aux belles couleurs d’automne.
Ce parc, qu’elle adorait, lui rappelait la
forêt de son enfance où elle partageait avec sa mère célibataire des balades interminables.

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Elle se mit à trottiner, forçant ses pauvres jambes engourdies à réagir.
Les promeneurs nombreux en cette matinée dominicale semblaient heureux,  eux.
Maintenant, elle ne courrait plus, marchait simplement.
Son cœur avait repris un rythme correct et ses idées reprenaient leur place.
Non, elle estimait que dans sa vie de misère
, elle n’allait pas poursuivre cette aventure.
Sa décision était prise et dès que possible elle allait prendre ses dispositions.
Elle devait dès maintenant
constituer son dossier.
En l
absence de confidente, d’ami fidèle ou d’amoureux sérieux, c‘était sur ses seules épaules que reposait le poids de sa lourde décision.
Seule l’espérance
de ne pas imposer à un être humain ce qu’elle avait elle-même vécu, lui donnait la force et le courage d’aller au bout de son idée.
Simone Weil ne s’était pas battue pour rien.


Mars 2021 -  Shunt



30/03/2021
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