Atelier 3 - 2024 - Sujet 5
Photo : Lee Jeffries découvrez son travail en cliquant sur ce lien.
J'ouvre les yeux, la tête me tourne, où suis-je ? Je suis assis par terre, adossé contre un mur, une canette vide à côté de moi et un caddy. Face à moi une grande horloge affiche 8 heures trente, au-dessous une inscription : « Gare Saint Roch » Autour de moi des gens marchent, pressés. Des klaxons résonnent, un tramway passe. Une pluie fine me donne des frissons.
Mon esprit embrumé se réveille peu à peu. Je me souviens, hier soir pas de repas, une
bière, puis deux, puis trois... Je fouille mes poches : 2 euros, ma carte d'identité, je la saisis. Cet homme sur la photo c'était mon visage avant d’être ravagé par la souffrance…
Aujourd’hui je suis un SDF depuis 3 ans déjà... La rue m’use lentement comme la rouille ronge le fer. Mon quotidien : faire la manche, trouver un endroit pour me laver, dormir, grignoter, boire (beaucoup), échapper à la violence de la rue.
Dans mon ancienne vie, j’étais un homme respectable, informaticien, marié avec Clara, une jolie blonde. J’avais une belle voiture, une belle maison…
Un jour tout bascule, ma vie chavire.
L’addiction est venue sournoisement, jeux de grattage, grilles de loto au tabac du coin. Une soirée entre amis au Casino de la Grande Motte, tout bascule. L’engrenage commence. Je joue, je gagne, je perds souvent, avec l’espoir de me « refaire ». Les dettes s’accumulent, les saisies. Mon couple se déchire, ma femme me quitte, demande le divorce. Pour oublier : le whisky de plus en plus.
Je perds mon travail, mon appartement de fonction. Mes parents m’hébergent, la dépression m’envahit... Un matin je pars, prends un RER direction Montpellier, plus envie de rien, mon nouveau domicile : la rue.
Les maraudes de bénévoles m’ont proposé de m’aider, j’ai toujours refusé. En moi un grand vide sidéral, je m’enlise.
J’ai froid, des frissons parcourent mon dos, je vais aller me réchauffer avec un café à la gare. Je mets ma seule pièce dans le distributeur, une main tape mon épaule. Je me retourne, lève les yeux, je n’oublierai jamais ce regard rempli de douceur et de bienveillance. Je reconnais ce visage, c’est Marion, une bénévole qui, le soir, apporte aux sans-abris un repas, des boissons chaudes.
« Bonjour Alex, je t’offre un café et un croissant au buffet » ?
Là, assis, mis en confiance, ma parole se libère. Elle ne m’entend pas seulement, elle m’écoute. Elle veut m’aider « Alex la communauté des Emmaüs à St Aunes peut t’accueillir. Si tu veux demain on y va ! Pour la première fois, j’accepte ce rendez-vous.
Tout va s’emballer. Le lendemain je suis reçu par un responsable qui me propose d’intégrer la Communauté le lundi suivant.
Je deviens un compagnon, retrouve ma dignité, me reconstruis peu à peu grâce à la solidarité, l’humanité, l’entraide que je rencontre. J’aide à tenir le stand informatique puis j’en deviens le responsable.
Je suis resté 2 ans chez les Emmaüs à qui je dois ma renaissance.
A présent consultant en informatique dans une société privée, les blessures de mes années de galères se referment peu à peu. Ma vie a de nouveau du sens.
« L’enfer n’a qu’un temps, la vie recommence un jour » A. Camus
Anna
Anna
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