Maridan-Gyres

Maridan-Gyres

Atelier du 19/03/2014

2)

 

Que te dire toi, la sournoise ! L’indécise, la fainéante qui trouve toujours un prétexte pour éviter de coucher les mots sur la page blanche ?

Pourtant, ce ne sont pas les mots qui te manquent ni les maux d’ailleurs ! Ne serait-ce pas ces maux qui bloquent ta main ? Allons, ne me raconte pas d’histoires, car moi, cachée, là, tout au fond de toi, je sais bien ta vérité, celle que tu enfouis dans les méandres nauséeux de tes pensées lugubres. Alors, dis-moi, oseras-tu enfin,  affronter ce qui te lie à ce maudit poste de télévision. Cette lucarne aux alouettes qui te vide le cerveau et fait de toi un sinistre bovin !

Non, ne te rebelle pas ! Bovin disais-je ! Pas un jour sans que tu n’allumes cette indécrottable boite à merde. Pas un matin, où l’ami Leymergie ne te conte les billevesées du jour. Oh ! Je sais bien moi, que quelquefois, tu tentes, bien maladroitement, de t’en défaire. Mais ces temps-là ne durent jamais bien longtemps.

Allons, coquine, il te reste du temps, quelques belles années encore, n’aimerais-tu pas que l’on finisse par dire de toi, quel talent avait cette cruche ! Ou mieux encore! Il y avait du génie dans cette femme-là !

Hélas, les grands écrivains passent beaucoup de temps penchés sur leur machine à écrire. Que ce soit un cahier, un ordinateur, à la plume, au stylo ou tout autre moyen. Il n’y a que le travail qui paie.

Regarde-toi ! Tant que tu écrivais sur des cahiers, tu remplissais des pages et des pages et que se passe-t-il depuis que l’ordinateur a remplacé ton stylo ?

Je vais te le dire, Simone ! Tu n’écris plus rien ! Bien sûr, il y a des petits trucs par-ci, par-là, mais de vrais textes, des histoires à fleurir les âmes, à consoler les cœurs, où sont-elles passées ?

Bon ! Allez la fégniasse, je te laisse, car moi, vois-tu, j’ai très envie de m’y remettre et pour cela, je dois te laisser là dans tes vagabondages télévisuels….

Maridan 2/04/2014

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3) Portraits choisis 5 et 7

 

Ils étaient arrivés là, exilés d’une terre qui leur était chère, ils avaient vogué sur l’océan, bravé la mer, et tout cela pour quoi ? Pour finir ici, dans ce camp de réfugiés, dans ce pays, que chez eux on appelait l’Eldorado, mais où, ils avaient compris dès l’arrivée qu’ils n’étaient pas les bienvenus.

De gestes brusques, en humiliations, ils avaient vogué, le cœur au bord des lèvres. Vomissant tripes et boyaux par-dessus bord, sous les hurlements des négriers qui leur avaient volés leurs maigres richesses.

De ces morts tout au long de la traversée, que les passeurs, peu doués pour l’humanitaire, jetaient sans aucun remords par-dessus bord, il ne resterait rien. Lui, petit poulbot d’environ huit ans, il ne lui restait que des larmes. Flots ininterrompus depuis que son père avait été passé par-dessus bord. Lui aussi avait failli y passer. Quand les autres avaient compris que plus personne ne prendrait soin de lui, ils avaient voulu le jeter à l’eau, lui aussi. C’est Clémenceau qui s’y était opposé. Lui aussi était seul. Son visage portait les traces des violences qu’il avait subies au pays. Il s’était levé, un long poignard à la main et avait simplement dit ces quelques mots au passeur.

« S’il meurt, tu meurs aussi. »

L’autre l’avait regardé farouchement, avait même tenté de le défier. Puis il avait observé son corps tendu comme un arc, le regard froid comme l’acier. Débordant des ténèbres qu’il avait côtoyées là-bas en Centrafrique. Alors l’autre avait reposé le gamin dans le canot et ils avaient repris la route de l'Italie.

Depuis, il ne fermait plus un œil. Déjà deux jours qu’il ne dormait pas. Au cours de ce voyage, il avait sauvé trois jeunes enfants. Ce dernier était le seul à peau clair. Quels chemins avait-il empruntés pour arriver dans son pays, il l’ignorait encore ? Près de lui, le petit Antonio s’était endormi, le visage ravagé par les larmes. Il possédait peu de richesse, hormis le lourd sac de victuailles qu’il avait pris soin d’emporter. Il savait qu’il allait finir par s’endormir et il ignorait à ce moment-là que la côte était si proche. Et finalement, ils étaient arrivés à bon port, escortés par deux navires rapides de la marine italienne.

 

Une infirmière s’approche de lui et lui parle ;

« Parli italiano? » Il ne parle pas italien. Mais, il parle français, alors il le lui dit.

« Je ne comprends pas votre langue, je parle français et anglais. »

« Formidable, je parle bien le français, mon époux est français. Veux-tu manger ? »

« Oui merci, ces deux petits ont très faim, et je n’ai plus assez pour eux. Pouvez-vous aussi les nourrir ? » il n’ose la regarder, chez lui, les blancs on s’en méfie. C’est le moment que choisit Antonio pour s’éveiller. Le flot de ses larmes s’est remis en route, il le cherche du regard. Clémenceau se rapproche de lui et lui tend la nourriture qu’il vient de recevoir.

« Tiens, mange ! »

L’enfant le regarde. Visiblement, il ne le comprend pas. Il essaie en anglais sans plus de résultat. L’infirmière s’est approchée, elle essaie en italien. Toujours rien. Elle se retourne vers Clémenceau.

« Qui est-il ?  D’où vient-il ? »

« C’est mon demi-frère, nous n’avons pas parlé. Son père est mort pendant la traversée. Ma mère me l’a confié avant de disparaître à son tour.»

« Sa mère aussi ? »

« Hélas oui ! Nous voilà orphelins tous les deux. »

L’infirmière s’éloigne et revient avec deux autres infirmières qui tour à tour essaient d’autres langues, mais l’enfant ne répond toujours pas. Les passeurs se sont enfuis, nul ne sait d’où vient cet enfant. Les médecins décident de l’emmener vers l’hôpital le plus proche, mais dès qu’ils tentent de la séparer de son sauveur l’enfant hurle. Ils s’éloignent.

Clémenceau sait qu’on va les séparer et pour une raison qu’il ignore, il ne l’accepte pas. Les deux autres petits lui ont été retirés. L’un d’eux a été transporté à l’hôpital, car totalement déshydraté, le second a été placé dans un foyer d’accueil, car orphelin.

 

Il doit sortir d’ici avec l’enfant. Bien sûr, il a menti, mais une raison obscure le pousse à se charger de cet enfant. Le petit l’a compris, il le tient fermement, ne lui lâche pas la main. L’infirmière est revenue.

« On va vous conduire tous les deux vers un foyer d’accueil. Nous devons savoir en quelle langue, il s’exprime. »

« Il ne s’exprime pas, je pense qu’il est muet. Ma mère n’a pas eu le temps de me le dire, nous avons été attaqués au moment même où elle entrait dans la maison pour me le présenter. Je m’étais réfugié chez eux suite aux attaques dans le nord du pays. Je ne l’ai jamais entendu parler. »

 

L’enfant a tout compris. Il aime ce héros qui lui a sauvé la vie. Il sait que comme lui, il a dû traverser l’horreur. Sa merveilleuse mère, battue, violée puis hachée menue par ces fauves. Elle ne l’avait pas préparé à cela. Il a tellement crié que les mots ne sortent plus. Il ignorait que les hommes pouvaient se conduire comme des animaux. Même les lions qu’il avait vus en Afrique, l’année dernière, n’étaient pas aussi sauvages que ces hommes. Les larmes coulent à nouveau. Il se demande quand leur source finira par se tarir.

Maridan 2/04/2014

 

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4)

 

Elle est là, la belle saison

Tout le jardin se décline en pâmoison

Et les oiseaux émerveillés lancent leurs chansons

 

Aux premières feuilles rougies

Unies dans un camaïeu, une symphonie.

Tous les feuillages dansent une farandole

Où, partent dans une course folle

Montent, et descendent au gré du vent

Nourrissant le sol allègrement

En un humus bienveillant

 

Holà, les premiers frimas

Il ne faut pas vous cacher là !

Venez danser avec moi

Et laissez-moi vous ouvrir les bras

Rien ne vaut un bon café chaud

 

Pour se réchauffer aussitôt

Regardez, la belle saison est là

Il y a partout les premiers émois

Nouveaux bourgeons, nouvelles fleurs

Tout ici apporte de la joie au cœur

Et les belles femmes se dévoilent

Messieurs ne soulevez pas leurs voiles

Par ces temps cléments, tendez vos bras

Serrez votre femme et embrassez là.

 

Maridan 2/04/2014

 



02/04/2014
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