Maridan-Gyres

Maridan-Gyres

Atelier du 31/03/15

On the bayou[1]


 

Elle n'a rien de la petite maison dans la prairie, cette habitation posée entre bayou et forêt. Comme un échassier dans les hautes herbes de l'étang, ses pilotis la hissent hors d'eau. Portes fermées. Vitres occultées. Abandonnée. Surprenant, ici toutes traces humaines sujettes à l'abandon sont rapidement envahies par des eaux bourbeuses, sulfureuses génératrices de feux follets éclairant la nuit qui vient.

Dans ce gargouillis de terre et d'eaux, insectes, poissons et batraciens vivent, survivent créant la respiration de la terre. Humeurs fétides. La ripisylve[2] s'en nourrit. Aulnes, ormes et chênes font leur boulot. Toute cette diversité rend vie au pays. Sus à l'envahisseur. Table rase.

Demain la maison s'emplira de grimpantes.

Demain des insectes rongeront ses pilotis.

Demain, les traces laissées par l'homme seront retournées à la vie.

 

 

La grand'roue


 

 

Elle a posé sa toile sur le ciel nocturne. La grande araignée de lumière attend ses proies. Enfants pleins de peur. Célibataires pleins d'espoirs. Estivants pleins de graisse.

Dans son tourbillon magique, tous s'envolent bientôt vers les étoiles. Ascension haute en couleur. Enchantement de l'instant : l'apogée.

Lointains, bruits et lumières s'effacent. Instantané de bonheur.

Et la roue plonge. Appel du vide. Trou noir qui s'emplit des feux de la fête. Ivresse.

Comme abusé d'alcool, Bart quitte sa nacelle, se tourne, accueille femme et enfant prêts pour d'autres tourbillons, d'autres vibrations. Joies partagées. Bras dessus, bras dessous, la famille s'engage dans le trafic, cette ronde de tous ces gens venus ici retrouver les parfums de l'enfance. Retour aux sources. Hyperbole hélicoïdale. ADN.

 

 

 

 

Pagnolade jouée d'avance


 

« Bande de papistes sous doués ! » lança-t-il, provocateur, à la cantonade. « Incapables de comprendre le sens du mariage. Ah ! Bien sûr, il faut faire comme tout le monde.

Le mariage.

La photo de famille.

Costumes, champagne et porte-jarretelles

Avec le vin qui coule à flots.

Mais pour l'engagement ecclésiastique, bernique ! »

Après cette envolée d'immense agitateur, il prend son fils à part.

« Non mais, quel sens ça a pour toi de passer devant le curé ? Me faire ça à moi, bouffeur de curaille !

C'était bien la peine de te faire faire des études, de te permettre de voyager pour t'ouvrir l'esprit et le retrouver tout rabougri au pied d'un autel.

Gnagnagna, c'est pour lui faire plaisir !

Espèce de soumis. À genoux ! Là tu sens bien que dans cette position infamante, tu n'es plus en mesure de vivre tes rêves. Ta vie.

Mais bon sang !, où sont-ils tous tes espoirs utopiques d'une vie de partage loin des goulags doctrinaires ? Avec ce mariage à l'église, générateur de tensions, te voilà à longue distance de tes options pacifiques. Es-tu sûr que ce soit bien ta voie ? Rien ne cloche ?

Mais, saperlipopette, Jonathan, l'Amour t'aveugle à ce point ? Jamais, tu m'entends, jamais je ne me suis lassé d'attendre ce moment où tu prendrais femme.

Je pensais que notre éducation de partage et de liberté t'avais donné les outils nécessaires pour éviter l'écueil d'amourettes consuméristes.

M'enfin, Jo, l'essentiel est invisible. Alors que ce mariage, c'est une pièce montée d'avance.

Et puis ta princesse, ton actrice, elle te fait le coup de la Cendrillon, de la Belle au bois dormant …. Elle rêve de lumières, mais ses ongles sont sales. Rien qu'une illusion.

Et c'est pour avoir trop vécu dans cet espace onirique que j'ai raté toutes mes unions.

Est-il encore possible de te faire changer d'optique, te faire rechausser les lunettes de la liberté qui t'allaient si bien ?

Mon fils ! Toi que je chéris, pardonneras-tu ma colère ? Je ne voudrais pas qu'elle entrave ta liberté. Si tu penses que la voie que tu te choisis est la bonne, que par là est ton bonheur, alors je la ferai taire et je dirai, je dis Amen.

Mais, sache que je garde au fond du cœur, l'espoir de te retrouver en liberté tel un colibri butinant de bonheur. »

Ainsi s'exprimait Bart le vieux, fâché de constater que pour son Jo la vie c'est comme le pain d'épices. Uniquement fait de douceurs et de parfums.



[1]En Louisiane, un bayou (du choctaw bayuk signifiant « serpent, sinuosité »1) est une étendue d'eau formée par les anciens bras et méandres du Mississippi

[2]Forêt boisée, buissonnante ou herbacée, située sur le bord d'un cours d'eau.



03/04/2015
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