Maridan-Gyres

Maridan-Gyres

Atelier du 31/03/2015

La maison de Mark Drew

"Values and Happiness", Mark Drew, 2014

Le soleil brillait encore, il y a un instant et me voilà plongée au cœur des ténèbres ! Oh que non ! J’exagère, comme à mon habitude, mais il se passe quelque chose d’étrange dans ce champ où je m’étais assoupie pour profiter de ce magnifique soleil de printemps débutant. Qui aurait pu penser ce 31/03/2015 que mes pas me conduiraient au bord de l’épouvante ?

 

Mais reprenons tout depuis le début. Ce matin, comme chaque jour, je me suis levée de bonne heure, j’ai ouvert la porte du poulailler et Paulette et Simone sont sorties en me saluant d’un cotcotcot heureux et chaleureux. Le soleil brillait au-dessus du ciel bleu, seul subsistait encore ce gros nuage noir qui est posté au-dessus de la maison depuis deux jours.

 

La météo n’annonçant pas de changement brutal, j’avais pris la décision de me rendre en voiture dans un endroit où la nature serait libre de toutes entraves. C’est ainsi que je m’étais retrouvée dans ce champ aux abords de l’Aveyron. Le ciel éclatant faisant miroiter les pissenlits jaunes, tels des petits soleils ponctuant la prairie de reflets captivants. Quelques coquelicots étaient fleuris, d’autres en bouton promettaient pour le mois qui venait de belles explosions de couleur sanglante.

 

Le silence régnait ponctué çà et là de cris d’oiseaux dans les arbres tout autour de moi.

 

J’avais posé mon plaid sur l’herbe bien grasse à cet endroit, et encore un peu fraîche, et je m’étais allongée.

 

Lorsque j’avais rouvert les yeux, le ciel était devenu gris souris et au loin s’annonçait des nuages d’un gris anthracite qui me prévenaient qu’il allait falloir me trouver un abri en vitesse. Rapidement, je repliai ma couverture, rangeai mon appareil photo, stylo et cahier sur lequel j’avais posté quelques appréciations sur la beauté du lieu et je tentais de regagner ma voiture en vitesse.

 

Elle avait disparu !

 

Affolée, je voulus me ruer vers la route pour trouver un automobiliste sympathique prêt à m’aider, mais la route, elle aussi avait disparu. Devant tant d’étrangeté, je rebroussai chemin et je me mis à courir en sens inverse, pensant que j’avais dû faire un mauvais rêve et que cela avait altéré mes souvenirs. Au bout de cinq minutes, je me retrouvai devant une curieuse bicoque en bois, assez délabrée et plutôt sinistre.

 

Certes, je n’avais guère envie de m’y abriter, mais en même temps l’orage était à présent juste au-dessus de moi et il ne me restait plus grand-chose pour me protéger de ce qui me menaçait sinon, cette affreuse baraque !

 

Prenant mon courage à deux mains, je franchis la porte. C’est l’instant que choisit la grêle pour tomber, les éclairs zébraient le ciel de langues de feu. Terrorisée, je n’osai plus bouger entre ses murs poussiéreux et sinistres où le moindre souffle de vent faisaient gémir les murs de bois qui menaçaient de s’effondrer sur moi.

 

Soudain, une main machiavélique se posa sur mon épaule et je hurlai.

 

-         Et bien, ma petite dame, c’est pas bon de dormir comme cela au soleil, vous allez attraper chaud !

 

Ouf ! Ce n’était qu’un cauchemar, ma voiture était toujours là, j’avais très chaud, le ciel était encore bleu et le pépé qui m’avait réveillé continuait de me prodiguer des avertissements sur ces parigots qui, chaque année, repartent avec la calebasse bien cramée. Je me promis de ne plus jamais recommencer à m’endormir n’importe où.

 

La grande roue de Mark Drew

 

Ses cheveux balayent son visage et le vent la fouette. Tout son corps est tendu vers la jouissance qui l’accompagne dans cette activité si chère à son cœur, et honnie par les siens. Pourquoi n’a-t-elle pas su leur transmettre l’abandon de leurs jeunes corps à ce lâcher-prise qui déclenche chez elle tant de volupté ?

 

Il y a dans cette activité quelque chose qui fait vibrer une corde en elle. Et cette vibration l’emporte toute entière dans une sorte de transe, où plus rien ne parvient à l’atteindre. Joie absolue, félicité suprême, comme une symphonie qui entraînerait son corps, son esprit et son cœur. Pourtant, ce plaisir sans partage, unique et oh combien personnel, elle ne se l’octroie que très rarement, car à ses yeux, le bonheur, surtout celui-ci primale, vital, cela se partage avec ceux que l’on aime.

 

Ce n’est pas faute d’avoir essayé ! Non, même sa fille, la plus proche d’elle, la plus sensible, ne le faisait que pour lui faire plaisir, car sa joie à elle, c’était de voir le visage rayonnant de sa mère tandis que le wagon des montagnes russe l’entraînait dans ses bras.

 

Son visage perdait soudain toute trace de tension, elle redevenait l’enfant qu’elle n’avait jamais pu être.

Dans ces moments-là, partagés entre filles, la mère et la petite avaient le même âge et l’enfant aimait cela. C’est pour cela qu’elle luttait contre la peur qui lui vrillait les entrailles à chaque fois, juste pour le plaisir de la voir rire aux éclats. Libération trop rare à ses yeux. Pour elle, une angoisse obscure, mais nécessaire à la gaité de celle qui leur en donnait tant et tant.

 

Ce jour-là, une fois de plus, elle l’a accompagné à la fête foraine, elle sait ce qui l’attend, et elle en a mal au ventre, même sans voir encore, l’objet de son tourment. Alors elle ose, elle tente une approche délibérée pour détourner l’attention maternelle de son élixir de vie.

 

-         Maman, que dirais-tu d’aller faire un tour au splash, avant ?

-         Génial ! OK, allons-y.

 

Et les voilà toutes les deux dans le wagon qui ressemble à un tronc d’arbre creusé. Celui-ci ne lui fait pas peur. Bon, c’est un peu pénible, car à chaque fois, il y a un idiot qui tape sur le ballon et c’est celui qui suit qui prend l’averse.  Mais tout vaut mieux que les montagnes russes. Et puis, elle sait qu’en ces temps difficiles pour la famille, sa mère voudra à tout prix lui faire plaisir, avant son plaisir à elle.

 

Elle est heureuse, car avant les montagnes russes, cette année, il y a une grande roue. Ça aussi cela ne l’effraie pas, c’est cool la grande roue, cela monte haut, mais c’est doux comme rotation. C’est sûr, sa mère aimera moins, mais elle sait qu’elle accèdera à son désir, et du coup, après le splash, bien que toutes mouillées, les voilà qui grimpent dans la grande roue.

 

L’enfant lève ses yeux vers le ciel et remarque les guirlandes d’ampoules qui illuminent la grande roue et qui lui ont caché le fait que la nuit était tombée. Elle simule un bâillement et sa maman lui demande aussitôt d’un air inquiet :

 

-         Tu es fatiguée, mon ange ?

-         Oui maman, je n’en peux plus. C’était bien, hein, maman ?

-         Oui ma chérie, j’ai adoré. La prochaine fois, on ira aux montagnes russes, tu veux bien ?

-         Oui maman, la prochaine fois, c’est promis !

 

Ce soir, elle a gagné, plus d’angoisse, juste le dernier plaisir d’une pomme d’amour partagée à deux, sans oublier la délicieuse barbe à papa. Papa lui, il est encore dans l’avion. Bientôt, il sera de retour avec elles, et maman retrouvera son sourire. Et puis l’avantage c’est que quand il est là, c’est lui qui est de corvée de montagnes russes.

 

 

Bande de papistes sous-doués ! porte-jarretelle – voyager ouvre l’esprit – vivre ses rêves – pacifique – cloche – il ne faut jamais se lasser d’attendre - L’essentiel est invisible - ses ongles étaient sales – illusion – les lunettes lui allaient si bien – espoir – colibri

 

L’Assemblée nationale

 

-         Bande de papistes sous-doués !

 

La phrase avait retenti dans la tribune de l’Assemblée nationale, mais d’où venait-elle ? Les visages des députés viraient de tout côté. On cherchait qui était l’auteur de la tirade. Certains commençaient à se chicaner,

 

-         Même pas le courage de leurs opinions !

-         Bande de faux-culs

 

Hortefeux se frotte les mains, sa phrase les a déstabilisés, il adore cela. Tandis qu’il les entend s’étriper copieusement, il mate le porte-jarretelle de la députée de l’Essonne. Fieffée garce que celle-ci, il la pointerait bien, mais il faut jouer serré avec les cocottes d’élevage. Il tenta une approche digne d’un casque à boulons.

 

-         Vous êtes libre ce soir ?

-         Non merci, sans façon répond d’un air blasé, la députée.

-         Voyager ouvre l’esprit, vous savez ?

-         Voyager certes, mais pas avec n’importe qui !

 

Et surtout pas avec un bourrin, songe-t-elle agacée.

Pétasse ! pensa-t-il.

 

Dans l’amphithéâtre, d’autres députés bien plus intéressés par les exclamations des uns et des autres s’amusent du fiasco créé par cette phrase et vociférent moult onomatopées. Elle, elle se demande ce qu’elle fiche ici. Elle est l’une des rares à assister à toutes les séances. Elle avait voulu vivre ses rêves et qu’en restaient-ils ? Ils s’étaient effrités sur les bassesses du pouvoir, les arrangements avec les lobbyistes de tous poils qui vous promettaient monts et merveilles, vous poussez à accéder à l’Assemblée et une fois que vous y étiez, savaient vous rappeler, de manière peu amène, comment vous y étiez arrivé.

 

Rien de pacifique dans ces échanges-là ! Les menaces ne leur faisaient pas peur, et elle avait vite compris que les députés n’étaient que les laquais de l’oligarchie française et mondiale qui savaient verser l’argent à qui de droit pour que soient votées les bonnes lois.

 

La cloche de midi sonne, mais avec l’agitation qui règne ici, cela ne mettra pas fin aux débats, loin de là ! Encore une journée de perdue, mais elle a été élue par des gens qui croyaient en elle. Elle ne les décevra pas, posera les bonnes questions, et tant pis si cela en gêné certains.

 

Il ne faut jamais se lasser d’attendre, lui disait souvent son père pour lui apprendre la patience, et surtout l’observation. Il ajoutait : dans la politique, il te faudra te méfier de ceux qui se disent tes amis, et tirer des enseignements des erreurs de tes ennemis. L’essentiel est souvent invisible. Forge-toi seule tes opinions, ne te laisse influencer par personne.

 

Plus facile à dire qu’à faire. Elle avait parfois le sentiment d’être un pion sur un échiquier géant. Son attention fut soudain détournée par le député de Seine et Marne. Il gesticule, braille comme un âne. En plus, ses ongles sont sales, et elle déteste le manque de soin chez un homme. Elle aurait aimé qu’il change de place, mais là aussi, on ne fait pas ce que l’on veut sur les rangs de l’assemblée.

 

Tout ici n’est qu’illusion, on a beau filmer les débats, inexistants, sauf rare exception, rien ne change jamais. Les bancs restent souvent vides et compte tenu des émoluments qui leur sont versés, elle trouve cela scandaleux.

 

Elle ne renouvèlera pas sa candidature, ces quelques temps passés dans l’hémicycle l’ont dégoûtée à jamais de la politique et des goujateries trop nombreuses de ces élus, issus d’une caste élevée au bon grain, et surs de leur « supériorité ».

 

L’un d’entre eux était mort la semaine dernière et la plus stupide des allocutions avait été celle de sa voisine qui comme oraison funèbre avait déclaré à un journaliste : « les lunettes lui allaient si bien ». Elle en aurait pleuré si cela n’avait été la présence des dits journalistes. Pour une fois qu’un de ses collègues était moins stupide que les autres, ce n’était vraiment pas juste.

 

Le brouhaha avait repris, elle n’avait pas suivi. Mais quelle importance, elle qui avait tant d’espoir en démarrant cette nouvelle fonction… Elles les avaient vus s’effondrer les uns après les autres. Elle ne savait plus quoi répondre à ses électeurs, lorsqu’elle les croisait dans la rue. Quand son mandat serait terminé, elle ferait paraître une lettre au journal de sa région où elle dirait les raisons de son abandon de la politique.

 

Même pas sûr qu’ils aient envie de publier son dégoût. Les médias aiment le sang, pas les oraisons funèbres, et surtout pas les états d’âme d’une députée déconfite.

 

De guerre lasse, elle quitta l’hémicycle et se retrouva dans la rue. Un chant d’oiseau lui fit lever les yeux et elle vit un colibri, bien incongru en ce lieu. Paris n’est pas un endroit habituel pour cet oiseau symbole de l’excellent Pierre Rhabi.

 

En voilà un qui ne parle pas, mais il agit et son message enfle, il a traversé nos frontières. Elle aime ce qu’il véhicule, « chacun peut faire un petit peu à son niveau et tout pourrait changer ». Cela lui redonne de la vigueur et du courage.

 

Elle entre dans un salon de thé, commande un chocolat chaud et un morceau du délicieux pain d’épices proposé en vitrine, et la saveur de ces deux mets, associés à la pensée positive de l’humaniste Pierre Rhabi, ensoleillent sa journée. Demain, elle retournera dans la fosse aux lions, porteuse de nouvelles forces. Elle fera du mieux qu’elle peut avec ses petits moyens, mais c’est en diffusant ce message à d’autres qu’elle, qu’elle pourra, elle aussi, faire sa petite part pour que ce monde consumériste change.

 

L’amour quel beau message à partager !

 

Maridan 31/03/2015



31/03/2015
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