Maridan-Gyres

Maridan-Gyres

Ateliers 14, 15, 16, 17 de 2020 + atelier 4 et 16 de 2021 les rondes de mots

 

2020 - Atelier 16 – Sujet 2
Atelier – beauté – turquoise - marquer - indispensable - brocante - travaux - coquetier - traitement - découper.

2020 -Atelier 15 – Sujet 2-
Amertume - baiser - caresse - désir - envouter - filer - gériatrie -  halo -  ignorance -jalousie.
2020 - Atelier 14 – Sujet 2-  
Epées - situation -  consulter  -  différents - déposer - maison - souveraine - trèfle –placement – préface.

2020 - Atelier 17 – Sujet 2-
Bijoux – amis- sentiments - Père Noël – pantomime – bouleverser – agacer – changement - perturbations - habitat.

2021- Atelier 4 – Sujet  2 -
Souvenirs - nymphe - entendre - appuie - enfonce - pulvérisée - recroquevillée - cartable - lycée - effacent.

2021- Atelier 16 – Sujet 3
Desquelles dynamique, moderne, valise, variété, commencer, romans,  téléréalité, expression, langage

Dans l’atelier de mon grand-père toute une ribambelle  d’outils indispensables à son métier de menuisier garnissait les rayons d’un autre âge ; il collectionnait également tous les outils ayant appartenu  à son père et à son grand père, artisans eux aussi. On se serait cru dans une brocante, tant les pièces étaient nombreuses et hétéroclites.
Quant après l’école j’allais parfois le retrouver, j’avais droit à un traitement de faveur. L’odeur du bois travaillé emplissait l’espace.

Il m’installait sur un coussin fait de toile de jute garni de copeaux et posé sur un établi en retrait hors de tout danger. Là je pouvais à loisir le regarder.
Il laissait de côté ses travaux, prenait un bout de bois brut, le plaçait dans son tour. J’observais ses mains habiles et le voyais mesurer, marquer, découper, polir ce qui allait devenir un coquetier.

Tenant l’objet à bout de bras, pour observer son ouvrage et en admirer les courbes, il clignait de l’œil, qu’il avait d’un bleu turquoise de toute beauté.
Il grimaçait un peu pour me faire rire en faisant bouger ses sourcils ombragés de sciure dorée qui lui donnait un air un peu surnaturel.
J’étais sous le charme.
Alors mon cadeau dans la main, je lui glissais un gros bisou poussiéreux avant de regagner la maison où ma grand-mère préparait mon goûter.                    
Ma grand-mère veillait sur mes désirs avec une sorte de jalousie possessive, ne couvrait de baisers.

Elle n’était pas avare de caresses et reportait sur moi toute l’affection que la vie ne lui avait pas permis de délivrer à son propre enfant.
Elle m’entourait d’un halo de douceur et de bonheur faisant de mes jeunes années une bulle merveilleuse. Son langage d’amour mettait des fleurs dans mon cœur...
Les goûters qu’elle me préparait avaient le goût du miel, et du bonheur.
Aucune amertume n’était venue entacher mes séjours dans son giron.
Je laissais filer les jours et les semaines me complaisant dans cette vie bienheureuse.

Dans l’ignorance totale des réalités de la vie, je grandissais...
Je me laissais envouter par cette ambiance évidente pour moi.
Et pourtant ! Là n’était pas l’image de la vraie vie que j’abordais au seuil de ma majorité, ce n’était pas de la téléréalité !
Je n’avais pas prévu qu’un jour j’embrasserais la carrière de soignante en gériatrie.   
Tout reprendre à zéro. Mes grands-parents durent rejoindre un établissement moderne, spécialisé en gériatrie !  Leur placement me donna bien des remords, bien des soucis métaphysiques. Et je ne pus m’y résoudre. Comme l’épée de Damoclès, les aléas de la vie planent sur tout un chacun. Personne n’en est à l’abri.
La situation peut changer d’un jour à l’autre et ce qui aujourd’hui est bien établi, confortable et agréable, peut tout à coup varier, et prendre différents aspects, plus ou moins évidents.

Ainsi dans la maison toujours embaumée de mes souvenirs d’enfants, je pouvais consulter les albums photos de mes premiers pas, de mes promenades dans le jardin en fleurs à la recherche d’un trèfle à quatre feuilles, clé du bonheur, mais mes grands-parents n’y vivaient plus. Riche de ma formation, je quittais mon emploi, et pus déposer une demande pour garder auprès de moi mes grands-parents auxquels je vouais une affection sans borne. 
Etait-ce pour boucler la boucle et leur redonner le bonheur qu’ils m’avaient  offert ?
Avais-je pris conscience du fardeau que je prenais sur mes épaules ? Pour eux qui m’avaient, sans jamais se plaindre, fait une enfance dorée sans ombre et sans  larmes, j’avais pris cette décision souveraine qui leur permit de cheminer tendrement dans leur vieillesse.
Etait-ce là la préface de ma vie d’adulte ?                                                       
Mes sentiments  pour mes grands-parents n’étaient pas que de façade. Ils étaient puissants et réels.
J’étais grâce à eux depuis la disparition  de mes parents devenue cette belle jeune femme instruite, volontaire dynamique et courageuse. 
Pour ma grand-mère j’étais toujours son bijou. Pour mon  grand-père, qui ne cessait de faire la pantomime, pour m’amuser et me protéger de tristes idées,  j’étais son spectateur préféré.
Les jours passants, je commençais  à voir du changement dans leur quotidien.
Ils  diminuaient.  Ils devenaient plus casaniers et ne voulaient plus quitter leur habitat.
Tant bien que mal, le printemps leur redonna un  peu de vigueur, l’été ils craignirent la  canicule, et l’automne  qui était aussi l’automne de leur vie, arriva heureusement avec un été indien des plus doux.
Ils étaient deux petits vieux heureux.
Le temps filait ; les nuages gagnaient le ciel ; les perturbations  météorologiques et sanitaires nous incitèrent à bouleverser nos habitudes.
L’hiver se profilant,  Noël commençait à lancer ses incitations dans tous les  commerces.
J’eus l’envie d’inviter tous nos amis et faire à cette occasion,  tout  comme au bon vieux temps,  un somptueux repas de fête en attendant l’arrivée du Père Noël. 
Nous  en avions tellement faits ensemble que cette idée, loin de les agacer,  leur procura une joie immense.
Etait-ce une prémonition ?
Ce fut notre dernier mais fort joyeux repas de Noël.
Avec quel plaisir  ils participèrent à ces festivités au cours desquelles  nous avons exploré, à leur demande,  la petite valise contenant les photos de leur jeunesse et de leur mariage ! L’expression de leurs regards rajeunis hante encore et pour longtemps mon esprit et je garde d’eux la sérénité et le souvenir de leur amour.                 
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Je suis recroquevillée sur le vieux canapé qui a bercé tant  de soirées auprès de mes grands parents.
Ils ne sont plus.
Dans la grande maison du bonheur, j’ai l’impression de les entendre encore.
Oui, leurs voix vivent  encore à mes oreilles. Je sais qu’un jour les souvenirs vocaux s’effacent,  si étrange que cela puisse paraître.
Je me lève et j’appuie ma tête contre la vitre de la cuisine.
Mon regard s’enfonce par delà le jardin  où les trèfles vont encore pousser cette année. Peut être y en aurait-il  un à quatre feuilles, ou d’autres variétés ?
Le bonheur va-t-il revenir ?
Sur le tronc du lilas des nymphes de papillon attendent le moment fatidique pour déployer leurs ailes, virevolter,  se reproduire encore, et recommencer le cycle de la vie.
Ainsi va la nature…
Ainsi va la vie…
Je pleure.

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Comme dans un roman, j’ai passé la journée à revivre mes temps heureux, et mes souvenirs en masse se bousculent dans ma tête, comme la fierté de mes grands parents, lors de ma première rentrée scolaire, où socquettes blanches, tablier bien repassé, cartable neuf bien positionné sur mes épaules, je leur souriais, émue… 
Bien plus tard mon entrée au lycée privé de la ville où mes brillants résultats scolaires les rendaient si fiers…

Ce soir-là  j’ai pulvérisé le record  de larmes que l’on peut émettre au cours d’une vie.
Voilà.
Je n’en aie plus une seule.
L’hiver termine sa course.
J’ai repris mon travail pour m’occuper d’autres personnes qui n’ont pas la chance d’avoir des enfants ou petits-enfants pour les accompagner.
Et mes chers grands-parents sont toujours présents dans mon cœur apaisé.


                                                                      

 Shunt octobre 2021



18/11/2021
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