Maridan-Gyres

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Le polar de Véro

QUI A TUE LES POTIN ?

 

         Dans la clarté d'une pleine lune d'octobre, le portillon grinçant  s'entre-baille et laisse passer une ombre furtive qui se faufile parmi les arbres. Il sait qu'elles sont déjà couchées et qu'il n'aura rien à craindre. Il contourne la maison, certain de trouver la fenêtre de la cuisine entrouverte. Le jeudi soir, c'est saucisse purée chez les sœurs Potin, la hotte aspirante étant défectueuse,  cette fenêtre sera légèrement ouverte, c'est ce qu'on lui a dit, les deux garces ne supportent pas l'odeur du graillon. Mais il a beau insister, les volets résistent. Décidément, elles ne font rien comme il faut, ces satanées bonnes femmes. Elles ne perdent rien pour attendre. Il reviendra. Les empreintes de ses bottes laissent des traces sur la terre battue. Cela ne le préoccupe pas, loin d'imaginer ce qui se trame à l'instant dans la maison des sœurs Potin.

 

Vendredi 15 octobre, 9 heures.

 

Pierre Cavalli, l'air bougon et renfrogné d'un flic mal réveillé arrive au commissariat de la rue Foux. Tout en se dirigeant vers son bureau, dans le couloir de la PJ, il salut ses collègues d'une voix éraillée, l'haleine encore chargée des effluves de sa nuit agitée.

         - quoi de neuf Touillon ce matin? dit-il au sergent Touillon.

         - une femme de ménage qui a trouvé ses deux maîtresses mortes.

         - où ça Touillon?

         - 12 rue du Piemont, inspecteur.

         - OK, on est est parti.

L'inspecteur Cavalli et sa brigade débarquent dans les hauts quartiers de la ville. Il est 10 heures 30.

Aussitôt arrivés, une jeune espagnole en tablier rouge et jaune les reçoit des trémolos dans la voix, des moulinets pleins les bras.

 

         - par ici messieurs, suivez moi. Comme c'est horrible, si injuste, mesdames     étaient si gentilles, si serviables, si généreuses...et encore si jeunes.

 

L'inspecteur Cavalli en fin limier, pense que tant de si cache quelque chose .

 

-       entrez messieurs, dit Carmen, ça se passe à l'étage. 

 

Cavalli jette un regard désabusé sur l'intérieur bourgeois des sœurs Potin. Papier peint rose saumon avec des petites fleurs, guéridon, napperon en dentelle et petits pompons.

 

         - à vue d' oeil, soixante dix ans, pense-t-il  tout bas .

 

 Certain de trouver des chairs éventrées, des corps démantibulés, l'odeur fétide du sang répandu... et bien non. Confronté à une situation  inédite dans sa vie d'inspecteur de police criminelle, il croit avoir la berlue.

Carmen ouvre la porte d'une première, puis d'une deuxième chambre. Dans chacun des lits se trouve une femme de soixante dix ans à peu prés. Ce qui nous fait deux cadavres.

 

          - quoique deux soit un pléonasme pense Cavalli, puisqu' il s'agit du même     individu à deux endroits différents. En tenant compte que  ces deux chambres        sont exactement identiques, cela nous donne deux copies, soit une reproduction     de deux personnes en deux lieux identiques. Mais parce que les sœurs Potins       étaient jumelles, qu'elles avaient choisi le même décor pour leur chambre,       jusque là rien d'anormal.

 

Récapitulons : des jumelles de soixante dix ans,  bigoudis sur la tête, chemise de nuit molletonnées, les bésicles oubliées sur les ailerons du nez gisent comme endormies dans leur lit. Pourtant, elles sont raides mortes et bien mortes. Morts d'origine criminelle sans aucun doute. Cavalli peut tout voir et tout entendre . Mais ces vieilles, il les aime pas. C'est comme ça. Elles le dégoûtent, c'est instinctif. D'ailleurs pourquoi sur les miroirs des deux coiffeuses il est écrit Garces avec du rouge à lèvre rouge sang de bœuf ?

 

 Cavalli scrute le miroir  et n' entend pas l'agent Touillon l'appeler du jardin.

 

         - inspecteur, on a trouvé des traces de pas dans le jardin et un briquet en or    avec des initiales gravées.

 

 Absorbé par l' image d'un type triste et fatigué, Cavalli se regarde dans le miroir.   La quarantaine, cheveux bruns un peu trop longs. Petits yeux noirs et vifs perdus sous des sourcils ombrageux qui creusent son  visage émacié comme une lame. Et derrière une barbe de deux jours, s'insinue une bouche fine telle une plaie ouverte qui murmure en criant : Jeanne. Garces, c'est écrit juste à côté de son propre reflet, en rouge gras.  Jeanne l'a quitté hier soir.  Elle lui a  laissé un mot. Elle s'en allait, parce qu'elle avait trouvé un autre homme.  Plus viril que lui... Chienne de vie.

 

Essoufflé d'avoir couru dans l'escalier, Touillon dont on peut voir le visage rose poupin d'un jeune flic aux yeux bleus, aux dents blanches et aux cheveux blonds, un peu gras du bide à la cervelle légèrement molle. Touillon s'exclame fièrement.

 

         - chef, on tient presque l'assassin!

         - ouais Couillon, je vous écoute.

         - non, Touillon, chef, mon nom c'est Touillon.

         - qu'est ce qui vous fait dire que vous tenez presque l'assassin Touillon?

         - le briquet, chef, les initiales PD, les traces de pas...

 

L'inspecteur Cavalli soupire. Sans un mot il sort de la deuxième chambre, prend l'escalier et se retrouve à l'extérieur.  Il regarde les traces de pas puis le briquet tandis que la femme de ménage, dans un français de toréador lui explique tout ce qu'elle sait, tout ce qu'elle a vu, tout ce qu'elle croit. En fin limier, l'inspecteur Cavalli pense que tant de tout cachent quelque chose. La femme de ménage joue un petit jeu dont il aimerait bien connaître les règles. Discrètement il demande à l'agent Popi de la prendre en filature et de consigner ses faits et gestes.

Aussitôt dit aussitôt fait.  Carmen quitte la maison, l'agent Popi la suit  discrètement.

Carmen,  marche  légère et aérienne. Elle descend vers le centre ville. Ces messieurs de la police ont posé les scellés chez les patronnes. Elle sera sûrement convoqué prochainement, pour témoigner et donner quelques explications sur la vie de ses dames. Mais pour l'heure, elle respire. Il y a si longtemps qu'elle attendait ce moment. Elle en rêvait toutes les nuits.  Tout ça est terminé à présent.  Maintenant qu'elle est débarrassée ou plutôt que José et elle en sont débarrassées, ils vont pouvoir enfin s'aimer! Carmen sort son portable,  regarde autour d'elle, ne voit personne et parle doucement dans son téléphone.

 

-       allo, José mon amour, c'est toi?...C'est toi qui a fait ça?...  Tu ne comprends pas? Elles sont mortes, toutes les deux. ..Mais c'est pas toi José, tu me le jures, c'est pas toi qui les a tuées? Je t'aime, on est libre José. Tu es libre mon amour. Bientôt...

 

Elle raccroche, un sourire aux lèvres, l'agent Popi surgit de la rue d'en face,  l'empoigne .

 

-mademoiselle Carmen, libre de qui et de quoi. Suivez moi vous allez expliquer cela à l'inspecteur Cavalli.

 

 

         Cet après-midi, dans la maison de retraite Le Jardin des Aînés c' est branle-bas de combat. Un résident a fugué. Il s'agit de monsieur Fancho, 80 ans,  présentant des troubles cognitifs importants.    

        

-       nous n'irons pas jusqu'à dire qu'il est atteint de la maladie d' alzheimer mais tout seul dans la nature il peut être en danger, car M Fanchon présente des signes  d' impotence aggravée, d'apraxie, d'aphasie, d'amnésie... il  nous a été confié il y a une dizaine d'année. C'est un homme gentil et doux qui  parle  peu avec les autres résidents et reste la plupart du temps dans son fauteuil l'air songeur.

 

L'infirmière Stella explique au gendarme la situation délicate de la maison de retraite. Le gendarme n'entend qu'à demi mot la déposition de Stella.  lui fait répéter trois fois le nom du disparu, subjugué par son décolleté généreux et sa bouche pulpeuse . Elle ne parle pas cette fille, elle caresse l'air. Les mots dans sa bouche gourmande sortent comme des grenades éclatées de sucs juteux. Le gendarme  tout frétillant d'excitation reprend.

 

         - sa disparition m'avez vous dit remonte à hier soir, aprés-dîner. Pensez vous que quelqu'un soit  venu le chercher.

         -je ne pense pas, reprend Stella en se trémoussant sur sa chaise, les mains caressant les accoudoirs de son fauteuil.

 

Le gendarme torturé par cette remarque ne peut qu' ajouter.

 

         -que faites vous ce soir. J'aimerai vous inviter à boire un verre. Puis il pense à          son pôte Cavalli. Pauvre vieux, depuis que sa femme s'est tirée il est bien mal       en point, je suis sur qu'une gonzesse comme ça pourrait le retaper.

         -Ce serait avec plaisir monsieur l'agent mais je suis de garde ce soir.

         -une autre fois peut être rétorque le gendarme, en tout  cas nous nous occupons       de cette affaire et serons amené à nous revoir très prochainement. Je vous tiens au courant si il y a du nouveau, j'en parlerai personnellement à    l'inspecteur Cavalli de la PJ, spécialiste en disparition.

 

A 18 heures trente Stella prépare les traitements du soir pour ses résidents, tous issus de la grande bourgeoisie, dont bien sur monsieur Fanchon qui s'est enfui  la nuit dernière. Ses gestes fébriles trahissent une impatience latente. La sonnerie du téléphone retentit.

-Bonsoir, monsieur le directeur...disparu en effet... tout à fait, j'ai fait une déclaration à la gendarmerie...


         Dans son  commissariat l'inspecteur Cavalli poursuit sérieusement son enquête sur la mort des sœurs Potin. Les Potin  menaient grand train de vie ces dernières années. Avec l'aval du juge d'instruction il  potasse les comptes bancaires de ces dames, en dix ans elles ont récolté un joli magot. Leur petite entreprise de services à la personne est partie en une courbe magistrale d'évolution exponentielle. Des bénéfices indécents! La société « détente cordiale »se porte tellement bien qu'elle s'exporte encore mieux, surtout au  Maroc, en Grèce, en Espagne. A propos d'Espagne,  Carmen attend fébrile dans la salle d'attente.

 

         -Faites entrer mademoiselle Carmen, dit Cavalli à l'agent de police.

 

         -alors mademoiselle, je crois que vous avez des petits secrets à me confier.Cela        fait quelques heures que nous ne nous somme vus... Le temps de la réflexion.

         -c'est vrai inspecteur. Je n'aimais pas mes patronnes. Mais je ne les ai pas tuées.          Croyez moi c'est la pure vérité. dit Carmen blême et suffocante.

-Si nous reprenions à zéro Carmen. Depuis quand étiez vous au service de Simone et Francine Potin ?

 


Sur les routes de campagne, marche  un vieillard droit comme un i, portant fièrement sa barbe blanche. Un peu essoufflé, Il s'adosse contre un arbre. Remonte son col et se mouche franchement dans un mouchoir de lin blanc, puis sort un deuxième mouchoir de lin rose dans lequel il se racle la gorge férocement. Chacun des mouchoir porte une inscription brodée  avec du fil de soie. sur le blanc on peut lire SP sur le rose FP. Puis il remet les mouchoirs dans sa poche. Ce vieil homme n'est autre que monsieur Fanchon, disparu depuis la nuit dernière de la maison de retraite « le jardin des aînés». Plutôt en forme du haut de ses 80 printemps. Mais ce vendredi 15 octobre à15h il fait presque nuit, le temps est menaçant. Monsieur Fanchon se dit qu'il prendrait bien une petite mousse au  troquet du coin. il tend le pouce et arrête la première auto qui passe.

 

-Je désire me rendre en centre ville

- montez monsieur lui dit un homme en costume-cravatte.

-c'est gentil à vous monsieur. Monsieur ? Demande  Honoré Fanchon.

         - Pierre Dumont, gérontologue.

-Enchanté, Honoré Fanchon, retraité.

-        

         La mégane roule sur la route qui relie la ville haute et le centre de Gardemor. Petite ville provinciale de cinquante mille âmes, dressée sur une colline dévalant ses pentes champêtres du hauts des quartiers résidentiels jusqu'au centre commerçant de la citée. Pierre Dumont ne semble pas dupe du discours de son passager, même si Honoré lui dit s'en retourner chez sa fille et son gendre aprés une petite promenade, content de le  trouver sur sa route parce-qu' il commençait à sentir quelques signes de faiblesse.

         -On peut toujours compter sur sa bonne étoile, et vous êtes ma bonne étoile   monsieur Dumont.

 

         Un quart d'heure plus tard,la mégane noire pénètre  dans le parc d'une riche propriété. les arbres centenaire se balancent au souffle d'un vent humide d'une fin d'aprés-midi d'octobre.  La voiture s'arrête devant le perron d'une grande bâtisse, petit château,  douce folie fin dix neuvième. Dumont appelle sur son téléphone.

 

         -Stella, Monsieur Fanchon est de retour parmi nous.

Fanchon incrédule rétorque qu'il ne saisit pas. Comment se peut il..? Qu'il voudrait qu'on lui explique la raison de....

         -Ce n'est pas compliqué, monsieur Fancho. On vous cherche depuis hier soir.          Vous connaissez très bien Simone et Francine Potin, n'est ce pas ?

         Je me suis dit que nous pourrions peut être vous trouver dans les environs. Je         suis le directeur de cet établissement, malheureusement nous n'avons jamais été     présenté jusqu'alors. Au plaisir de bavarder une autre fois avec vous.

 

         -Venez Honoré, j'ai une petite surprise pour vous, dit l'infirmière.  Fanchon,   interloqué l'air hagard sort de la voiture.


         Dans son commissariat,L'inspecteur Cavalli se gratte la tête. L'enquête prend une drôle de tournure.  Les révélations de Carmen ont été précieuses.  sous leurs airs dignes et éduqués, les sœurs Potins étaient deux vauriennes patentées. Cavalli ne se trompait pas lorsque le dégoût l'avait pris juste au moment où il était entré dans les chambres. Son flair réputé ne l'avait pas trahi.  Simone et Francine trempait dans des affaires pour le moins crapuleuses.

 la sonnerie du téléphone retentit, c'est Marcel de la gendarmerie nationale.

 

         -Mon pote, une bombe cette fille. ouais elle est venu parce qu'un vieux de sa   boîte s'était fait la malle. Remarque on les comprend les vieux. Y aiment pas   l'enfermement. N'empêche que moi si j'avais une nana comme ça  devant, je        serai un vrai caniche, obéissant et tout! Je lui ai promis qu'on le lui    retrouverai son petit vieux. Sur le coup j'y ai pas pensé puis je me suis dis que    ça te ferai du bien de la rencontrer cette fille. Faut te distraire  vieux, tu          m'inquiètes, vas faire un tour par la bas.

         -OK Marcel, puisque c'est  professionnel.

         -Ouais Aimé, travailles bien mon pote.

 

         Vers 17 heure 30, Aimé Cavalli arrive à  la maison de retraite pour rendre service à son copain Marcel le gendarme .

Avec l'agent Touillon ils gravissent les marches somptueuses d'une ancienne demeure, poussent la porte massive de chêne et  bois d'ébène qui s'ouvre sur le hall. Cavalli se remémore les vers de Baudelaire « Là, tout n'est qu'ordre et beauté, luxe, calme et volupté». Cinq colonnes de marbres blancs et roses se dressent entre des canapés de velours rouges, jaunes et bleus.  L immense salle est cloisonnée par des paravents, sorte de moucharabieh ouvragés en stuc oriental, derrière lesquels des salons très confidentiels accueillent les hôtes du moment. Un décor comme au cinéma, plutôt pour s'encanailler  que pour préparer sa fin de vie ? s'interroge tout bas l'inspecteur.

 

         -Inspecteur Cavalli et agent Touillon, Nous souhaiterions nous entretenir avec          l'infirmière de cet établissement. C'est au sujet de la disparition de votre          pensionnaire M Fanchon.

 

         Stella arrive. Une chevelure rousse flamboyante, des yeux de braise La démarche chaloupée. Balançant ses hanches arrogantes dans sa blouse blanche ajustée, elle arrive sans se presser, sur ses longues jambes dénudées. Venus réincarnée, pense Cavalli, se plante devant les deux hommes et d'une voix charmeuse murmure.

 

-A ce propos, monsieur Fanchon est revenu comme il était parti d'on ne sais où, il y a une petite heure environ. C'est  terrible.Il vient de nous faire une décompensation cardiaque, nous avons du l'hospitaliser d'urgence. Actuellement Il est au service de réanimation à l'hôpital pasteur. Dans le coma. Nous étions  loin d'imaginer que tout cela arriverai. Je suis si désolé pour ce pauvre monsieur..

-        

Cavalli ne paraît pas insensible au charme de la belle. Pourtant son fameux instinct lui dit que ces disparitions, apparitions sont louches. Non, il ne se laissera pas berner par cette poupée de braise.

 

         -C'est désolant mademoiselle, où pourrions nous bavarder tranquillement ? Dit          l'inspecteur

         -Suivez moi répond elle.

         -Allons Touillons, suivez mademoiselle et prenez sa déposition. Quand à moi,je       vais faire un tour. J'ai besoin d'air.

 

Cavalli farfouille partout, son anti dépresseur à lui c'est fouiner. Dans la chambre de Fanchon il jette son œil soupçonneux aux quatre coins, ouvre le tiroir du petit secrétaire en acajou noir et trouve fortuitement un précieux document.  Remerciant en pensée son ami le gendarme, il regarde les quelques photos, mais surtout un papier jauni par les années; lui et Simone Potin étaient mari et femme, Simone l'a fait interner d'office dans cet endroit avec l'accord du docteur Dumont gérontologue et directeur de cet hepad.  Bien en vue, une paire de bottines en cuir un peu sales, sont posés par terre comme pour dire, regardez moi, prenez moi. Comme si cela ne suffisait pas, un tube de rouge à lèvre trône négligemment sur le rebord de la fenêtre.

 

         Le tube de rouge à lèvre dans une main et la paire de bottes dans l'autre l'inspecteur sort de la chambre.Tout ragaillardi, investi d'une nouvelle énergie, il décide de se métamorphoser en plante d'appartement.Ce sera plus discret pour faire ce qu'il doit . Au coin du mur à la sortie de la chambre, un grand ficus se pavane dans son pot .  Juste assez volumineux pour le dissimuler.

         Dans les longs couloirs une plante verte s' avance,  s'arrête, suit les uns et les autres sans crier gare, puis stoppe, écoute une conversation entre deux hommes. L'un jeune brun, et beau , tout en muscles et pectoraux; l'autre jeune et beau blond aux yeux de biches, à l'allure de fildefériste; tout   deux déguisés en aide soignant.

 

-ce vieux Fanchon. Pauvre vieux, peut être qu'on aurait pas du l'emmener hier sssss.

 

Ca va pas nous faciliter les choses un bègue Espagnol ! pense Cavalli.

 

-arrête de t'apitoyer , José. il nous a débarrassé de ces deux maquerelles.  Maintenant au tour de  cette pourriture de Dumont. On va lui régler son compte. Ce soir, on va particulièrement la lui soigner sa  petite soirée à ce salopard.

- et cette grosse nyn nyn nyn pho pho réplique le bègue, elle se se se ra là aussi ?

 

         Il comprend enfin où se déroulent les partis fines de l'entreprise «Détente Cordiale».  Mesdames Potins faisaient venir de jeunes hommes étranger en France. Des jeunes désespérés de tant de pauvreté, prêt à tout pour fuir et tenter leur chances ailleurs dans ce nouvel eldorado tant convoité. Quand ils passaient de l'autre côté, les jeunes hommes n'avaient plus d'autre  choix que de se soumettre et de payer de leur personne ce dont la nature les avait si généreusement gratifiée. Sans papiers, sans argent,en situation illégales,  ils étaient des proies rêvées pour nos deux rapaces Potin. Mais cela ne leur suffisait pas.  Les sœurs exportaient aussi à l'étranger... Proposant à de  riches vicieux  des prestations à la carte, sous le soleil de la Grèce, du Maroc et de l'Espagne. Et ce soir fiesta ou fiasco «on verra»  pense Cavalli déjà tout excité à l'idée de comment et qui coincer, dans cette sordide affaire de sexe et de meurtres? Quoi qu'en y réfléchissant, où sont les vrais coupables?   Le vieux Fanchon. Mais ça ne colle pas. Trop de preuves sont réunies contre lui, les bottes, le rouge à lèvre. C'est sur, on cherche à lui faire porter le chapeau . Alors Qui?  Cavalli n'aura de cesse d' élucider ce mystère. Lui, la vérité le fait vibrer.  Et  surtout la quête pour y parvenir comme les pages qui se succèdent inlassablement jusqu'au dénouement final.

Suffit. Assez de lyrisme. Place à l'action. Cavalli sort de sa plante et interpelle les jeunes hommes qui avouent ce qu'il sait déjà.

 
         -Pourquoi avoir mené M Fanchon  hier soir, là où vous savez ? Pourquoi ?

Dans un flot de mots colorés, le grec à l'allure de fildefériste avoue.

 

         -On savait que Fanchon n'avait qu'une obsession : se débarrasser des sœurs. Nous          aussi on en rêvait,  alors on lui a mis une petite fiole avec un cocktail     dans la poche puis on l'a conduit dans la nuit, on lui a tout expliqué pour qu'il   les expédie au plus vite. Et on est reparti. il les a tué. Dommage c'était pas fini, on aurait voulu aussi la peau des deux autres.


Cavalli pense que ce grec aux cheveux blonds a le langage crûment assaisonné. Faut dire qu'il doit en avoir gros sur la macédoine.

 

         -Onnnn veeeeeeu la peaauuuu de cette nymphomane et de ce PD de dumont!

 

         -Bravo pense cavalli du bègue espagnol en se remémorant les initiales PD sur          le briquet : intéressant hum... Pierre Dumont ! puis  se tournant vers le grec il    dit.

 

         -je pourrai vous arrêter pour complicité de meurtre mais je ne le ferai pas. Pour          l'heure rien n'est joué. Par contre il va falloir faire exactement ce que      je vous          demande et  ce soir durant la séance de croque en jambes, nous crèverons un abcès purulent.

 

 

         Dans la salle de soin, Touillon plus rose que jamais, écoute l'infirmière Stella susurrer d'une voix mielleuse sa vocation, la cause qu'elle défend :  le sort et le bien être de ses chers pensionnaires qu'elle choit avec infiniment de coeur, de don de soi. Le grand Touillon de plus en plus rose, laisse perler une larme au coin de son œil ovin. On frappe à la porte.
         -Vous avez trouvé ce que vous vouliez demande la belle rousse.

-Plus que je ne l'aurai souhaité, mademoiselle. De nouveaux éléments précieux sur la piste  de l'assassin des sœurs Potin.
-un meurtre ? Mais qui sont ces dames ?

-Une histoire de flic. Tout à fait banale. Je vous remercie mademoiselle de m'avoir laissé les portes ouvertes.je vous dois beaucoup dans l'avancée de mon enquête.Une bonne soirée mademoiselle. Venez Touillon, nous partons.

 

Dehors, devant le grand portail de la propriété, un  homme maigre nerveux perdu dans ses pensés bouscule  distraitement l'inspecteur.

 

         -je suis désolé dit ,l'homme, je suis souvent dans cet état avant l'office du soir.         Bien piètre serviteur de Dieu.  Excusez ma       maladresse monsieur. Je me   présente, je suis le père Jeanjean.

         -cela ne fait rien mon père. Vous portiez la communion aux résidents de la      maison de retraite sûrement ?

         -Non je ne suis plus autorisé à venir ici.

         -et, pourquoi cela ? Je suis l' inspecteur Cavalli, voici le sergent Touillon,        pourrions nous nous entretenir un moment.

         -justement dit le curé plus pâle que jamais, j'ai quelque chose à vous      confesser.venez à vingt heures au presbytère, je vous y attendrai.

 

         22heures dans la maison de retraite.

 

          Les résidents sont couchés, les dentiers trempent des verres et  chacun a avalé  son somnifère avant de dormir, de beaux rêves en perspective. Au rez de chaussée,Les petits salons s'animent curieusement. Une musique sourde pulse des rythmes lancinants et languides. Parmi les soupirs et les rires étouffés, des verres  s'entrechoquent. Des silhouettes se profilent entre pénombre et lumière tamisée. De beaux éphèbes nus, un loup sur les yeux, déambulent entre les grands piliers et les brumes ambiantes, tandis que dans leur capes et cagoules moirées, trente regards concupiscent attendent sagement que commence l'orgie.  Un autel sacrificiel est dressé dans l'entrée, seulement éclairé de trois candélabres  à sept branches, soit vingt et une bougies. Vingt et un, peu être l'âge du supplicié ? La température monte,   l'inspecteur Cavalli et deux hommes de sa brigade, attendent eux aussi en costumes le moment propice pour intervenir. Cavalli nauséeux de tant de vice et peu sensible aux atouts virils se retient d'en coller une à ce petit blanc-bec qui pointe devant lui son service trois pièces puis s'en retourne faisant la moue. L'espagnol et le grec ont subtilisé trois invitations et rajoutés trois noms à particule comme avait ordonné l'inspecteur.  Stella n'y a vu que du feu. Sulfureuse hôtesse en fourreau noir et jupon rouge assorti à ses lèvres sanglantes, et ses petites canines aiguisées qui lorsqu'elle sourit pour souhaiter bienvenue sont prêtes à vous pomper le sang sans retenue. Puis il y a Dracula, de toute évidence  Pierre Dumont  joue le vampire, sec et rigide comme s'il avait  un sabre dans le c...  ces deux là ont bien choisi leur costume. Minuit, le supplicié est amené vers l'autel.

Au douzième coup de minuit, l'inspecteur lève les masques.


         -Police criminelle et brigade des mœurs. Que personne ne bouge !

         Mademoiselle Stella et Monsieur Dumont,je vous arrête pour le meurtre de     Simone et Francine Potin

Hier soir à minuit précise, vous êtes accusé tous deux d'avoir instillé à doses mortelles, dans les tisanes de mesdame Simone et Francine Potin un puissant barbiturique, le pentobarbital, Rien avoir avec le nembutal, tout aussi dangereux, que nous avons retrouvé dans les poches de la veste de M. Fanchon, et dont vous connaissiez les intentions pour l'avoir branché sur écouteurs. Monsieur Dumont votre briquet retrouvé sur les lieux du crime  imprégné de pentobarbital et  vos empreintes sur la pile du micro retrouvé sous la table de chevet attestent que vous étiez hier soir chez les sœurs Potin, autour de minuit en compagnie de l'infirmière Stella, qui bête comme ses pieds, croyant brouiller les pistes a décoré le miroir de sa signature. Le labo nous a confirmé que les empreintes de vos lèvres sur votre rouge à lèvre personnel étaient identiques à celles du miroir. De plus, d'aprés l' étude des  comptes bancaires de mesdames Potin, il est apparu qu'elles envisageaient de les clôturer et d'en verser  l'intégralité  en Grèce, en Espagne et au Maroc .  Les deux sœurs récemment convertis à la religion chrétienne , voulait se racheter  une âme. Il y a un mois, elles se confessaient au curé de la paroisse.  Vingt pater et trente je vous salue marie, les ont convaincu  de se retirer des affaires et de  redistribuer les gains prodigieux à toutes leurs victimes.   Vos micros, cachés un peu partout vous en ont informé. C'est la raison pour laquelle  vous les avez tué .Vous Monsieur Dumont et vous mademoiselle Stella.

 

-Au nom de la loi je vous arrête.

 

 

FIN

 

 

Sa liberté retrouvée  José le bègue espagnol n'a pas épousé Carmen mais lui a fait don de sa fortune, préférant  entrer chez les pères jésuites.avec son acolyte le grec à l'allure de fildefériste. A l'heure qu'il est,  nous ne connaissons pas la suite de leur vie.

 

         Monsieur Fanchon a retrouvé sa santé. Il s'est installé dans la maison des sœurs Potin avec de vieux copains où il cultive un magnifique potager dont il régale tous les voisins. On y savoure sa fameuse potée Auvergnate. La plus accueillante , la plus chaleureuse,  la plus hospitalière de toute la ville.

 

 



01/08/2013
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