Article sans titre
La main.
Petite, rose et potelée, les ongles fragiles et transparents terminent ses doigts minuscules, c’est la menotte du nouveau né. Pleine d’une promesse de vie qui s’offre, elle se pose possessive sur le sein de sa mère, dans ses lignes on lui prédit beaucoup de chance, de joie et de bonheur.
Puis, devenue celle du petit enfant, sucée pour assouvir les douleurs dentaires, elle ne tarde pas à se maculer de purée lors de l’apprentissage de la nourriture, tâtant tout ce qui est à sa portée, c’est l’instrument rêvé des découvertes tactiles, et bientôt la proie des méchants tiroirs mordeurs de doigts !
Enfin c’est la main découvreuse, de la peinture, de la couleur, de la feuille que l’on barbouille et que l’on froisse, et où elle laisse trace de ses dix doigts, encore incertains et pourtant si présents…
Y a-t-il meilleur cadeau pour les parents que l’empreinte maladroite de la main de son enfant dans un bloc de plâtre, ou l’empreinte des petites mains des petits-enfants, sur la même page, le même jour ?
Triturant les peluches, les doudous et autre compagnons de la petite enfance la main prend de l’assurance, manipule avec de plus en plus de dextérité ses différents jouets et devient pour l’enfant lui-même objet de curiosité !
Elle s’affine et se discipline, devient plus agile, plus précise et commence à tracer des traits, des lignes, des formes et bientôt des lettres… des chiffres … Voilà l’écriture devient un signe d’expression, quelque fois même, elle sera la vedette de son propriétaire, dans le cas où il deviendra « un manuel ».
Sur les touches d’un piano, les cordes d’une guitare, au volant d’une voiture, à la queue d’une casserole, à la craie du tableau noir, au pommeau de son épée, aux commandes d’un clavier, à la seringue de l’infirmière, la main, la main, toujours la main …
La main mole sans ambition, la main broyeuse du costaud idiot, la main ferme du déterminé, la main fuyante de l’effacé….
Pour accueillir l’enfant qui sort du ventre de se mère, pour soigner les plaies de l’homme blessé, et fermer les yeux du combattant terrassé, la main …
La main croise les doigts de son amoureux, et se noie dans ses cheveux, et le jour venu, ne dit-on pas que le père donne la main de sa fille ?
La belle main fine et fuselée de la fille, la main robuste et carrée du garçon, s’unissent pour vivre des deux mains (des demains) heureux.
Et la grâce du baise main …
Agiles et dociles, les voici dans la vie active, les caresses et les câlins, les doigts ornés par le bel anneau doré. Puis ce sont les caresses aux enfants, et la douceur de la petite main glissée dans la grande main adulte. Quel bonheur !
La main devient tour à tour vision, puisqu’elle lit le braille et oreille dans le langage du sourd muet.
Aimez vos mains ! Elles sont merveilleuses et de tous les instants ! Profitez- en ! Envoyez un baiser en soufflant dans le creux de votre main, dessinez un cœur avec vos doigts joints, faites un petit signe de la main… le monde entier est dans vos mains…
Peu à peu, mais à coup sûr, le temps passe, et les mains perdent leur souplesse, deviennent douloureuses, la peau se colore, brunit, c’est la vie, c’est la vieillesse qui s’installe.
Le pot de confiture devient plus dur à ouvrir, la bouteille d’eau, n’en parlons pas, et ce merveilleux petit crochet, avec lequel on faisait des dentelles ne veut plus répondre à notre attente. Les maquettes d’avion et de train ne reçoivent plus de nouveaux compagnons. Parfois les travaux manuels ont usé, rongé, ou tâché les doigts comme chez les mécaniciens, ou les agriculteurs. Les travaux ménagers, les lessives et autre usage manuel ont marqué leurs auteurs.
La peau des mains devient alors plus fine et les veines bleuissant tracent le relief de chemins sinueux et que les petits enfants adorent suivre de leur petit doigt curieux. On voudrait que cette caresse éphémère naïve et sensuelle ne s’arrête jamais…
çà et là naissent entre les trainées bleues des tâches brunes et arrondies, que l’on nomme… «fleur de cimetière !».
Peut-on lire l’avenir dans les lignes de la main ? Mystère …
Se pose alors une question : est-ce que la main, mémoire inestimable d’une vie écoulée, à l’origine de tant de créations, tenant dans sa paume le passé, mais s’ouvrant vers l’avenir, ne serait pas l’unique aveu de la vieillesse ?
Shunt. 2022
A découvrir aussi
- Atelier 3 - 2021 - sujet 1
- Texte libre - Mon alphabet, rebu et désaltéré !alphabet
- Atelier 14 – 2001 - sujet 3 – Chat
Inscrivez-vous au site
Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour
Rejoignez les 484 autres membres