Maridan-Gyres

Maridan-Gyres

Atelier 16 - 2022 - sujet 4

 

A Whiter Shade of Pale

 

Dès les premières notes de l’orgue HAMMOND soutenue par le piano, notre cerveau reconnait instantanément la mélodie,

Un sourire monte à nos lèvres.

La batterie marque le tempo : C’est un slow, le plus connu et le plus grand slow de tous les temps, le chef d’œuvre des anglais de PROCOL HARUM.

Vite, un(e) partenaire, pour danser et rêver ensemble.

 

Ce morceau de musique né en 1967, année érotique et psychédélique, en plein « Summer of Love », responsable à lui seul de milliards d’étreintes et de nuits d’amour, a traversé la planète.

Comment lui résister...

Ne cherchez pas, c’est impossible, dansez, laissez-vous aller, abandonnez-vous.

 

J’avais tout juste 14 ans quand il est entré dans ma vie, et j’étais déjà passionné de musique pop et rock.
Très vite, retournant dans tous les sens la pochette du 45 tours que j’avais acheté chez mon disquaire, je cherchais à savoir qui était derrière ce groupe au nom latin étrange, qui signifiait « Loin » (Procol) « de celles-ci » ou « de celles-là » (Harum), autrement dit « Loin d’elles ».

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À l’époque, il était difficile d’avoir de bonnes informations sur la musique dans l’hexagone.

Il fallait acheter la seule revue mensuelle spécialisée (Rock & Folk, créé en Novembre 1966) et écouter les rares émissions pop des radios françaises (le Pop-Club de José ARTUR, Salut Les Copains qui vieillissait mal, le « président » ROSKO sur RTL).

 

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La colonne vertébrale de PROCOL HARUM était alors un duo composé du chanteur-pianiste-compositeur Gary BROOKER allié au poète Keith REED, parolier aux textes hermétiques.

Un organiste, un bassiste, un guitariste et un batteur complétaient l’ensemble.

Keith, bien que ne jouant d’aucun instrument, était considéré comme membre à part entière du groupe et figurait sur les pochettes des disques.

Dire qu’avant de commencer leur propre carrière, BROOKER et REED avaient proposé leurs chansons à des artistes en vogue comme les BEACH BOYS, qui n’en avaient pas voulu !

 

« A Whiter Shade of Pale », ce titre à lui tout seul est déjà un poème quasi intraduisible :

« Une nuance de blanc plus pâle encore », « Une nuance plus blanche de pâleur », « Une nuance de pâleur extrême » ...

Il provient d’une expression tombée dans l’oreille de REID lors d’une fête, où un homme s’est adressé de la sorte à une jeune fille : «Tu as un teint plus blanc que pâle

Après un intitulé aussi complexe, le reste du poème ésotérique de Keith REED permet bien des interprétations sur le sens caché des paroles de ce slow langoureux.
Certains y verront jusqu’à la description d’une orgie sous l’effet de stupéfiants.

Alors qu’il s’agit du récit métaphorique d’une rencontre d’un homme et d’une femme - probablement à bord d’un bateau - qui se termine... au lit.

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Mais peu importe le sens de la chanson, peu importe qu’on n’y comprenne rien, la formidable musicalité des mots de la langue anglaise suffit, les sonorités sont si belles, nous avons déjà décollé :

 

« We skipped the light fandango

Turned cartwheels ‘cross the floor…  

 

Quand j’ai découvert ce morceau, les envolées de l’orgue me donnaient l’impression d’être au sein d’une église, la magnifique voix de Gary résonnant dans le chœur.

Une musique céleste.

Mon intuition était juste, je ne pouvais le savoir mais le compositeur Gary BROOKER s’était librement inspiré de deux pièces de Jean-Sébastien BACH :

La symphonie en fa majeur de la cantate religieuse « Ich steh mit einem Fuss in Grabe »

(J’ai déjà un pied dans la tombe) et la suite pour orchestre N°3 en ré majeur.

 

Sur un poème sulfureux écrit par Keith REED, Gary avait plaqué une musique pop mélancolique inspirée d’une cantate religieuse de BACH !

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A Whiter Shade of Pale a déferlé sur la planète, n°1 partout, jusqu’à HONG KONG et au VÉNÉZUÉLA.
De multiples reprises existent, dont celle - très belle - d’Annie LENNOX en 1995, et, plus surprenant, celle de Sinn SINAMOUTH, chanteur cambodgien populaire assassiné par les khmers rouges en 1976.

 

Paradoxalement, le groupe traînera comme un boulet le phénoménal succès de sa chanson qui masqua le reste de sa production - pourtant fort respectable -, au point que les musiciens ne l’interprétèrent plus lors de leurs concerts.

 

Le temps a passé, 55 ans déjà, j’ai récemment redécouvert une merveille que je n’avais pas remarqué:  la superbe version enregistrée en plein air au Château LEDREBORG en août 2006, par Gary BROOKER au piano soutenu par l’Orchestre National du DANEMARK, ses violons, ses cuivres et ses choeurs.
Magnifique, bouleversant.

https://youtu.be/St6jyEFe5WM

 

Gary BROOKER est parti discrètement le 19 février 2022, nous ayant légué le plus beau slow du monde.

 

Écoutez cette version longue de près de 6 minutes sortie pour le 50ème anniversaire :

https://deezer.page.link/MmgYDZP4YufTsKGF6

 

Enlacez votre partenaire, fermez les yeux, commencez à tanguer doucement,

PROCOL HARUM vous invite sur la piste.

 

And so it was that later
As the miller told his tale
That her face, at first just ghostly
Turned a whiter shade of pale

 

And so, it wa-a-a -s    

 

JeanBat



18/10/2022
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