Maridan-Gyres

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Atelier 17 - 2022 - Sujet 4

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Antoine, Arnaud, Jane, Louise, Anne-Sophie et moi

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Bref regard derrière lui, la troupe s’effiloche, se dit Antoine, la fatigue se fait sentir. Arnaud est juste derrière moi, avec sa démarche de sénateur, les autres suivent en ordre dispersé. Tout le monde avance, c’est déjà bien, et personne ne râle. Faut dire aussi que je ne pouvais pas prévoir que nous serions dans une zone blanche, donc pas de GPS. Se fier aux balisages sur les arbres est hasardeux. N’étant plus entretenus, les peintures sont à moitié effacées. Heureusement, ma montre d’aviateur fait boussole. Une aide précieuse. J’espère que cette lumière au bout de ce chemin est la route, sinon nous sommes bien perdus.

 

Antoine doit culpabiliser, pense Arnaud, derrière sa moustache de gaulois. Le pauvre n’y est pour rien dans cette débandade. En bon pilote d’avion qu’il est, il a l’habitude de prévoir ses plans de vol. Son itinéraire était sûrement bien programmé sur son Smartphone. Sacrée zone blanche, trois heures que nous marchons pour une petite balade d’une heure.  Bien sûr, nous n’avions pas prévu une longue marche, donc rien à se mettre sous la dent, ni à boire, et les pieds mal chaussés. Derrière ça traîne. La fatigue impose son silence et ouvre nos oreilles aux voix de la nature. Pas de babillage pour troubler l’écoute. Chez nous les militaires, on marche en silence ou en chantant. Un peu d’ordre que diable. Voyons si mon épouse suit. Elle gambade de droite à gauche du chemin, histoire d’allonger  la marche, et ce soir elle se plaindra de sa jambe.

 

Arnaud s’inquiète pour moi, se dit Jane. Il a peur que ma jambe soignée ne tienne pas le coût. Je lui fais un petit sourire pour lui faire comprendre que  tout va bien. Me promener dans cette immense et belle forêt me donne une pêche de jeune fille. J’ai 20 ans. J’adore. Toujours à la recherche de nouvelles plantes. En voilà une justement. Elle ressemble à une fougère, mais ce n’en est pas une. Je vais la prendre en photo et demanderai au Père Vianney s’il la connaît. C’est fou comme cet homme est un puits de sciences toujours prêt à partager ses connaissances sur les plantes. Tout à l’heure, je montrerai la photo à Louise pour avoir son avis.

 

Jane avec ses foulards en patchwork gris, bleu et marron, est assortie à ces couleurs d’automne, pense Louise. Sa longue robe n’est pas adaptée, mais la balade devait être courte et le chemin aisé. Habillée comme elle est, elle est la prêtresse de la forêt.  Elle a photographié cette plante qui ressemble à une fougère. C’est vrai, elle est curieuse. Elle interrogera sûrement le Père Vianney. Mais qu’est-ce que ce sous-bois est beau avec ce décliné du jaune au marron. De toute beauté. Cela m’inspire quelques vers. Il faut que je les retienne; un joli petit poème pourrait en sortir pour mon prochain recueil. Antoine doit être furieux de nous avoir perdus ainsi. Tout ça pour voir un dolmen dans cette immense forêt. En fait de dolmen, on a les pieds humides et l’estomac dans les talons.

 

De marcher le nez en l’air à admirer le feuillage, Louise va bien se prendre les pieds dans une racine, se dit Anne-Sophie. C’est vrai que cette large et majestueuse allée de sous-bois est splendide. Au loin, cette luminosité signe d’une clairière ou mieux d’une sortie sur la route, la fin de nos efforts. J’aime bien entendre le froissement du feuillage sous nos pieds. Heureusement, avec ma canne, je peux en profiter au max. Et ces odeurs d’humus, de champignons qui nous assaillent, sont extraordinaires. On en prend plein les poumons. On n’a pas vu le dolmen, mais le sous-bois est merveilleux.

 

Et moi, je clôture la marche, avec ma patte folle. Ma marche est lente. La cuisse tire un peu. Le chirurgien m’a dit une bonne année pour le col du fémur. Il a raison, six mois ne sont pas suffisants. Pour faire le mec encore jeune, bien sûr, je n’ai pas pris mes bâtons de marche. Tu parles, pour flamber, je suis toujours le premier. Que n’ai-je mon appareil, j’aurais fait une jolie photo de cette très belle cathédrale qu’est cette allée. Sa nef haute et élancée vaut Chartres. Sa voûte de feuillages colorés, ce silence et cet éclairage au loin poussent vraiment à la méditation. Loin devant, je vois Antoine nous faire de grands signes. La route, j’espère.

 

« Ah, nos voitures sont là-bas, dit Arnaud rejoignant Antoine, bravo, tu nous a bien sorti d’affaire. »

« Je suis désolé, si la zone était couverte, mon GPS nous aurait conduit sans problème au dolmen, répond Antoine. »

« Bah, ce n’est pas grave, intervient Louise, l’endroit est très inspirant. »

« Comment te sens-tu, Jane, demande Arnaud ? »

« Comme une demoiselle, répond-elle, tout sourire ; j’ai trouvé une fougère curieuse que je ne connais pas. Je suis contente. »

« Les voitures sont là-bas, demande Anne-Sophie ? Tant mieux, que l’on puisse rejoindre rapidement le village voisin pour un bon chocolat chaud. »

« Rien de tel qu’une petite balade pas comme prévue pour souder un groupe, lançais-je à la cantonade, qui rejoignit les véhicules tout en riant. »

 

Novembre 2022

Dorémi



11/11/2022
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