Maridan-Gyres

Maridan-Gyres

Atelier 18 - 2022 - sujet 1

 

 

La feuille de chêne.

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1er avril, je bourgeonne sur ma branche tout en haut de mon chêne, ouvrant à plein poumon mes veines remplies de sèves fougueuses. La vie m’appelle. Les rayons du soleil me dépouponnent délicatement chaque jour. Je me déroule petit à petit, étalant avec mes sœurs un patchwork de verts infinis. La peau encore duveteuse, j’étends de toutes mes forces ma ramure pour grandir le plus possible et devenir la plus belle de mon arbre.

 

1er mai, je commence mon travail ayant atteint mon plus grand étal possible. Je bois les rayons du soleil à grandes gorgées, sans aucune modération, du matin au soir, ne prenant un temps de pause qu’au passage d’un nuage. La nuit, j’expulse vertement tout le gaz carbonique accumulé dans la journée. Le jour, je suis fière de fournir généreusement l’ombre rafraîchissante à mes propriétaires. De temps en temps, la pluie lave mes pores pour une meilleure efficacité, pour le bien de la planète entière.

 

1er juillet, la chaleur est étouffante. Du haut de mes 3 mètres, je crève sous plus de 40 degrés. Je comprends enfin pourquoi je ne me suis pas développée comme mes cousines du Limousin, perchées sur des arbres hauts, droits, vigoureux, fiers. Mon arbre à moi, dans le pays Cévenol, est laid, rabougri, tortueux, ayant réussi timidement à grandir en une lutte permanente contre la soif, grâce à sa racine pivotant profondément dans le sol.

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1er août, pas une goutte de pluie depuis 10 semaines. L’ enfer. Le soleil darde ses rayons sans complaisance de l’aube au crépuscule. Tout en haut de mon arbre, je n’ai aucune protection, ni casquette ni chapeau. Il devient difficile de rester accrochée à ma brindille. Autour de moi, plusieurs de mes sœurs se sont recroquevillées sur elles même pour essayer d’atténuer en vain, la soif qui les étouffe. D’autres n’ont pu résister et aux premiers vents se sont affalées misérablement au sol. L’arbre prend avant l'heure les couleurs d’automne. Il se déshabille chaque jour un peu plus.

15 août, j’ai la gorge sèche. Toujours pas de pluie. Aucune fraîcheur. L’air est un four. Ma sève se raréfie. Moi aussi, je commence à prendre des couleurs marron. Je me recroqueville doucement. Comme un fœtus, je reprends l’enroulement de ma naissance. Non, c’est encore trop tôt. Non, je ne veux pas tomber maintenant. Je n’ai pas fini ma vie. Je veux connaître l’automne avec sa foultitude de couleurs marron, jaune, rouge, ambrée. On m’a dit cette saison si belle, si voluptueuse avec ses premières pluies tièdes comme un bain. Le vent se lève. Je m’accroche becs et ongles à ma branche. Autour de moi, le vide se crée petit à petit. Le peu de sève qui me reste, coule sur mes joues, sans que je puisse la retenir. Le Mistral se lève, majestueux, royal, implacable. Je ne peux résister. Ce soir, le soleil me dresse un beau drapé orangé pour sépulture. Je sais le moment venu. Je lâche prise.

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Dorémi.

19/08/2022



24/11/2022
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