Atelier 2 – 2024 – sujet 4
Elle arriva chez lui au petit matin. Elle entra discrètement , tout doucement à pas feutrés, flottant dans la pièce comme un fantôme, un spectre. Le froufrou de sa mante à capuche sur sa peau nue était le seul bruit qui accompagnait ses gestes.
Je l’attendais depuis des jours et je n’osais plus l’espérer. Je me sentais tétanisé, timide devant sa beauté, son apparition irréelle.
La première fois où je l’avais aperçue c’était au musée de Saint Gabriel de Belfol. J’avais reçu une invitation pour l’inauguration de l’exposition de Daly. La directrice du musée maîtrisait comme habituellement son sujet , sachant accrocher l’attention des invités.
Un mouvement sur la gauche avait attiré mon attention et de fait j’aperçus une femme vêtue d’un manteau crème, de bottes à talons fauves avec une longue tresse blond vénitien tombant dans son dos. Je trouvais bizarre de ne pas l’avoir remarqué, les autres participants étant habillés de couleurs sombres. j’essayais discrètement de localiser l’endroit où elle se rendait mais c’était assez difficile sans faire montre d’impolitesse.
L’exposé qui jusqu’à présent m’intéressait perdit tout à coup de son intérêt et c’est avec impatience que j’en attendais la fin et la ruée vers le buffet.
Et oui, dans ce genre de manifestation, les invités à la fin de l’exposé se ruent sur les petits fours – voire tentent pour certains d’en faire des provisions à emporter – et les coupes de crément.
J’eus beau regarder partout , m’aventurer dans la petite salle en retrait qui exposait les toiles et tapisseries les plus précieuses, elle n’était nulle part, c’est alors que par la fenêtre j’aperçus sa silhouette qui se dirigeait vers la sortie. Je n’avais toujours pas vu son visage.
Etait-elle aussi invitée , était-elle une visiteuse qui s’était trouvée égarée parmi les invités ?
Plusieurs jours durant, je reviens au musée- espèrant la rencontrer - , muni d’un carnet à croquis pour dessiner des sculptures italiennes mais jusqu’à présent, elle ne s’était toujours pas manifestée.
Je me donnai encore un jour avant de laisser tomber ma quête et c’est ainsi que le lendemain après-midi alors que j’étais concentré sur mon esquisse une voix douce et envoutante me demanda si j’avais l’habitude de venir ici pour ce genre d’exercice.
A ma grande surprise en tournant la tête, je vis que c’était elle. Je restai muet quelques secondes devant cette apparition , son joli visage au petit menton pointu, les pommettes hautes, des yeux bleus foncés en amandes, la beauté selon moi incarnée.
Au fil des jours, nous nous retrouvions pour une balade au bord de la rivière, une visite de musée, déguster un chocolat dans un salon de thé et partager nos avis sur la peinture, les auteurs que nous lisions…
Je me posais plein de questions sans oser en poser aucune, à savoir, si elle était mariée- elle ne portait pas d’alliance mais cet indice n’était pas une fin en soi...j’en étais conscient -, ce qu’elle faisait dans la vie, où elle habitait ….pour éventuellement susciter une confidence, je l’avais emmené dans mon quartier et lui avait désigné l’immeuble aux hautes fenêtres et frondaisons où je logeais. Je lui avait fait part des recherches que j’avais faites car il était côté et les visiteurs ne manquaient que rarement de passer devant cette bâtisse historique.
Résigné, je prenais ce qu’elle me donnait de sa présence, pouvoir sentir son parfum subtil mélange troublant de tubéreuse et tabac , j’avais tellement peur de la perdre, de ne plus la voir.
Jusqu’à ce petit matin où je me demandai si je ne rêvais mais elle était bien là, encore plus belle. Elle retira sa cape dévoilant sa nudité, sa peau pâle, ses petits seins hauts , sa taille fine, ses cuisses fuselées. Elle se glissa contre moi dans mon lit et je pus sentir la chaleur de sa peau , je me sentais déjà électrisé sans oser faire un geste ….ses lèvres douces comme des pétales de roses se posèrent sur les miennes , elle glissa sa langue dans ma bouche doucement d’abord mais l’envie, le désir cédèrent bientôt le pas à tous ses jours où finalement nous nous cherchions. C’était pour mieux nous trouver aujourd’hui. J’explorais sa peau du bout des doigts dans les moindres recoins, déposais des baisers aux endroits les plus sensibles pour retarder le moment suprême , faire que ce soit elle qui m’appelle et me demande de la posséder.
Au bout d’un moment n’y tenant plus n’y l’un ni l’autre nous cédâmes à une étreinte sauvage et merveilleuse à la fois, quelque chose d’inédit ,de fort, une extase que l’on connait – si on a de la chance – une seule fois dans sa vie.
L’un contre l’autre la peau encore moite, elle se leva cependant, remis sa cape.
Adieu chuchote t-a-elle sans le regarder dans les yeux
Je ne sus jamais si elle était réelle ou si je l’avais rêvé et je me repasserais jusqu’à la fin de ma vie ce moment inoubliable .
Lostris
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