Maridan-Gyres

Maridan-Gyres

Atelier 7 - Un Conte loufoque mais hilarant

OmniBulles

 

 

Vers quinze heures, il fait quarante deux à l’ombre. En ce jour d’août.

 

Ce n’est plus supportable, dit-elle. Je vais devoir « buller » toute la journée avec cette canicule. Je bulle, déjà, carrément, soupire-t-elle.

 

A ces mots, comme par magie, comme poussée à la sortie du ventre d’une immense bourrasque, une armée de bulles envahissent sa grotte troglodyte en martelant dans l’air ces mots : nous voulons devenir cubes, nous voulons devenir cubes, nous voulons devenir cubes ….

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Comment expliquer à des bulles toutes rondes qu’il est difficile de devenir cube. Même sous le coup de la chaleur. On ne devient pas cube du jour au lendemain, que je sache, pense-t-elle.

 

Des bulles, il y en a partout maintenant, chez elle, dans sa grotte. Des bulles de toutes sortes. Des bulles de toutes les couleurs. Les unes flottant, s’envolant, les autres en suspension dans l’air comme si elles attendaient un ordre général pour agir …

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Des vagues continues de bulles, amas après amas, comme poussées par un irrésistible élan, comme droguées sous l’incroyable pulsion d’un ordre magique, s’échappent maintenant de sa salle de bains, s’empiétant les unes sur les autres dans un indescriptible désordre silencieux.

 

Elle se dit : toutes ces bulles vont bientôt m’étouffer par leur masse. Que faire ? Et surtout comment faire ?

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Un mot traverse, comme dans un éclair (instinct de survie ?), sa tête déjà toute embuée : consensus, consensus … Mais oui, il faut bien que ses expériences de vie servent à quelque chose, ne serait-ce qu’à l’application, même superficielle et pas toujours très nette (selon le côté du bord où on se place), de ce mot magique : le consensus. Le consensus à toutes les sauces, sous toutes les latitudes. Le consensus à tout prix. Vital dans tout entretien diplomatique ou même à travers un simple « clavardage » sans conséquence qui inonde actuellement les réseaux sociaux.

 

  • Que désirez-vous en fait, mes chères bulles ?
  • Devenir cubes !

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Crient les bulles de toutes sortes, de tout poil dans un élan unanime comme pour attaquer en chœur les premières notes de la neuvième Symphonie, Hymne à la Joie, de Beethoven.

 

  • Vous n’êtes pas bien raisonnables, c’est très douloureux de devenir cube, vous savez. Il y a des aspérités, des angles … et puis vous aurez du mal à rouler dans l’espace.
  • Pas de danger. On a toujours été rondes, on veut maintenant devenir carrées. Nous, on en a assez de notre carcasse de ronde.
  • En fait, je ne sais pas s’il y a déjà des bulles carrées. A mon humble avis …
  • Fais, fais. C’est le moment de créer. D’innover.
  • Mais je n’ai aucun pouvoir pour transformer quoi que ce soit. Encore moins rendre carré …
  • N’as-tu pas dit un jour que tu peux tout faire avec ton imagination ?
  • Ah bon, j’ai dit ça, moi ?

 

Elle se fait toute petite et sa voix est à peine perceptible.

 

  • Oui, c’est enregistré là. Dans nos neurones bullaires. Autrement on ne serait pas ici à t’ennuyer avec nos desiderata …

 

Elle a été bien imprudente avec son imagination. Bien prétentieuse aussi. Même débridée, son imagination ne peut, ne pourra jamais transformer en cube une bulle toute ronde. Sur le coup elle se promet d’être désormais plus attentive à ce qu’elle dit ou pourrait dire : la mémoire d’autrui est une arme à double tranchant. A ses dépens. A ses risques et périls aussi.

 

De lourdes gouttes d’eau perlent maintenant de ses tempes et coulent sur ses joues comme autant de larmes rédemptrices. La chaleur ou la peur ? Les deux probablement.

 

Dans toute stratégie consensuelle, le recul seul permet quelquefois de gagner du temps. Et le temps, elle en a besoin pour souffler. Pour faire face. Toujours faire face. Elle leur dit :

 

  • Je connais quelqu’un qui pourrait éventuellement résoudre votre problème.

 

Elle s’engouffre dans son petit bureau encombré de dossiers et de papiers administratifs non encore résolus (un vrai capharnaüm !) et d’un seul geste elle ferme la porte et ouvre grand les vitres de la fenêtre qui donne sur le Lez.

 

Prestement, elle ouvre son vieux ordinateur et soulagée, clique sur le site « Les mots de Montpellier »

 

Elfina

Ermitage-sur-Lez



18/03/2019
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