Atelier 9 - 2018 - sujet 2
L’infortune des Rougon
"Le jeune ménage se mit bravement à la conquête de la fortune."
Il y eut d’abord le choix de l’arme. Que fallait-il utiliser ? Une arme factice ou une vraie ? Lui, il pensait qu’une arme factice suffirait à effrayer et convaincre le caissier. Elle, elle pensait qu’il fallait en être sûr, donc une vraie, ce serait préférable.
Où se la procurer ? L’acheter dans une armurerie les exposerait à être questionnés sur leurs intentions. Par souci de leur proposer l’objet le mieux adapté à leur usage, l’armurier chercherait à savoir ce qu’ils souhaitaient faire avec : du tir dans un club ? Se défendre ? Et lui ne saurait pas répondre clairement, elle en était sûre.
Alors, après quelques virées en voiture dans le quartier sud de la ville, il trouva ce qui lui fallait, contre une liasse de billets un peu épaisse, auprès de personnes qui ne posèrent pas de questions.
Elle s’était chargée des repérages dans le quartier. Elle en connaissait maintenant le plan par cœur et le lui décrivait le soir, lui faisait réciter le nom des rues. Elle avait arpenté chaque rue pour faire ses courses avec la poussette du petit. Qui se méfie d’une maman qui s’arrête pour ramasser la sucette du petit tombée à terre, et jette un coup d’œil à l’intérieur de la vitrine?
Au bout de quelques jours, elle savait que les employés arrivaient dix minutes avant l’horaire d’ouverture inscrit sur la porte, que le petit caissier était souvent en retard. Elle avait mémorisé que le boucher de l’angle de la rue apportait sa recette dans un sac en plastique qui renflait la poche de son blouson vers onze heures du matin, que la vieille dame au chapeau retirait chaque matin quelques billets pour aller au marché.
Elle ne notait rien, on ne sait jamais. Il craignait qu’elle oublie des détails : Tu es bien sûre que la rue est à sens unique ? Et le fourgon des transporteurs de fonds, à quelle heure l’as-tu vu passer ? Tu es certaine d’avoir bien regardé ta montre ?
Finalement, il fut décidé que l’opération aurait lieu à l’heure du déjeuner. Pendant la courte absence du directeur de l’agence bancaire, parti acheter un casse-croûte à la boulangerie, qu’il mangeait habituellement sans lever les yeux de son écran d’ordinateur. A cette heure-là, il n’y avait habituellement que de rares clients.
Il irait seul. Elle avait dit que c’était plus sûr, qu’à deux, on est plus facilement repérables et rattrapables, qu’elle avait déjà été trop vue dans le quartier, qu’elle ne courrait pas assez vite, qu’il fallait bien que quelqu’un garde le petit à la maison. Il se rangea à ces arguments, fourra dans une de ses poches un bas de sa femme, adapté d’un coup de ciseau à l’usage qu’il voulait en faire et dans l’autre, l’arme. Chargée.
Une heure plus tard, il était revenu. Debout devant elle, livide, hors d’haleine et tremblant, " il racontait le fait avec des balbutiements d'effroi."
Christine
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