Maridan-Gyres

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L'atelier du 28/05/2014

Le mystère du croissant doré – 28/05/2014

 

Elle se croyait laide. Sa mère n’avait pas cessé de le lui répéter tout au long de son enfance.

 

-          Mon Dieu ! Que cette enfant est laide ! Qu’est-ce que j’ai fait au Bon Dieu, disait-elle en contemplant dans le miroir sa blondeur éthérée. D’où vient cette noiraude ? Pour sur, on me l’a changé à la maternité…

 

C’était aussi des ! « ma pauvre fille ! Mais quelle empotée ! » Lucie s’était donc refermée sur elle-même, doutant de tout et de tous. Elle passait dans la rue sans lever la tête, comme honteuse, petite souris grise…

Aussi, grande fut sa surprise, la première fois qu’elle trouva suspendu à sa porte, dans l’immeuble qu’elle habitait, un sac…

Intriguée, elle l’ouvrit avec précaution… serait-ce une mauvaise plaisanterie, de voisins hostiles ?

 

-          Non. Elle découvrit, emballé dans du papier fin de boulangerie, un magnifique croissant, doré à point.

 

Quelle surprise ! Elle en resta bouche bée ; elle tourna la tête à droite, à gauche, soupçonneuse. Était-ce bien pour elle ? Elle, le laideron dont tous se moquaient ! Ce ne pouvait être qu’une mauvaise plaisanterie… et si ce croissant était empoisonné ? sait-on jamais.

Elle referma le paquet, rentra chez elle furieuse. Non ! Elle n’était pas digne d’un tel cadeau ! C’était un piège, quand donc la laisseraient-ils en paix ? Elle ne demandait rien à personne.

Elle oublia cette mésaventure jusqu’au lendemain… Un nouveau paquet était accroché à sa poignée…

 

Elle se sentit rougir, puis pâlir… Pas possible ! Ce mauvais plaisant lui en voulait vraiment ! Pourtant le croissant semblait bien bon… Empoisonné ? Cela semblait invraisemblable…

 

Elle retourna chez elle à pas lents, pensive… Après tout, pourquoi pas ? Un cadeau du destin… Comment était-il ce destin ? Elle posa le croissant sur sa table et le considéra : gonflé, doré, craquant… l’eau lui monta à la bouche. Elle le saisit, en détacha un morceau qu’elle goba…

Aussitôt, l’image la heurta. Elle, sa mère, la si jolie Ariane. Elle lui avait tendu un croissant, avec un sourire que la fillette n’avait pas vu. Lucie était peu habituée aux gentillesses maternelles. Elle avait saisi la viennoiserie tentante avec rapidité, de crainte que sa mère ne se ravisât, et en avait enfourné un énorme morceau, pressée par l’avidité et la peur. Sa mère avait éclaté d’un rire méchant.

 

-          Non mais, tu l’as vue ? Espèce de guenon. Tu t’es vue en train de manger ? Une vraie truie ! Quelle fille ! Aucune distinction, une honte. Tu es une honte vivante.

 

Lucie avait senti ses yeux s’emplir de larmes. Elle voulait les étouffer. Ne pas montrer à son monstre de mère qu’elle avait été blessée… Mais les hoquets de détresse firent en sorte qu’elle s’étrangla avec le morceau de croissant.

 

-          C’est le bouquet ! hurla sa mère ! Mais que cette enfant est répugnante. File ! Ôte-toi de ma vue !

 

Lucie abandonna le reste du croissant et partit en courant. De ce jour, elle ne mangea plus jamais de croissant. Il était trop attaché à une scène désastreuse.

 

Mais à ce jour, pas de témoin, pas de mère castratrice et jalouse… il était peut-être temps de se laisser aller et de goûter à ce croissant. Impossible que le donateur connaisse l’épisode de sa déroute enfantine… Sa mère était morte… il n’y avait pas eu de témoin. Donc Lucie détacha de petits morceaux du croissant et les savoura. Quelle idiote de s’être, pendant si longtemps, privée de ce plaisir. Le croissant était délicieux, moelleux, riche, sucré et craquant ! Elle ferma les yeux sur sa jouissance. Mais une pensée la taraudait malgré tout. Qui ? Qui lui offrait ainsi ces croissants ? Une mauvaise plaisanterie ? Pourquoi pas ? En tout cas, il était excellent. Et la journée entière de Lucie se trouva illuminée. Elle garda le goût sensuel du croissant en bouche. Elle se surprit à plusieurs reprises à rêver… Qui ? Ami ? Plaisantin ?

Sans s’en rendre compte, elle levait la tête comme pour demander au ciel de répondre à ces questions… Elle remarqua aussi le ciel bleu, les arbres fleuris… Elle rencontra quelques regards… indifférents, mais pas hostiles…

Tiens, enfin ses yeux se posèrent sur un visage connu… un voisin.

Il lui sourit !

Lucie façonnée par des années d’obéissance lui répondit un peu crispée.

 

Viviane 28/05/2014


Logorallye

-          Dis maman, pourquoi est-on sur terre ?

-          Mon chéri, parce qu’autrement, tout serait triste. Tu imagines une terre sans hommes ?

-          Mais maman, tu ne crois pas que les hommes sont trop nombreux ?

-          Peut-être, mais c’est ainsi. Ils sont libres de faire ou ne pas faire des enfants

-          Tu crois que c’est bien de faire des enfants ?

-          Bien sûr ! Que ferais-je sans toi ? Ma vie ne serait que solitude et mort.

-          Tu es pour moi, toute ma vie, une vraie gourmandise, une jolie petite cerise qui brille en haut de l’arbre au printemps.

-          Oh ! Maman ! Tu rêves !  Regarde, les cerises sont mangées par les oiseaux ou tombent par terre ! Elles ne restent pas suspendues à la branche.

-          Mon enfant, c’est vrai, mais en tombant la cerise donne un autre arbre, ou le verra poindre et grandir doucement, donnant une petite pousse fragile, puis la pousse va évoluer en arbrisseau. Comme toi, amour de ma vie. De plus en plus, elle plongera ses racines au plus profond du sol, pour s’ancrer, elle grandira et grandira deviendra arbre sur lequel les oiseaux atterriront de retour de pays lointains pour faire des nids et de nouveaux petits qui les continueront et feront briller leur souvenir de génération en génération. Sois en sûre mon enfant, rien ne se perd, rien ne sombre dans le néant… La vie est en définitive la grande gagnante… Tu me continueras, et cela fonctionne aussi depuis la nuit des temps.

 

Viviane 28/05/2014


Texte joyeux

Il suffit qu’en ouvrant mes persiennes, mes yeux se perdent dans le bleu du ciel pour me sentir pleine d’entrain. L’azur lumineux me réchauffe le cœur. Je suis saisie d’enthousiasme et d’optimisme. Mes douleurs rhumatismales se sont endormies, elles qui faisaient de moi, une pauvre créature tordue… Cela est dû au chaud soleil qui peut r »veiller une vieille carcasse.

Je lève les jambes, les bras… une, deux, une, deux ! Une flexion… Ma tête apparaît et disparaît à la fenêtre… Tiens, le voisin hilare, m’adresse un petit signe… Coucou, coucou !

Vite, je m’habille… c’est un plaisir, la chaleur est là. Plaisir sensuel d’être peu vêtue, de sentir l’air sur ma peau nue… Je me sens heureuse ! Oui, libre, sans entrave…

Le soleil qui réchauffe mon corps réchauffe aussi mon cœur. Tout est doré, plus de pensées moroses. Déjà, la mer m’appelle. Elle est là, tout près.

Je savoure par avance le petit trajet, la vue des étangs peuplés d’oiseaux. Tous sont là, heureux de leur petite vie animale. Je ne me lasse pas d’entendre leurs cris, d’observer leur vol en piqué à la recherche d’une proie.

Ils sont heureux et me rendent heureuse. Enfin, c’est la plage qui étincelle sous le soleil déjà haut. Ma peau brûle, se dore, je saute à l’eau.

Ah ! Je me sens léger, perdu dans la matrice protectrice. Je fais la planche, je me laisse porter, je deviens épave, bateau, la mer m’emporte vers de lointains rivages. Je rêve, les paupières closes et vois défiler de somptueuses images.

 

Viviane 28/05/2014



30/05/2014
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