Maridan-Gyres

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L'histoire de Christian - 11/09/2013

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Est-ce un bon ou un mauvais souvenir, à y réfléchir, je n’ai pas la réponse à cet instant. Je suis encore jeune, je n’ai pas assez vécu, même si la souffrance a été omniprésente dans ma jeune vie d’enfant.

Oui, je suis un enfant de la guerre, mes souvenirs ne sont que dévastation, peur, bruit, silence obscurité, éclair.

Oh je suis  peut-être un garnement ! Mais mon seul moment de plaisir est ici, dans cette école. Ce n’est pas dans une salle, mais dans des ruines comme le reste de mon village. Un instituteur  nous fait les cours sur un vieux tableau et avec un  bout de chaux comme craie. Nous n’avons pas de cahier, pour quoi  faire ! Nous n’avons rien pour écrire. On était tous attentifs, même ma sœur dans son voile blanc l’écoutait. Pour elle, c’était une façon de s’évader, de voyager, de ne pas faire les taches ménagères. Pour moi, c’était par envie de  connaissance, avec celle-ci, je délivrerais mon pays. Je serais plus fort que ceux qui nous attaquent. Ma liberté, je l’avais en écoutant ce maitre. Nous descendions d’un peuple de poète mais aussi de savants  et médecins, nous avions notre identité peut être sans moyen à notre disposition mais nous devions en être fiers. Nous, enfants ballotés dans ces désastres, nous devions survivre et espérer en une vie meilleure.

Vous, les Européens, vous ne savez pas ce que c’est de vivre ainsi, dans le dénuement le plus complet,  la nourriture donnée avec parcimonie. Vous avez tout sous la main, en vous gaspillez même l’eau qui nous est vitale. Mais je suis heureux malgré tout, car bien d’autres enfants n’ont pas ma chance, ma sœur aussi puisque mon père a accepté qu’elle aille à l’école. C’est si peu fréquent pour une fille, d’ailleurs, elle n’a qu’une amie avec elle. Moi, son frère c’est plus facile, même si je n’ai pas tout ce que je veux. Je ne suis pas voué à rester à la maison. Il faut prendre la vie comme elle se présente, ne jamais regarder en arrière.

Que me reste-t-il ?

Des gravats comme maison, des rues dévastées comme terrain de jeux, des pierres comme jouet, le bruit des bombes comme musique, les éclairs des canons comme veilleuse, les sirènes comme appel au secours  et mon livre qui est ma porte d’entrée vers un futur meilleur, si cette guerre se termine un jour. On essaye de nous enfermer, de nous détruire. Heureusement que je l’ai ce livre, de même ce professeur, pour me faire réfléchir à mon avenir et à tout ce que nous subissons. Qu’en sera-t-il demain. Serai-je encore là ? Je vis l’instant présent comme la plupart de mes camarades. Cette guerre m’a transformé, je ne suis plus un enfant. J’en suis conscient mais est-ce ma faute ?

Je ne suis qu’un pauvre gamin pris dans un engrenage infernal qui me dépasse, qui ne sait pas où il va. Mais je veux laisser un témoignage pour tous les peuples. Nous ne sommes pas fautifs, mais nous devons nous terrer comme des bêtes  au moindre bruit, faire attention à chaque sortie. Oui j’ai perdu des amis, tombés sous les balles de sniper. Oui j’ai perdu des membres de ma famille sous les bombes, sous les attentats.

Il faudra, quand je serais grand, que je laisse un message ou même mieux que je le laisse maintenant ! Car vivrai-je  longtemps ? Cette interrogation reste toujours en moi.

 

Christian



13/09/2013
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