Maridan-Gyres

Maridan-Gyres

Textes libres

 

 

 Haïku :

 

Tristesse :

Yeux rouges, mouche perdue,

Triste, tombe du plafond au sol,

Miettes de pain pulvérisées,

 

Joie

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Luit l’oiseau sur l’eau,

Ailes tournoyantes vert bleuté,

Gaité matinale.

 

 Passion

 

Cœur ouvert de rose

Offre un amour solaire,

Bourdon danse en rond.

 

Clé, robe, livre

Le livre vierge entra dans la pièce caché dans la sacoche de l’avocat, « Ouf, quelle chance d’avoir pu me caser la dedans ». Aplati contre le dossier de l’affaire «  Le crime du Lac Noir », il se faisait tout petit ayant pour mission de noircir ses pages blanches, puis, les confier à la clé « Sésame » gardienne du coffre à double fond de la coiffeuse de la grand-mère. Viendrait l’heure de révéler les mots interdits.

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La sacoche posée sur un siège du  salon, le livre blanc, tel un chat improbable, sauta sur l’étagère.

« Sésame », en alerte, sortit d’un bond de son logis, un fond de tiroir encombré, très pratique pour se cacher et faire croire qu’elle était perdue, puis entra sans bruit dans la serrure et retrouva la parole entre ses dents dorées et finement ciselées:

 

« Te voilà enfin ! dit-elle,  « je t’attends depuis des heures, tu vas sans perdre une minute observer le traître à la justice et dérober son dossier à la première occasion, j’espère que tu sais lire  car il faudra t’emparer des informations et les coucher sur tes feuilles ?

Le crayon s’est taillé près à servir, la main du gratte dos écrira sous ta dictée, il faut éclaircir cette affaire et faire éclater la vérité »

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C’est alors que la robe de l’avocat « dit le traître », tombée négligemment sur un pouf se réveilla. Elle refit  sa mise en plis, se redressa, secoua son encolure et fixant la clé s’exclama :

 

« Dis donc toi, ne serais tu  pas en train de préparer une énorme connerie ? Tu ne le connais pas ce livre ! Il vient ici en catimini, l’air innocent, et qui sait ce qu’il racontera … d’où sors-tu ce spécimen ?  Crois-moi, je suis témoin aux premières loges  de ce qui se dit à huis clos : « L’affaire du Lac Noir » est très confuse. Du matin au soir sur le dos de l’avocat, malmenée lors de ses effets de manche, tournoyante jusqu’à la nausée, imbibée de sa transpiration mal odorante,  j’en entends des vertes et des pas mûres ! Mais je dois me taire, il me colle à la peau, je lui sied à merveille, il me donne en spectacle,  je suis corps et âme liée à lui… »

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La clé, agacée, se retourna brusquement, ferma le verrou du meuble dans un claquement sec et hurla :

 

«  Silence, la Robe, tu nous pompes, « ton mannequin du tribunal » te traite comme la dernière des serpillères, il te prend et te jette d’une chaise à un cintre sans ménagement, te froisse, te fait subir les affres du fer à repasser et des aiguilles de Mlle Grippe-sou,  et tu te soumets, quelle niaise ! pour faire la belle quelques heures en audience. Je livrerai au livre tout ce que je sais. Depuis que je les ouvre et les ferme ces tiroirs (car j’ai mes entrées partout) j’en ai appris de belles, plus que des vertes et des pas mûres… des tissus de mensonges, ça te parle des tissus  de mal façons ? … Non ? Des documents de faussaires et j’en passe… J’ai recruté ce livre, certes débutant et sans expérience, mais j’en ferai mon allié, que tu le veuilles ou non,  pour éclabousser la réputation de ton véreux plus puant que ses sueurs! »

 

La Robe se figea, amidonnée par tant de véhémence, et s’accrocha raide comme la justice au porte manteau en réalignant ses ourlets pour prendre une contenance.

 

Le Livre, apeuré, tremblant de toutes ses feuilles, les serra si fort pour les retenir qu’elles se collèrent ensemble et il tomba de l’étagère. Au sol, la reliure coupée en deux, il se mit à bruisser désespérément. Il repensa au fol espoir de connaître enfin l’encre noire qui comblerait son vide, viendrait à bout de sa virginité et donnerait un sens à sa vie. Terrifié à l’idée de finir dehors sous la pluie balayé d’un pan de la robe, il rassembla ses forces… à cet instant, l’avocat entra, décrocha brutalement la robe, sortit du salon, et laissa, sans le savoir, en tête à tête, la clé et le livre qui allaient peut être changer le cours de sa vie…

 

Claudine.



23/04/2019
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