Maridan-Gyres

Maridan-Gyres

Atelier 4 - 2022 - sujet 2

Début de l'histoire : ICI

 

Je marche d’un pas rapide vers la station de taxi, il faut que je rejoigne la librairie avant 14h et je suis en retard.

Il pleut. Je rabats ma capuche. Mes souliers clapotent dans les flaques. Une voiture m’arrose le bas du pantalon, ça va mal. Je continue à marcher en m’éloignant du caniveau tout en guettant les véhicules.

Ouf, j’aperçois un taxi libre, je fais un grand signe.  Il s’arrête, je saute dedans. le conducteur a l’air grincheux et marmonne je ne sais quoi.

Après quelques encombrements nous arrivons. Je le règle et descends rapidement. Il pleut toujours.

Je pousse la porte de la librairie…le vieux est plutôt  ronchon, il me dit :

 

« Dépêche-toi, il y a une cliente qui attend l’ouvrage qu’elle avait commandé et je ne l’ai pas trouvé ! »

 

Je pose mon imperméable, mes souliers sont trempés. J’ai un peu froid, mais la chaleur du poêle à bois rayonne dans la pièce et je le sens de suite.

La cliente est assise sur un fauteuil de velours rouge un peu passé, elle est de dos.

Elle se tourne vers moi l’air un peu agacé.  Je lui dis :

 

« désolé pour mon retard,  ne bougez pas, je vous donne ça de suite. »

 

Elle a commandé deux tomes de « Guerre et Paix in octavo reliure plein cuir estampé de l'éditeur. Elle est  passionnée de littérature russe et de beaux ouvrages.

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Je lui fait un paquet – je trouve qu’elle ressemble à ma Belle inconnue au chapeau jaune ocré…je lui souris béatement et elle semble plutôt  « surprise – conquise ».  Elle me remercie d’un clignement de paupière et d’un petit mouvement de tête.

Elle paye le vieux qui tient la caisse. Une jolie somme… Il est content.

Elle me fait un signe de la main en partant.

Elle ouvre son grand parapluie cloche tout fleuri – ça donne un air printanier à ce jour gris et humide.

Je la regarde s‘éloigner. Le vieux m’appelle :

« alors tu vas rêvasser longtemps, il y a des tonnes d’ouvrages à ranger ».

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Je grimpe à l’échelle des rayonnages et comme d’habitude Misty le Chat veille sur des bouquins.

Je le dérange. Il saute d’un bond au sol et se réfugie sur le fauteuil de velours.

Il est bientôt 19h et le vieux descend le rideau – la librairie ferme – Misty reste dormir là. Il  a ses gamelles et une chatière pour jouer le chat de gouttière la nuit à  sa guise.

Je rentre chez moi un peu troublé par ces deux femmes. Le chapeau jaune ocré et le parapluie cloche fleuri.

Je n’ai pas grand-chose dans le frigo, mais avec une soupe, un sandwich au fromage et un verre de vin ça ira.

Je me plonge dans un roman policier et je m’endors.

 

Je me réveille à 4h !

J’écoute la radio en sourdine jusqu à 6h puis me rendors et me réveille à 7h15 au son d’une voix féminine qui chante en Anglais

Je me prépare comme d’habitude –  le détail n’a aucune importance.  Je rejoins la librairie.

Le vieux est déjà là. J’entre et Misty me passe entre les jambes, se frotte et ronronne…

Je vais m’attaquer aux rayonnages du haut.

La porte de la librairie s’ouvre et entre, je n’en crois pas mes yeux, ma Belle inconnue du café… Elle a l’air perdu, hésitant… Misty va vers elle avec des miaulements charmeurs. Elle esquisse un sourire.

Elle semble embarrassée. Elle a un grand sac beige – Elle est habillée comme hier. Elle ne me reconnait pas puisqu’elle ne m’avait pas vu.

Elle  me murmure quelle cherche un ouvrage pour une amie – un genre romantique. Un peu mal à l’aise, elle se mord les lèvres – elle a un rouge à lèvres discret très seyant.

 

A ce moment là, Misty passe en trombe une souris dans la gueule… c’est habituel car les bouquins attirent les rongeurs et les murs de la boutique sont  loin d’être étanches…et comme on dit, il suffit d’un trou de souris ! 

Ma Belle inconnue d’un coup se détend…elle est fort amusée par le spectacle de Misty qui joue avec la souris la lance à peine, la retourne, la prend entre ses pattes et recommence la séquence comme un jongleur.  Elle me dit :

 

« Quelle adresse!  Ils ont toutes les audaces ces petits félins, j’espére qu’il ne va pas lui faire de mal »

 

Je lui réponds :

 

«  Ne vous inquietez pas, il est toujours comme ça, il joue un moment puis la relâche, je crois que c’est un chat civilisé et pacifique et elle s’amuse beaucoup avec lui »

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En effet elle lui grimpe sur la tête !

 

Elle rit  « je n’en connaissais pas de chat de ce genre…quelle drôle de matou et de souris  ! »

 

Et toujours séduit par la Belle, je rajoute que le Matou est comme ses maîtres…

 

« blagueur mais pas méchant »  ( enfin je parle pour moi parce que le vieux…)

 

Misty est parti en trombe vers la porte, lassé du  jeu. Il fait claquer la porte de sa chatière et va vivre sa vie de greffier des rues.

La souris a filé derrière le comptoir et retrouvé son coin au calme et peut être un bout de gruyére, pas dans une tapette dans une petite coupelle… elle est apprivoisée.

Je suis d’un coup démuni face à ma Belle inconnue, j’ai oublié ce qu’elle m’avait demandé.

Je me confonds en excuses et elle repéte son souhait.

 

« Un  roman genre romantique »

 

…Qu’est ce que je vais trouver. Il y en a tant. Je ne sais pas si son amie est une grande lectrice, fervente de littérature classique ? ou autre ??

Je la regarde et je ne sais pourquoi, j’ai envie de lui proposer « Indiana » de Georges Sand.

Peut être parce qu’il parle de passion, de conditions de la femme mariée à un époux bien antipathique… de rébellion,  de féminisme et que ma Belle inconnue me parait fragile, heurtée par la vie, par l’amour ?

Son amie le lui prêtera surement.

C’est un message par procuration que j’envoie à ma Belle Inconnue.

Je voudrais être celui qui la fera rêver et l’emmènera dans jolie histoire sans jouer au chat et à la souris – Une histoire lisse justement loin de celle du roman… comme une salvation.

 

Elle valide mon choix de bouquin – Elle aime la couverture–  le visage d’ Indiana lui plaît .

Je plie le livre dans un joli papier fleuri comme le parapluie de l’autre Belle.

J’y mets une petite carte aux lettres dorées de la librairie.

Elle prend le petit paquet de sa main gantée, le pose délicatement dans son sac beige, me remercie d’une voie assourdie et me salue d’un mouvement de tête gracieux.

Je la raccompagne à la porte.

 

Je frôle sa main sur la poignée. Elle ne la retire pas. Je lui propose de me donner des nouvelles du Roman quand son amie l’aura lu…Elle dit OUI !  Elle sort lentement et se mêle à la foule. Je la perds des yeux. J’ai déjà le cœur nostalgique.

Le vieux a un sourire narquois.

 

Misty est rentré – Il a fait son tour du quartier. Il va se lover sur le fauteuil et je regrimpe à mon échelle, la tête remplie de ce moment magique.

Et si la Belle au parapluie revenait, serai-je troublé ? je crains que oui…

Misty me regarde justement avec ses yeux énigmatiques… je le vois du haut de mon échelle. Il  semble me dire

 

« hé oui mon pote, encore tes coups de cœur… les femmes te ravissent, surtout les mystérieuses… Tu fais l’amoureux transi, mais au fond, tu es un coureur de jupon…depuis que je la vois ta mine de « touché par la grâce » dès que parait une jolie poupette…

ça me fait doucement rire.» 

 

Faut il que je le crois ? les chats ont de ces intuitions !

 

Clohe.



27/02/2022
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