Maridan-Gyres

Maridan-Gyres

Atelier 5 - 2021 - sujet 1 + atelier 4 sujet 3 phrase 3

« La jeune fille au coquillage » :

 

«  La première chose que je vis d’elle fut sa cheville, délicate, nerveuse, qu’enserrait la bride d’une sandale bleue »  (Adélaïde de Clermont Tonnerre)

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Ce matin-là, j’étais descendu sur cette plage désertée de décembre pensant qu’une longue promenade le long de la mer avec le bruit lancinant des vagues endormiraient peut être mes idées noires.

Je fus arrêté dans mon élan  par la vision de cette très jeune fille qui gisait sur un rocher balayé par les flots.  Je m’approchai, sa robe était trempée, on devinait une fine silhouette.

Le corps était inerte étalé, offert au ciel,  je pris mon vieux téléphone j’allais appeler la gendarmerie, j’étais oppressé, et si on allait-on me soupçonner ? Le doute m’envahit. Je fus pris de panique. J’étais si peu recommandable.

J’avais quarante-cinq  ans, sans travail fixe, tous espoirs perdus de retrouver une vie normale, zéro indépendance financière hors les minimas sociaux, j’habitais dans une vieille baraque de pécheur vouée à la destruction, je buvais trop, j’étais connu des cafetiers pour mes accès de rage quand j’étais ivre, j’avais déjà cassé des vitrines et des comptoirs, et fais quelques séjours à l’ombre  comme on dit !

Après tout je pouvais aussi traquer les jeunesses à des fins meurtrières …qui aurait pu dire ?

Je remontai en courant le chemin escarpé pour rejoindre la lande, la traverser au plus vite jusqu’à retrouver le canal, puis  mon abri comme si de rien n’était. J’étais essoufflé et J’avais envie de vomir.

Il y  a des jours comme ça où on fait n’importe quoi.

Je n’avais aucune raison de me cacher et pourtant je me comportais comme un criminel en cavale.

Arrivé chez moi, j’ouvris une bouteille de mauvais vin et la vidais.

Je me réveillai tard en fin de soirée. J’étais mal. Tout mon corps douloureux et un blues à crever.

Je décidai de sortir prendre l’air du soir.

J’entendis tout à coup une sirène de voiture de police et je fus à nouveau en transe, l’estomac tordu.

Il aurait fallu que j’aille voir les policiers, j’étais sans doute le premier témoin…mais maintenant après des heures et des heures passées, comment j’expliquerai mon silence ?

Et si quelqu’un m’avait vu ? Régulièrement des pécheurs cabotaient par là.

Je passai une nuit infernale à tourner et retourner dans ma tête des arguments fallacieux et des scénarios qui m’engluaient dans ma peur.

Au petit matin, mal en point,  je me dirigeai vers le bistrot du port.

Tout le monde parlait du crime. Le journal du coin titrait en première page :

 

« Une inconnue retrouvée morte dans la crique du couchant…le substitut du procureur  sur les lieux n’a rien pu déclarer...la police a trouvé un petit coquillage percé dans la main ouverte de la jeune victime, cet indice  serait-il parlant ? »

 

Pour l’heure, un avis de recherche avait été lancé. A ce qu’il parait Elle aurait été déposée sur ce rocher déjà morte selon le légiste.

Je commandai un café serré agrémenté de calva.

J’entendais les conversations dans un brouillage et mes yeux n’arrivaient pas à croiser le regard de quiconque.

Je la revoyais, surtout sa sandale bleue, un  bleu comme la voiture des policiers, comme leurs uniformes,  un bleu comme le ciel qui noircit vers l’orage, un bleu comme celui que  j’avais au cœur, énorme, qui me lançait des appels fulgurants  « soit un homme d’honneur que diable ! »

 

Alors sans plus réfléchir je partis vers la gendarmerie et racontais  d’un trait que j’avais découvert la petite victime la veille.

Vu mon état et ce qui était connu de moi, je restai 48h en garde à vue, passai devant le juge et fus assigné à résidence jusqu’à ce que l’enquête démontra que le coquillage percé était la signature d’un tueur en série. Il avait sévit en plusieurs autres régions, toujours en littoral.

 

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La jeune fille à la sandale s’appelait Adeline. Elle avait 16 ans. Elle habitait à 20kms. Elle avait croisé le chemin de l’assassin lors d’un concert en plein air où tout le monde était masqué vu les consignes liées à la Covid, et ce jour-là, les masques étaient fantaisistes…c’était une vraie fête !

Le serial killer profitait de tous les rassemblements de ce genre pour œuvrer.

Il choisissait ses proies parmi les visages les plus dissimulés de genre vénitien.

Tous les services de Police alertés avaient constitué une véritable toile d’araignée pour le piéger.

Il avait senti venir le vent et préparé son départ pour les Bahamas mais tous les avions restèrent au sol pour cause de reprise sévère  de la pandémie. Lui-même péri sous un respirateur. Certains regrettent encore qu’il ait échappé au jugement des hommes.

 

Clohe.

 



28/03/2021
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