Maridan-Gyres

Maridan-Gyres

Atelier 20 - 2021 - sujet 1

J’ai embarqué il y a longtemps, j’ai oublié le jour et l’année, je continue à chercher dans ma mémoire comment était le temps, gris ? pleuvait-il ? le vent sifflait-il dans les voiles ? le soleil chauffait-il ma peau ? je ne saurais dire.

J’ai égaré mon passé comme on égare un cahier intime à force de l’enfouir pour qu’il échappe aux curieux.

Il a disparu du jour où je me suis retrouvé sur cette presqu’ile après avoir erré dans des flots ombrageux jusqu’à épuisement.

Je me suis réveillé dans une sorte de désert  sur un lit de gravillons entouré de broussailles.

La mer grondait plus loin.

Un oiseau au plumage écru et au bec crochu s’approcha de moi et s’immobilisa.

Tout mon corps était endolori. Je frissonnais malgré le souffle chaud d’une brise chantante.

J’avais le sentiment d’être prisonnier d’un esprit malin qui m’empéchait de bouger.

Pourtant j’étais comme assuré que ça ne durerait pas, qu’un miracle allait se produire.

 

Mon vœu avait une telle force que mon cœur résonnait dans tout mon être et j’avais le vertige les oreilles assourdies par les échos de ses battements.

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Illustration : https://www.facebook.com/dqdartnet/

 

Soudain, éclairée par la lune, volant dans sa robe blanche aux larges plis ouverts comme des ailes,  apparut une sublime créature à la chevelure de déesse.

 

 

Elle tournoya puis posa ses pieds sans bruit et vint s’asseoir près de moi.

 

Elle me fixa avec insistance.

 

J’étais abasourdi et charmé.

 

Cependant elle prit un air condescendant comme si elle me jaugeait du haut de sa céleste beauté. Que voulait-elle ? était-elle ennemie ?

 

Elle resta longtemps silencieuse. Les oiseaux s’enfuirent. La lune perdit de sa force et des nuages l’enveloppérent.

 

C’est alors que je me sentis infiniment vulnérable.

 

Le Belle voleteuse dont l’arrogance s émoussait se mit à genoux et invoqua je ne sais quelle divinité d’une voix mélodieuse. Une sorte de mélopée enivrante. Puis, elle se tût et posa sur moi un regard plus doux, ses pupilles scintillaient. Elle semblait amie.  Elle sortit d’une grande poche une gourde en peau remplie d’un frais nectar et des dattes charnues. Elle me tendit le tout et  baissa les paupiéres.

Enfin boire ! Un délice !  Les fruits fondaient dans ma bouche !

Je la remerciai, elle hocha la tête, esquissa un sourire et tourna la tête vers l’ Est.

L Aube commençait à poindre. L’oiseau écru réapparut. Il piaula comme un albatros.

La Belle voleteuse lui caressa la tête et s’envola.

L’oiseau, lui, resta comme pour me surveiller…

Je me trouvai à nouveau impuissant à bouger jusqu’à la nuit tombée.

Et ainsi des jours et des jours passérent avec le retour de la Belle voleteuse chaque soir au coucher du soleil.

Elle m’apportait des mets succulents, des boissons divines.

Jamais je ne pus la toucher – Elle s' effarouchait dès que je faisais un geste vers elle.

 

J’avais  le sentiment d être coupable de je ne sais quelle faute…

Aurais-je  commis une  ignominie ?

Aurais-je été un marlou ? ma mémoire défaillante ne me donnait aucune réponse.

 

Je l’attendais ma Belle Voleteuse avec l’espoir fou qu’elle me laisserait prendre sa main mais chaque nouveau matin apportait une nouvelle déception qui me déchirait.

Je ne pensais pas pouvoir être esclave d’un être ou d’un lieu or je l’ai été pendant un temps infini jusqu’à ce que l’oiseau fasse rouler avec son bec une bouteille sortie de la mer, il la brisa d’un coup sec. Je pus lire sur un parchemin:

 

« La Belle voleteuse ne reviendra plus. Elle a choisi un nouvel esclave échoué de l’autre coté de la presqu’ile.

Elle est la fille de la lune et revêt forme humaine et use de ses atours pour vous séduire sans jamais être votre amante. Par elle, la lune se nourrit de vos énergies de mâles jusquà ce qu’elle ait de nouvelles ardeurs, mais elle n’est pas ingrate, elle vous conduit vers des lieux enchanteurs.

Pars maintenant. »

 

Je partis comme si j’avais été un autre que moi-même. J’avançai et fixai un horizon flamboyant. Le monde s’ouvrit comme une fleur et des vallées succédèrent aux montagnes,  des plaines sèches aux pâturages florissants, des fleuves, des torrents, des bras de mers et mille et une choses de cette nature mirifique me furent offertes.

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Illustration : Lee Jeffries

 

Plongez dans mon regard- Cette photo raconte que je reviens d’un long voyage, dans les yeux j’ai la lumière des grands espaces et du ciel éblouissant à  force d’être bleu criblé de rayons ardents d’un soleil implacable comme le raconte aussi mon visage buriné. Mes yeux reflètent la transparence de l’air et des eaux calmes et pures… et les âmes insondables de La Belle Voleteuse au clair de Lune.

 

Clohe.



12/01/2022
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