Maridan-Gyres

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Atelier 4 - 2024 - Sujet 4

 

 

 

Ian

 

Début de l’histoire

 

« Voilà Eliane où j’en suis : gelé, paumé et ex futur marié. J’ai tout gagné. Merci pour ton succulent chocolat chaud ».

Ian, ne sachant que faire,  était revenu au village. Ses mains pour se réchauffer sans se brûler caressaient son bol fumant. Eliane le préparait comme sa grand-mère, avec du lait entier crémeux à souhait et du chocolat noir râpé. Par-dessus l’épaule de son amie, son regard se perdait aveuglément sur les coteaux lointains. Elle respectait son silence. Hier après-midi, elle l’avait aperçu dans sa ruelle. Il ne l’avait pas mise au courant de sa venue. Sans se poser de question, la joie de le revoir lui fit l’inviter immédiatement pour le dîner, ce qu’il accepta avec un très grand plaisir. Par scrupule envers Sylvie, Ian n’avait pas averti Eliane de sa venue, mais au fond de lui, il reconnaissait qu’il l’espérait, au point de passer lâchement deux fois dans sa ruelle sans sonner à sa porte.

 

Ce fut la soirée des vieux amis, qui ne s’étaient pas vus depuis des années. Que de souvenirs à se remémorer, que de projets à se révéler. Elle, institutrice au village voisin, à l’apogée de la beauté qu’avait laissé deviner son corps d’adolescente, mariée à Eric, informaticien souvent en dépannages plusieurs jours de suite dans de grosses boîtes, deux enfants, actuellement en vacances chez les beaux-parents.  Elle vivait comme elle l’avait toujours désiré : à la campagne, avec un métier tourné vers les autres, laissant une grande place à ses propres enfants. Tout l’inverse de Ian qui préférait la ville et sa carrière dans les finances. C’était d’ailleurs pour ces raisons qu’elle et lui n’avaient jamais envisagé un avenir commun, alors que leurs cœurs d’adolescents battaient à l’unisson.

 

« Au fond, murmura Ian, tout est de ma faute. Si j’avais prévenu Sophie de mon projet, il n’y aurait pas eu de problème. Si je t’avais avertie, ton mari aurait peut-être été présent levant toute ambigüité. Je n’aurai peut-être pas oublié l’heure du dernier train. Et si je l’avais oublié, de chez toi, j’aurais pu prévenir Sophie. Et maintenant, je serais dans ses bras.

 

- On ne peut jamais refaire l’histoire mon cher Ian. Avec des si, on mettrait Paris en bouteille. Ce serait trop facile. D’un autre côté, si tu avais prévenu Sophie de ton détour par ici, l’aurait-elle accepté ? Ne t’aurait-elle pas imposé de t’accompagner ? N’y avait-il pas cette crainte dans ton silence ? De même,  que tu ne lui ais pas dit que nous avons passé une soirée ensemble tellement chaleureuse que tu as tout simplement oublié l’heure de ton train, n’est-ce pas pour cette même lâcheté ? 

 

  • Si, bien sûr Eliane, et je sais pertinemment que j’aurai renoncé à mon projet facilement.
  • Tu veux dire très facilement, trop facilement. Avant de se mettre ensemble, Eric et moi avons très longuement discuté de la manière dont vivrait notre couple. Nos priorités, celles communes comme l’éducation des enfants, mais également celles individuelles, Eric ne peut pas vivre sans son équipe de rugby, moi sans ma forêt. Les contraintes de nos professions. Avec les déplacements professionnels d’Eric, les occasions pour lui sont nombreuses. Dans nos têtes cela a fait débat longtemps et quelques fois houleux. Nous avons bâti une confiance mutuelle. Sophie aurait pu, avant de savoir si tu m’avais vu, demander comment tu allais ? Si tu n’avais pas quelques frissons persistants de ta nuit réfrigérée ? Pourquoi tu es resté dans la froideur de cette gare plutôt que de demander le gîte chez moi ? Avant de répondre à ses peurs égoïstes, n’aurait-elle pas dû se préoccuper de ton état ? 
  •  Avec toi, Eliane, tout est simple, tout est clair, franc, direct.
  •  Je pense tout simplement que Sophie et toi avez mis la charrette avant les bœufs. Un couple a besoin d’un peu de préambule pour se construire. C’est comme si vous vouliez habiter votre maison, alors qu’elle n’a que les quatre murs et le toit. Il faut ensuite construire les pièces, les sols, les portes et fenêtres.  Ce n’est qu’après que vous pouvez l'habiter. Vous avez encore besoin de parler, le compte n’y est pas. Mais, à mon avis, édifier votre union sur des cachoteries, des peurs, un manque de confiance, une jalousie latente, est aussi risqué que d'édifier une maison sur du sable. Cela peut fonctionner un temps, mais au prix de quelles souffrances. J’ai un rendez-vous et vais être obligé de te mettre dehors Eric. A toi de décider de ta vie. Va voir Sophie par le prochain train. Discutez. Tu sauras alors en quoi sera faite votre maison : en paille, en bois ou en pierres. Bon courage et tiens moi informée.»

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Malgré le froid piquant, ses bises sur mes joues les réchauffèrent pour la journée. Eliane me gratifia d’un très large sourire d’encouragement et disparut dans la ruelle. Je pris la direction de la gare et envoyais un texto à Sophie.

« J’arrive, bisous».

 

Dorémi

Février 2024



01/03/2024
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