Maridan-Gyres

Entends-tu les clochettes tintinnabuler ? Pourquoi penser à cette chansonnette de fin d’année ? J’ouvre les yeux, et …. Surprise !!

Deux yeux doux frangés de longs cils me contemplent paisiblement en mâchouillant une herbe. Une clarine pendue à son cou sonnaille doucement.

Une vache ??!!

Où suis-je ?

Je me redresse brusquement, dérangeant à peine ma nouvelle compagne très placide.

Je me trouve au bord d’un lac entouré de montagnes. La mémoire me revient.

Sur un coup de tête, je suis partie très tôt ce matin faire de la randonnée toute seule avec comme objectif atteindre le sommet de l’Aiguille Percée.

J’ai commencé à grimper d’un pas mesuré mais alerte grignotant régulièrement des fruits secs et buvant de l’eau.

En fin de matinée, je commence à ressentir les premiers symptômes de fatigue. Je suis à 2 500 mètres d’altitude et dois faire attention à mon souffle. J’arrive enfin au Lac du Chardonnet. Un joli chemin de pierres plates permet de le traverser.

Je pique-nique tranquillement sereinement en savourant la quiétude de l’endroit.

L’herbe verte tranche avec le bleu du lac. Quelques marmottes se font entendre. Je porte mon attention sur elles. J’aperçois la guetteuse perchée en haut de son rocher. En observant attentivement je finis par visualiser quelques congénères. Certaines batifolent pendant que les autres se goinfrent d’herbes bien vertes et de fleurs odorantes. Un vautour plane dans le ciel, aussitôt la guetteuse siffle et nos petites amies filent se cacher dans le terrier.

Après cette pause bien méritée, j’ajuste les sangles de mon sac à dos, inspire profondément et reprends la route ou devrais-je dire la montée. Rapidement, je trouve mon rythme, mes gestes se font plus précis. Mes sens s’éveillent, mon regard est attiré par la beauté brute de la montagne, la multitude de fleurs : aconit, gentiane, ancolie, linaigrette, centaurée… Quelle diversité !!

Mon odorat est chatouillé par des odeurs de terre humide, de résine, mon ouïe par le doux murmure du ruisseau. Mes pensées vagabondent pendant la montée devenue très raide. Mes muscles tétanisés par l’effort protestent mais je tiens bon et reste vigilante pour bien rester sur le chemin balisé.

Suant sang et eau, j'atteins enfin mon objectif. A bout de souffle, juchée à 2 700 mètres je me retrouve face à sa majesté le Mont Blanc.

L’Aiguille Percée, la plus belle arche naturelle de Savoie est remarquable par sa taille, élégance et finesse. Appelée cargneule, c’est un reste de sédiment calcaire rongé par l’érosion.

Je m’assois pour contempler cette vue à couper le souffle sur les pics avoisinants. Épuisée mais fière de mon exploit, je savoure ce moment privilégié.

Je masse mes pieds sensibles à l’échauffement dans les chaussures de randonnée.

Allez, la descente m’attend et je ne dois pas trop me refroidir !

Je reprends la piste en sens inverse et laisse derrière moi les cimes enneigées.

Quelque chose a changé en moi. Je me sens plus confiante, un peu enivrée par cette petite victoire personnelle.

La Reinette